
Café en CHD : un marché en quête de sens
Deux symboles de la tendance actuelle : l’Oran Utan Coffee s’inscrit dans un programme vertueux qui vise à empêcher la destruction progressive des forêts tropicales, préservant ainsi l’habitat des orangs-outans en voie de disparition. La Chemex est la Rolls des cafetières filtre et donc le symbole du Slow Coffee.Produit phare de la Consommation Hors Domicile, le café doit répondre aujourd’hui à des consommateurs toujours plus exigeants en matière de qualité, mais aussi de responsabilité sociétale : le café doit être bon, respecter la planète et faire du bien aux producteurs. Décryptage des nouvelles tendances avec de grands torréfacteurs et des artisans.
« La tendance est à la premiumisation du marché, la qualité offerte est sans cesse tirée vers le haut, nous sommes dans une vraie démarche RSE et la notion de filière devient prépondérante », résume Nicolas Peyresblanques, Directeur Général de Segafredo Zanetti France. De fait, la caractéristique principale du marché du café en Hors Domicile actuellement est son incontestable montée en gamme, une premiumisation alimentée par la curiosité des consommateurs qui veulent découvrir des cafés de spécialité, des terroirs spécifiques, d’autres méthodes d’extraction comme le Cold Brew et le Slow Coffee, etc. Dans le même temps, les torréfacteurs observent chez les consommateurs une exigence d’information sur ce qu’ils consomment et une grande sensibilité au caractère durable du produit depuis la production jusqu’au conditionnement voire au mode de transport en passant par les labels.
Une énorme évolution
« Une énorme évolution ». C’est ainsi que Michael McCauley, le caféologue de Cafés Richard, caractérise la qualité du café depuis 25 ans. En effet, il y a vingt-cinq ans, l’essentiel du marché était constitué par l’espresso, et le café était un assemblage traditionnel composé à 20 % de Robusta et à 80 % d’Arabica. Aujourd’hui, les clients des torréfacteurs ont fait la transition et le Robusta est devenu minoritaire dans les mélanges. Le plus souvent, les assemblages pour espresso sont composés exclusivement d’Arabicas de qualité supérieure, souvent issus de terroirs identifiés et traçables, précise Michael McCauley. À ce propos, les assemblages sont très prisés des professionnels car ils assurent la constance de la qualité et de la richesse des arômes et même les réglages machine sont plus souples à travailler. Frédéric Ermacora, Directeur Général d’illycaffè France, confirme : « Dans tous les segments, on constate une nette accélération de certaines tendances de consommation. L’offre est de plus en plus sophistiquée, avec un choix qui ne cesse de s’élargir entre petits, moyens et grands producteurs, les modes de préparation sont multiples, les modes de consommation changent aussi. La capsule a généré des attentes supérieures de la part de consommateurs de plus en plus éduqués, et ils obligent les torréfacteurs à faire des efforts ». Parallèlement, on assiste depuis quelques années à la montée en puissance des cafés de spécialité ou de terroir, plus l’apanage des torréfacteurs artisanaux que des grands industriels du café, même si ces derniers ne négligent pas ce segment haut de gamme. Selon David Serruys, Président du Collectif Café et dirigeant de ProQua, les cafés de spécialité pèsent aujourd’hui 4 % du marché français. Pour lui aussi, « Les clients en CHR et en entreprise ont tendance à vouloir monter en gamme, tout comme les acteurs de la torréfaction ». Fait relativement récent, de grands chefs étoilés veulent inscrire à leur carte un café exclusif, qu’ils font torréfier en petits lots de 5 ou de 30 kg de cafés rares, comme nous le confie Michael McCauley (Cafés Richard). La Tour d’Argent, à Paris, commande son café saisonnier. Au sommet de la gastronomie, le sur-mesure est de mise ! Sur ce segment de niche très concurrentiel, les artisans torréfacteurs prennent des parts de marché aux dépens des industriels et torréfacteurs régionaux.
