Consommation : une éclaircie en avril après un début d’année « très dur »

Un frémissement dans la consommation des produits de grande consommation, et dans le frais en particulier, se fait sentir en avril, porté par une période favorable de vacances et de météo clémente. Mais les Français restent attentifs à leur budget.

Les dernières livraisons trimestrielles des enseignes cotées de la distribution française ne laissaient augurer rien de très enthousiasmants pour 2025. En France, les ventes de Carrefour ont baissé de -1,7 % sur les trois premiers mois de l’année par rapport au premier trimestre 2024. Quant au groupe Casino, recentré sur la proximité (Monoprix, Franprix, Casino et Naturalia), l’inflexion était de -0,7 % en données comparables.

Dans les deux cas, la baisse était moins nette que le dernier trimestre 2024. Mais tout le monde a bien saisi que la reprise n’était (toujours) pas au rendez-vous. Sentiment confirmé par l’Insee : la consommation des ménages, moteur traditionnel de la croissance française, restait en berne au premier trimestre (achats alimentaires à -0,8 % et dépenses en biens à -0,6 %). Et ce, malgré le fort recul de l’inflation tombée depuis trois mois à 0,8 %.

« Le début d’année a été très dur », confirme un distributeur, spécialiste dans l’alimentaire, qui fait face à des « consommateurs toujours stressés » par un contexte durablement morose et instable, sur le plan politique et géopolitique. Même si leur pouvoir d’achat se reconstitue, ils préfèrent encore épargner que dépenser.

Conséquence : « Ce sont des ajournements d’achat et des arbitrages d’achat permanents : beaucoup commencent le mois avec des marques nationales, puis se tournent vers les marques distributeurs, et se privent de dessert en fin de mois », témoigne ce patron sous couvert d’anonymat.

Bonne dynamique sur les produits frais

Pour les consommateurs, le reflux de l’inflation n’efface pas les 21 % de hausse dans l’alimentaire au cours des quatre dernières années. Néanmoins, les consommateurs ressentent de plus en plus, semble-t-il, le besoin de trouver ou de créer des occasions de se faire plaisir.

« En témoigne le dynamisme des ventes de biscuits apéritifs, des boissons pas trop chers comme la bière ou les sodas, ou encore des confiseries et du chocolat », confie le patron de Coopérative U, Dominique Schelcher. Le réseau de plus de 1.800 magasins a d’ailleurs enregistré « un très bon mois d’avril ». Et le patron alsacien d’ajouter : « C’est trop tôt pour en conclure que l’éclaircie sera durable. »

Chez Intermarché, également, « on constate un chiffre d’affaires qui repart depuis quelques semaines, avec notamment une bonne dynamique sur les produits frais. C’est une bonne nouvelle pour la dynamique commerciale, mais il est trop tôt pour en tirer des conclusions. »

Ce frétillement de la consommation, les observateurs du marché ont commencé à le remarquer dans leur panel en début d’année : « seulement » 35 % des foyers interrogés par le cabinet EY déclaraient en janvier arbitrer – en premier lieu – en fonction de leur pouvoir d’achat, ils étaient 41 % un an plus tôt.

Cette relative détente sur les budgets des ménages a été aussi enregistrée par le panéliste Kantar, avec 28 % des foyers manifestant leur envie de dépenser au premier trimestre, soit trois points de plus par rapport à début 2024.

Cela s’est concrétisé plus clairement en magasins en avril – mois qui comptait cette année Pâques et les vacances scolaires. Le tout sous une météo clémente, facteur clé pour booster les achats. Tous espèrent des prolongations avec les ponts de mai…

« Sur les produits de grande consommation, le frais et les produits en libre-service (PGS-FLS), nos dernières études confirment un retour de la croissance des volumes, soutenue par une hausse de la fréquence et des paniers. Ce qui n’était plus le cas depuis 2023 », explique Gaëlle Le Floch, directrice chez Kantar.

Le panéliste enregistre une hausse des ventes en volume de 2,2 % depuis le début de l’année, qui est notable pour toutes les cibles (en particulier les foyers sans enfant), et sur la majorité (58 %) des catégories, avec en tête les produits de la mer, les surgelés, et les produits traiteur en libre-service.

Des enseignes loin de crier victoire

Pas d’emballement : la base de comparaison (1er trimestre 2024) n’était vraiment pas bonne, relativise Kantar. Et le marché progresse moins en valeur, à +1,5 %, reflet du tassement de l’inflation, mais surtout la preuve que les Français ne sont « pas dans le lâcher-prise ».

« Ils sont surtout mus par la chasse aux promotions, aux bons plans, à l’économie, y compris de temps. Ce qui profite aux magasins de proximité, à l’e-commerce et bien sûr une enseigne comme Action, de loin l’enseigne préférée des Français », rappellent Frédéric Fessart et Guy-Noël Chatelin, associés EY-Parthenon.

Face à un marché « fragile et fragmenté », les enseignes de Carrefour à Auchan, en passant par Intermarché, sont donc loin de crier victoire, toutes malmenées par un recul des dépenses alimentaires de 8 % en France depuis mi-2021 et une érosion continue sur le non-alimentaire accentuée par l’encadrement des promotions sur les rayons hygiène-beauté depuis 2024.

Pour la seule année 2024, la « surépargne » des Français (par rapport à l’historique, pré-Covid) représente 66 milliards d’euros, soit près de 200 euros par mois par ménage, selon l’OFCE. Pour l’Observatoire, la baisse progressive de ce taux d’épargne sera clé dans les prochains moins pour concrétiser les espoirs, tant de fois déçus, de la grande distribution.

Par Julia Lemarchand – A retrouver en cliquant sur Source

Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/consommation-une-eclaircie-en-avril-apres-un-debut-dannee-tres-dur-2165118