L’émergence en France du coffee-shop date des années 1990. Ces néo-cafés sont désormais bien ancrés dans les habitudes de consommation, avec, à la clé, un bouillonnement d’idées et d’innovations. Cette tendance a fait arriver sur le segment de nombreux acteurs qui ont donné un coup de vieux au traditionnel café de quartier. Entre recettes à base de café et produits dérivés, mais également boissons chaudes réconfortantes, l’univers du coffee-shop n’a jamais été aussi riche.
Alternatives Café
L’image constitue un classique des films et séries américaines : un gobelet rempli de café ou d’une boisson chaude issue d’un coffee-shop. Aussi bien au travail que dans la rue ou encore en voiture, comme faisant pleinement partie de la vie quotidienne outre-Atlantique. Comme toutes les modes qui naissent aux États-Unis, celle du coffee-shop a bien marqué son arrivée sur le Vieux Continent, en particulier en France, où elle se trouve aujourd’hui bien implantée avec une offre diversifiée. Le nombre de coffee-shops s’élèverait ainsi à environ 2500 points de vente, avec une surpondération parisienne. Un chiffre avancé par Foodservice Vision. Cependant, « il s’agit d’un marché très difficile à définir parce qu’il existe beaucoup de lieux qui ressemblent à des coffee-shops mais qui peuvent être présents dans des magasins », avance François Blouin, président fondateur du cabinet. Ainsi, les 2500 points de vente font référence aux « coffee-shops de type Starbucks ou Columbus Café ».
Et, parmi ceux-là, en 2024, 787 étaient des coffee-shops chaînés et 1700 des établissements indépendants. De plus, si le mouvement du coffee-shop n’est pas récent, même en France, avec la création de Columbus Café en 1994 et l’arrivée du géant américain Starbucks dans l’Hexagone dix ans plus tard, il a récemment vécu un coup de boost. « Il y a eu une accélération post-Covid avec une offre de coffee-shops indépendants, de la créativité, une reconnaissance du métier de barista et de l’art de servir du café », poursuit François Blouin. Et ce développement ne faiblit pas avec un taux de croissance qui s’élève à 5 % pour les chaînes et même 10 % pour les indépendants, d’après des données de Foodservice Vision. Aussi, ce type d’établissement ne se développe pas seulement par création mais également par transfert. En effet, « nous observons des ventes et des reprises de fonds de commerce. Le nombre de points de vente CHR traditionnels s’érode légèrement alors que le nombre de coffee-shops progresse », développe le président fondateur de l’entreprise de conseil.
Des propos confirmés par Frédéric Pastur, directeur général du français Columbus Café : « Je constate que le coffee-shop a souvent pris la place d’un bar-café de quartier. » Et ce, en toute logique, de manière très forte dans les zones urbaines et les hypercentres, comme on le voit particulièrement sur Paris, même si le coffee-shop s’est « progressivement installé dans les zones rurales et petites villes », ajoute François Blouin. Et, pour cause, « le coffee-shop correspond à un concept de destination et se situe donc plutôt en centre-ville », justifie Frédéric Pastur, directeur général de l’enseigne qui compte 260 points de vente et 120 franchisés indépendants, avec « 80 % du réseau qui se situe en région », dans des villes d’au moins 30000 habitants.
Une diversité de recettes
Par ailleurs, le directeur général de Columbus Café explique la forte expansion du marché du coffee-shop, toujours en cours, par l’évolution des habitudes de consommation. « Consommer de la boisson tout au long de la journée est entré dans les mœurs des générations parce qu’elles ont été éduquées et élevées avec », estime-t-il ainsi. La créativité sur les boissons a en effet été poussée à l’extrême, notamment par la possibilité laissée par certains établissements de les personnaliser. « Le marqueur du coffee-shop est le suivant : nous prenons une recette et nous la personnalisons », poursuit Frédéric Pastur. Tel est d’ailleurs le cas chez Columbus Café avec plus de 200 variétés de boissons possibles et « une trentaine de recettes identifiées », sans oublier les « cinq à huit innovations chaque année ». Les incontournables des cartes servent de base. Ils ne sont d’ailleurs plus à présenter. « L’espresso en premier lieu, ensuite le latte et le cappuccino, puis le cold brew, qui correspond à du café infusé à froid, poursuit son ascension », établit Guillaume Langloy, cofondateur, avec Caroline Langloy, du torréfacteur lyonnais Loutsa, spécialisé dans le café de spécialité et qui possède huit boutiques (cinq à Lyon et trois à Paris), dans lesquelles le café est servi. « Le sourcing correspond à notre expertise. Tous les mois, nous lançons de nouveaux cafés, pour emmener les gens en voyage, les faire partir en découverte », explique-t-il.
