« Jamais nous n’avons vécu autant d’années incertaines. » Les propos de Giuseppe Lavazza, président du groupe éponyme, résument bien la situation que traverse l’industrie du café depuis 2021.

« Après la très forte hausse du café arabica, nous avons subi les conséquences des gelées au Brésil, la chute des ventes dans les cafés, hôtels et restaurants liées au Covid et l’inflation, raconte le dirigeant italien. Et alors que nous pensions être revenus à un peu plus de tranquillité, les aléas climatiques et la spéculation ont propulsé le robusta à des plus hauts historiques au Vietnam, le premier producteur au monde pour ce café. »

Sacrifice des marges

Les cours ont augmenté de plus de 50 % en un an, et atteignent désormais 3.800 dollars la tonne. A ces difficultés sont venues s’ajouter les tensions géopolitiques sur le canal de Suez, par lequel le café robusta destiné à l’Europe est acheminé.

Face à cet environnement très chahuté, Lavazza a décidé pour la deuxième année d’affilée de s’en tenir à « des prix abordables », quitte à sacrifier une partie de ses marges pour préserver ses volumes et ses parts de marché.

Au final, en 2023 le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 3,1 milliards d’euros en hausse de 13 %, mais il a perdu en rentabilité avec un Ebitda de 263 millions d’euros en baisse de 15 %.

Le résultat net a plongé de 28 % à 68 millions d’euros. L’acquisition de Maxi Coffee , une entreprise française qui vend des machines et du café sur Internet, mais aussi aux cafés-restaurants, aux stations-service et aux entreprises, a contribué à la hausse de chiffre d’affaires.

Le vent du large

Malgré toutes ces incertitudes et une moindre rentabilité, le groupe italien a toujours en tête de poursuivre sa politique de croissance externe. « Nous continuerons d’évaluer les investissements stratégiques et synergiques qui peuvent contribuer à notre développement à long terme », dit Antonio Baravalle, le PDG de Lavazza.

L’Europe est un marché important pour l’entreprise turinoise, mais celle-ci redoute que trop de réglementations ne finissent par mettre le marché communautaire en difficulté.

« C’est pourquoi nous voulons nous développer aux Etats-Unis et en Chine à l’avenir », ajoute Giuseppe Lavazza. Le groupe est encore peu présent sur ces marchés. « Notre programme d’investissement reste intact. Nous désirons poursuivre notre développement international en croissance organique et externe », appuie Giuseppe Lavazza.

Le groupe italien nourrit de fortes ambitions sur le marché américain, où il vise un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros d’ici cinq ans, sachant qu’il y a totalisé des ventes de 400 millions d’euros en 2023. En Chine, où il détient un réseau de 200 coffee-shops en partenariat à 65/35 avec Yum China, Lavazza s’est fixé pour objectif de quintupler ce nombre de boutiques.

En Europe, « la croissance reste forte, mais les marges de développement sont surtout à l’Est et dans les pays Baltes », estime Giuseppe Lavazza.

Nouveau terrain de concurrence

Le café en grains ressort comme la tendance la plus intéressante de ces dernières années , selon Lavazza. « Il y a là un potentiel stratégique pour notre groupe qui y joue un rôle prépondérant. C’est aussi le nouveau territoire de la concurrence », dit encore Giuseppe Lavazza.

Plus abordable, que les dosettes, le café en grains a conquis plus d’un consommateur en quête de naturalité. Notamment en France, où c’est le segment qui a connu la plus forte hausse entre 2022 et 2024 au 19 mars, selon Nielsen.

« La progression a atteint près de 28 % à 400 millions d’euros », lorsque dans le même temps, les ventes de dosettes et autres capsules augmentaient de moins de 7 % à 1,7 milliard d’euros. Celles-ci continuent d’être beaucoup plus rentables, mais l’érosion du pouvoir d’achat a freiné leur essor sur le gros marché hexagonal de 3,6 milliards d’euros en hausse de 8,7 %.