Du café solidaire et écolo
De l’avis général, il y a une tendance très forte et très marquée, c’est le développement rapide des cafés labellisés. Le consommateur veut du Fair Trade et si possible du bio. Au-delà de ça, il veut connaître l’histoire du café, savoir où, comment et par qui il a été produit, s’il a été transporté à la voile, s’il fait du bien aux producteurs…, bref, quand il consomme un café, il le fait en « citoyen du Monde », il faut que son acte de consommation soit porteur de sens. « Les labels et le bio sont vraiment une très grande tendance, nous sommes leader des cafés Fair Trade en CHR parce que nous y avons très tôt répondu », dit Michael McCauley. Même analyse chez illycaffè : « Le développement durable est un thème qui est devenu essentiel aujourd’hui, mais qui n’est pas nouveau pour illycaffè. Déjà en 1970, Ernesto Illy avait une vision durable et voulait que son activité fasse du bien à tout son écosystème. #OneMakesTheDifference, notre programme d’actions durables, en est la preuve concrète ». Chez Segafredo, on constate une envolée des ventes de cafés certifiés et cafés biologiques avec une croissance de 20 %. A telle enseigne que les contrats signés avec Accor et Mc Donald’s portent sur du café bio ! Dans le registre écologique, les emballages sont en ligne de mire. Nicolas Peyresblanques met en exergue la démarche RSE de Segafredo, notamment sur les emballages : « Les consommateurs expriment une attente forte sur les emballages avec des matériaux plus écologiques. Nous avons donc développé des emballages sans aluminium et recyclables, nous donnons ainsi une garantie de fin de vie. Et afin de matérialiser notre engagement, nous avons signé pour la deuxième fois le Pacte Mondial des Nations Unies et obtenu plusieurs certifications durables ». Idem chez illycaffè, où un effort particulier a été porté à la réduction des déchets et à l’emploi de matériaux écoresponsables, comme le précise Frédéric Ermacora : « Nous avons changé nos gobelets en VAE pour de nouveaux en matériau écodurable, nos dosettes ESE sont naturellement compostables, quant à nos capsules en plastique, elles vont suivre le même parcours de réduction pour tendre vers le compostable ». Ou encore comme chez Cafés Richard qui participe, avec d’autres entreprises agroalimentaires, à l’appel à projets mené par Citéo pour la mise au point d’un film barrière souple en polyéthylène pour créer des emballages de paquets de café recyclables.
La troisième voie
Autre tendance de fond, les boissons gourmandes, qui sont loin d’être une activité marginale. « Les boissons gourmandes sont une très belle idée qui ouvre une troisième voie et qui valorise le café. Elles concernent surtout de jeunes consommateurs âgés de 18 à 25 ans pour la plupart et qui sont nos consommateurs d’espresso de demain. Apparemment, Starbucks se porte bien et vend des produits qui correspondent à sa cible et cela contribue à tirer vers le haut la consommation de café », s’enthousiasme David Serruys. Un avis que partage Nicolas Peyresblanques, très actif sur le segment : « Les Millennials consomment ainsi du café. Nous avons développé une offre large à destination des professionnels et formé nos cinquante commerciaux afin qu’ils deviennent de véritables experts tant de l’espresso que des boissons gourmandes. C’est un segment en forte croissance, à haute valeur ajoutée et qui procure de réels revenus additionnels ». Il y a un consensus parmi nos interlocuteurs sur le fait que l’espresso est parfois d’un abord un peu brutal pour un palais qui n’y est pas habitué. Comme le dit Fréderic Ermacora, « l’espresso est une boisson avec un caractère fort et cela peut être assez spécial. Les boissons gourmandes sont une transition vers un café plus nature ». Ce nouveau marché, qui peut laisser pantois les puristes, est assurément un marché d’avenir. D’ailleurs, on le constate en GMS par l’étendue de la gamme de capsules permettant de préparer un cappuccino ou un macchiato, les deux boissons gourmandes historiques.
Cold brew et Slow Coffee
Dernière grande tendance du café en CHD, l’évolution des modes de consommation et partant, des modes de préparation, comme le Cold Brew et le Slow Coffee (café-filtre en français, selon David Serruys).
Article à retrouver sur https://www.da-mag.com/boutique/vente-au-numero/da-mag-n183-janvier-fevrier-2021/