Le bois va être de plus en plus présent dans les restaurants, mais en version « brute ».
Getty Images/EyeEm
Au restaurant demain: plus qu’une table, une expérience
Boum de la livraison à domicile, exigence toujours plus grande des clients… Les restaurants vivent des changements de fond.
Quel sera votre expérience au restaurant dans le futur proche ? Le Sirha -Salon international de l’hôtellerie, la restauration et l’alimentation- à Lyon permet de dessiner des courants tant dans notre assiette que dans les établissements.
Certains mouvements sont déjà inscrits comme une évidence, comme le locavorisme, le terroir, la transparence, le flexitarisme ou le bien-être animal. Nombre d’additifs et de conservateurs sont amenés à disparaître, comme les nitrites en charcuterie. « Une influence devient réelle quand il y a une prise de conscience sociétale et des acteurs pionniers qui sentent les choses avant les autres et les mettent en avant, définit François Blouin, président de Food Service Vision. Entre les chefs gastronomiques et les consommateurs citoyens, le marché bouge. Ces influences sont des déplacements : ce n’est pas que ça n’existait pas avant, mais il y a des mouvements. » Voici ce que nous avons repéré au Sirha.
La livraison à domicile change la donne
Se faire livrer autre chose qu’une pizza chez soi est désormais monnaie courante. Selon une étude Food Service Vision de juin 2018, un Français sur deux se fait livrer une fois par mois -deux sur trois en région parisienne. Si le sushi est roi, « ça fait un peu dînette à la maison » s’amuse François Blouin, les établissements proposés ne cessent de monter en gamme. Dès lors, le client ne se déplace plus pour un plat d’un lieu réputé ou d’un nouveau resto branchouille, à moins que ça ne vaille le coup.
Les restaurants doivent désormais prendre en compte cette donnée. Car selon les spécialistes au Sirha, 43% d’entre eux proposeront un service de livraison à domicile en 2020, et cela devrait atteindre 70% d’ici à quelques années. Les plats livrés -conditionnement, température- et les méthodes de transport évoluent également pour que les mets arrivent dans les meilleures conditions chez les clients.
Les restaurants « sans salle » se développent à grands pas : ils ne cuisinent que pour les clients qui commandent en livraison. Un chiffre qui s’explique aussi par l’évolution du temps accordé au déjeuner : en France, on est passés de 90 minutes dans les années 1990 à 30 minutes aujourd’hui.
Vous faire vivre une expérience
Si l’on peut se faire livrer des plats de qualité à domicile, il faut donc que le restaurant apporte autre chose, une expérience complète. « La cuisine et la table ne sont pas des lieux où on cherche à s’ennuyer, mais à partager, décrypte François Blouin. Quand je me déplace au restaurant, il faut que j’y passe un moment différent de celui que je peux vivre ailleurs, notamment chez moi. »
On cherche donc une ambiance, un bon moment, une émotion. « L’exemple actuel est le groupe Big Mamma, poursuit François Blouin. La queue est déjà une expérience. Une fois qu’on arrive à entrer, on est en Italie. Du moins, dans une Italie de carte postale des années 1950, qu’on n’a pas connue mais qu’on a vue dans des films. On se laisse aller dans une ambiance qui est sympathique, avec des serveurs vraiment Italiens. » Les bouillons parisiens doivent leur renouveau à ce mécanisme également. L’expérience dépasse l’assiette.
De « l’authenticité » à tout-va
Parce que l’expression « cuisine de terroir » peut être trompeuse, les établissements vont jouer la carte de l’authenticité. C’est-à-dire que les plats, les produits, le décor et la vaisselle doivent avoir une histoire commune « réelle » autour d’une région, d’une ville ou d’un pays. « On a besoin de reconnaître des signes, de choisir des produits qui viennent de quelque part, qu’on sache d’où ils viennent et comment ils ont été produits », analyse François Blouin.
À l’image de ce qu’est déjà le Bloempot de Florent Ladeyn, à Lille : les produits sont tous locaux -excepté le sucre, mais cela devrait bientôt être le cas-, les couteaux et les assiettes aussi, la décoration est chinée dans la région, des bières sont brassées maison selon les saisons et la chicorée a remplacé le café. Derrière cette expérience gustative, le client ressent ainsi non seulement un terroir, mais surtout une équipe qui défend un savoir-faire. Bref, de l’humain.
Cependant, comme pour la « cuisine de terroir », il va falloir se méfier des concepts. « On attribue aux produits locaux plus de vertus qu’à des produits d’ailleurs. Ce qui n’est pas toujours juste », prévient François Blouin. Le terme « authentique » n’est pas une garantie de qualité. Après tout, des chaînes de burger n’hésitent pas à parler de « recette authentique ». Il s’agit plutôt de chercher un établissement ou un(e) chef(fe) engagé(e) dans la promotion de l’artisanat.
Pour autant, territoire et authenticité ne vont pas freiner les inspirations d’ailleurs. « Il n’y a pas de cuisine sans hybridation ni voyage. Cela part toujours d’un produit qu’on découvre et qu’on travaille, comme la pomme de terre qui, aujourd’hui, fait notre bonheur tous les jours, explique François Blouin. Ce qui est différent aujourd’hui, c’est qu’on va chercher une épice, un assaisonnement, un produit et surtout pas un gloubi-boulga comme était la ‘cuisine fusion’. »
Des chefs qui cuisinent davantage
Des décennies durant, les équipementiers trouvaient de nouvelles façons d’alléger le travail des brigades de cuisine : cuisson sous vide, fonds de sauce lyophilisés, pâtes préparées, etc. Or les craintes grandissantes des clients quant au contenu de leur assiette et la prise de conscience du « bien manger » font effet. « Les chefs ont pris conscience de la chaîne de valeurs, décrit François Blouin. Et ils se remettent du coup à cuisiner davantage et à transformer des produits. » On va donc voir davantage de bouillons maison, de pâtes préparées sur place, de sauces longtemps mijotées. Et ainsi plus de caractère et de différence dans les assiettes.
Sans oublier la médiatisation qui a amené certains à passer plus de temps devant les caméras et sur leur Instagram que derrière leurs fourneaux. Si certaines émissions sont toujours un succès, le public se lasse et les programmes de cuisine ne sont plus la manne d’audience d’avant. Ces chefs surmédiatisés vont devoir prouver sur le long terme qu’ils sont plus qu’une image.
Du bois, toujours du bois
Côté décoration, si vous en avez assez du style scandinave avec ses tables en bois et ses murs blancs, cramponnez-vous : vous allez être envahis par le bois. Certes, c’est toujours d’inspiration scandinave, mais on est passés du salon à Stockholm au chalet. Le bois va gagner les murs, les meubles se feront plus « bois brut » et des sous-assiettes en bois apparaîtront sur les tables. Pour aérer cet ensemble, pas de cheminée mais des plantes, que ce soit un mur végétal ou des suspensions. Voire des emplacements laissant croire que les plantes ont poussé d’elles-mêmes entre les planches ou les rondins. Comme si la végétation était sauvage, mais de façon très maîtrisée. Chassez le naturel…