Pesant 70 milliards de dollars, les achats en aéroports croissent en moyenne de 8,5 % par an depuis quinze ans. Mais le low cost et les contraintes de sécurité changent la donne.

Le commerce dans les aéroports, le « travel retail », a-t-il vécu ses plus belles heures et donnera-t-il bientôt des signes d’essoufflement ? La dernière étude internationale du Boston Consulting Groupe (BCG) sur le sujet souligne que, malgré un dynamisme qui ne se démentira pas dans les années à venir, des freins gênent son essor. Le poids du low cost et le rajeunissement du profil des voyageurs ont tendance à faire baisser le montant moyen des achats. L’accueil et l’« expérience client » ne sont pas non plus toujours optimaux. Et les contraintes de sécurité limitent pour les voyageurs le temps « utile » d’achat.

Les experts du management ont la solution pour relancer la machine : « améliorer le partage de données clients entre les acteurs concernés, marques et enseignes, compagnies aériennes et gestionnaires d’aéroports », explique aux « Echos » un des contributeurs, Olivier Abtan, directeur associé à Paris.

Aéroports : les idées du BCG pour consolider l\'essor du « travel retail »

Age d’or

Porté par l’essor mondial des voyages, déplacements professionnels ou de loisirs en avion, le  « travel retail » connaît en ce début du XXIe un véritable âge d’or. Depuis quinze ans (une fois résorbé le choc du 11 septembre) le commerce en aéroport (l’étude ne porte pas sur les gares), a connu une croissance moyenne annuelle de 8,6 % par an. Il pèse aujourd’hui 70 milliards de dollars, devenant le segment le plus dynamique de la distribution physique.

Reflétant son boom économique, c’est l’Asie Pacifique qui connaît l’essor le plus spectaculaire, avec un score moyen de +14,4 % par an. A elle seule, la zone représente 45 % des ventes. Suivent le Moyen-Orient (+13 %), l’Afrique (+7 %), les Amériques (+6,6 %) et l’Europe, lanterne rouge (4,5 %).

Baisse du ticket moyen

Ce dynamisme global est assuré dans la durée puisque le nombre des passagers transportés par les compagnies aériennes ne cesse de progresser : + 5 % par an. L’association des compagnies aériennes internationales (IATA) table sur le doublement du nombre des voyageurs entre 2016 et 2035. Encore faut-il savoir profiter au mieux de cette manne. Ce qui n’est pas le cas puisque l’étude montre qu’au cours des cinq dernières années (entre 2013 et 2017), le ticket moyen dépensé par passager a baissé en moyenne de plus de 3 %.

Le BCG y voit l’incidence du poids croissant des  compagnies low cost qui peuvent représenter jusqu’à 35 % du trafic . « Il faut sans doute proposer à ce profil de clientèle une offre commerciale davantage axée sur la restauration et les marques grand public que sur les marques de luxe », relève le BCG. Il faudrait aussi segmenter mieux les voyageurs par tranche d’âge. D’ici à 2020, les Millennials (ceux nés entre 1980 et 1994) représenteront 46 % du total. A l’autre bout du spectre, les baby-boomers et la génération X (1965-1979), déjà à la retraite ou qui y seront bientôt, vont encore plus voyager. « Il faut en tenir compte dans l’assortiment de produits et les offres qui pourraient être ciblés en fonction de l’âge mais aussi des CSP via les cartes de paiement », estime Olivier Abtan. Autre piste pour faciliter les achats : la généralisation du « click and collect » et de la livraison à domicile des achats effectués à l’aéroport ou même en vol.

Mieux exploiter les données clients

La meilleure exploitation des données clients et surtout à leur partage par les opérateurs du « travel retail », constitue le principal levier d’amélioration. On n’y est pas « car tous travaillent en silo », constate encore ce dernier.

Deux obstacles s’opposent pour l’instant à plus de collaboration : la réglementation très pointilleuse (en Europe) de protection de la vie privée et surtout le soin jaloux de chacun de garder pour soi la data. « Compte tenu des conditions draconiennes imposées par les autorités aéroportuaires, les boutiques d’aéroport ont des marges bien inférieures aux autres. Elles cherchent à préserver la richesse représentée par leur connaissance client ». Une solution existe cependant selon le BCG : la création de plates-formes, en coentreprise, que l’on chargerait d’agréger et d’analyser les données, afin de les partager en fonction des besoins.

A Roissy on commence à voire des  vidéos publicitaires coordonnées aux horaires et destinations des vols grâce au partenariat entre les compagnies, la société Decaux (affichage publicitaire) et ADP Groupe. On peut ainsi proposer en mandarin des offres produits aux passagers en partance pour la Chine.