
Alimentation bio : la consommation repart malgré un recul dans la grande distribution
Les dépenses des ménages en bio sont en croissance de 0,8 % en valeur en 2024 par rapport à 2023, après des années moroses, principalement portées par les enseignes spécialisées. Les surfaces cultivées en France, elles, continuent de reculer.
Les années noires sont-elles à conjuguer au passé pour l’agriculture biologique ? A l’occasion de sa grand-messe annuelle, l’Agence bio – groupement d’intérêt public chargé de l’information, de la promotion et du soutien à l’agriculture biologique – a annoncé une croissance de 0,8 % en valeur des dépenses des ménages en bio en France en 2024.
A 12,2 milliards d’euros l’an dernier, soit une hausse de 95 millions d’euros, elle reste toutefois loin de son niveau de 2019 – avant la crise inflationnistequi a durement affecté le secteur – de 12,8 milliards d’euros. Mais si les magasins bio ont connu une belle reprise des ventes (+6,5 %, à 3,5 milliards d’euros), la grande distribution les a vues reculer fortement (-5,1 %, à 5,8 milliards d’euros).
Responsabilité de la grande distribution
Récemment, une étude de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH, ex-Fondation Nicolas-Hulot) a souligné que les distributeurs généralistes avaient en partie contribué à ce recul. Le nombre de produits bio en grande surface a chuté, avec 7 % à 25 % de déréférencements selon les enseignes entre 2022 et 2023, alors que les différences de prix entre le conventionnel et le bio ont tendance à être accentuées, aux dépens du bio.
Une tendance néfaste pour le bio sur le point de s’inverser ? « Notre campagne de publicité actuelle – C’est bio la France – a reçu un bon accueil de la part de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) et là où elle a été déployée, les distributeurs devraient remettre des produits bio en rayon », s’est félicitée Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio.
Tendances contrastées
Derrière ce bilan général, la situation est toutefois très contrastée en fonction des filières. Le chiffre d’affaires des légumes bio a ainsi crû de 9 % entre 2023-2024, et celui des vins bio de 8 %. « Le vin bio s’exporte aussi très bien, puisqu’avant le retour de Donald Trump, on exportait pour à peu près deux milliards », souligne au passage Jean Verdier, président de l’Agence bio.
A l’inverse, dans un contexte global de déconsommation de produits carnés – notamment de viande bovine – et de jus de fruits, les viandes bio (-6 %) et les boissons sans alcools bio (-5 %) ont vu fondre leurs chiffres d’affaires. « Le déclassement de viande bio vers des débouchés non bio est avantageux pour les éleveurs bovins », note toutefois l’Agence bio, puisque les cours sont au plus haut sur le marché conventionnel.
Balance commerciale
Face à cette tendance plutôt positive, l’Agence bio met en garde contre un recul de la production en France. Alors que les légumes étaient moteurs de la croissance de la filière l’an dernier, les surfaces cultivées en bio ont reculé de 8,1 %, soit une perte de près de 3.700 hectares. Au total, les surfaces en bio ont reculé de 56.197 hectares (-2 %) sur un an en 2024, après une baisse équivalente en 2023, la part de la surface agricole utile française exploitée selon ce cahier des charges stagnant à 10,1 %.
« Au moment où il y a un frémissement de la demande, il ne faut absolument pas qu’on augmente les importations : ce serait dommage que cela ne profite pas aux productions françaises », défend Laure Verdeau. Aujourd’hui, 71 % du bio consommé dans l’Hexagone est « made in France », et même 84 % si l’on exclut les aliments impossibles à produire en quantité suffisante en métropole (cacao, thé, café, crevettes…)
Défense du bio
Une occasion pour l’Agence bio, qui vient de se voir amputée des deux tiers de son budget et est menacée de disparition dans les débats budgétaires actuels, de défendre sa raison d’être. « Chaque euro financé par l’Agence bio génère entre 2 et 3 euros d’argent public et privé », souligne d’ailleurs Jean Verdier.
Or, si la France veut pouvoir répondre à un éventuel regain de demande de produits bio, il ne faut pas perdre de temps. La conversion d’une exploitation vers le label AB prend entre deux et trois ans en fonction des productions.
Dans le même temps, nos voisins européens continuent de développer leurs productions. L’Espagne a vu sa surface en bio croître de 11,8 % entre 2022 et 2023, pour atteindre 3 millions d’hectares l’an dernier, tandis que l’Italie connaît également une belle dynamique (2,5 millions d’hectares, +4,5 %). Des pays qui, selon l’Agence bio, ont eu des politiques de maintien et de développement de l’agriculture biologique plus volontaristes que la France ces dernières années.
Par Paul Turban – A retrouver en cliquant sur Source
Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/alimentation-bio-la-consommation-repart-malgre-un-recul-dans-la-grande-distribution-2170452