Malgré tout, d’autres types de boissons, éloignées du café, occupent de plus en plus de place. Que ce soit le matcha, le chaï latte ou encore les boissons aromatisées. « Le matcha prend le dessus », confirme Guillaume Langloy. « Il est porté par l’aspect santé et sa notoriété. » Le cofondateur de Loutsa fait ici référence à l’explosion du matcha à travers les réseaux sociaux qui pousse ainsi certains consommateurs à commander cette boisson, sans pour autant l’apprécier… « Les clients ne sont pas très fans du goût, de son amertume », abonde-t-il. Parfois, avec ce nombre innombrable de boissons, on en oublierait presque que le coffee-shop, par son nom même, fait référence au café. À travers ses 15 boutiques, Christophe Servell, le fondateur du torréfacteur Terres de Café, spécialisé dans le café de spécialité, a souhaité travailler, le café évidemment, via différentes méthodes de consommation (espresso, filtre ou encore hybride tel que la méthode Ibrik ou café turc [voir notre article sur le café filtre, page 52]), mais également ses sous-produits. « À savoir, le cascara, qui correspond à la pulpe et à la peau autour du grain, et une infusion de feuilles de caféier », précise-t-il ainsi. Sans oublier des cocktails tels que le diabolo cascara et des feuilles de menthe et de caféier. Et d’ajouter : « L’idée est de proposer des produits très bons et qui représentent des revenus complémentaires pour les producteurs. »
L’engouement est tel que tout le monde s’y met. Avec son premier coffee-shop baptisé Café et situé dans le quartier du Marais, à Paris, Nespresso a toutefois choisi de ne pas se disperser. « Sur les 18 origines de pays disponibles chez Nespresso, nous en proposons deux. Nous revenons à l’essence du café, avec peu de recettes, dont une recette signature Mocha Tonka avec de la fève tonka », explique Nathalie Gonzalez, directrice générale adjointe de Nespresso France. Des origines qui tournent tous les deux à trois mois dans cet établissement inauguré en juillet 2025 et qui sont mises en valeur à travers un nombre restreint de boissons, qui se limitent aux recettes incontournables. À travers ce lieu, la marque a souhaité « faire découvrir qui [elle est] vraiment et l’expertise du café [qu’elle] possèd[e] », comme le souligne sa directrice générale adjointe. Le savoir-faire lié au travail du café et à son service est en effet inhérent au coffee-shop. En termes d’attente des consommateurs, « le principe de base est celui d’une boisson chaude de qualité », relève alors François Blouin, de Foodservice Vision. Et de renchérir : « Ils viennent chercher une expérience ! »
Un long travail d’éducation
Ces lieux ont permis de porter une attention accrue au café, à son cheminement, du caféier jusqu’à la tasse, en passant par la torréfaction et les multiples modes de consommation (cafetière italienne, filtre, piston, Chemex, etc.). « Les coffee-shops ont fait beaucoup d’éducation sur le café », se réjouit Florent Illien, à la tête de Comptoir et Traditions, torréfacteur et épicerie à Concarneau (Finistère). Même son de cloche du côté de Christophe Servell. « Ils participent de la montée en gamme du goût. Les gens savent désormais ce que représente un café qui n’est pas brûlé », complète-t-il. Ainsi, il n’est plus rare que les clients demandent la provenance. « Ils se rendent compte qu’il existe des terroirs, comme dans le vin, avec des goûts différents », poursuit Florent Illien, qui a choisi de mettre temporairement en pause son activité de coffee-shop, le temps de la relancer sous un nouveau format. « Je proposais du cappuccino, du matcha, mais également des plats du jour. Au fil du temps, je faisais davantage de pâtisserie que de la torréfaction », déplore-t-il, précisant également avoir fait difficilement face à une activité en dents de scie au regard du nombre de personnes employées. Et d’expliquer son projet : « Je ne veux plus réaliser de gâteaux. Le torréfacteur étant central, je veux absolument proposer mon propre café, à emporter ou en prévoyant quelques places. »
Sortir du lot
Mais alors, au milieu de cette large offre de coffee-shops, comment se démarquer ? Cette question se pose de plus en plus. « Nous constatons l’émergence d’un concept de coffee-shop à la française : le coffee-bakery. C’est-à-dire des enseignes de boulangerie qui créent des formats café », relève, dans cette veine, François Blouin, de Foodservice Vision. Et d’ajouter, preuve du succès de cette nouvelle étape dans le développement du coffee-shop en France : « 46 % des Français consomment des boissons chaudes dans le circuit de la boulangerie. » Émergent également des concepts qui s’éloignent des traditionnels coffee-shops à l’inspiration anglo-saxonne : français, coréens, japonais ou encore italiens. Ainsi, tandis que Nespresso a imaginé pour son Café un lieu issu d’un « mélange entre tradition italienne et modernité », comme l’indique Nathalie Gonzalez, Sara Boukhaled a quant à elle choisi de mettre en avant le Maroc avec Maison Gazelle, située dans le 6e arrondissement de Paris. Elle a décidé de transformer son salon de thé du 11e arrondissement, centré autour des cornes de gazelle et de boissons à base d’amande, pour proposer une offre plus complète et répondre ainsi « à différents moments de consommation dans la journée ». L’objectif était clair : « Nous ne voulions pas représenter un énième coffee-shop. » Pour se différencier de la concurrence, Sara Boukhaled a alors prévu une douzaine de recettes avec comme signature un « lait d’amande fait maison tous les jours ». Le tout, accompagnée par Terres de Café, avec qui elle a imaginé un café marocain épicé, composé de cannelle, gingembre, noix de muscade et clou de girofle. Torréfacteur qui se charge également de la formation des baristas de Maison Gazelle. Parce qu’in fine, l’essentiel tient en un seul mot : café.