Comment les entreprises adaptent leur offre à l’inflation ? 

LES QUESTIONS QUI HANTENT LES ENTREPRISES. Quand les prix flambent, les stratégies commerciales changent. Aussi bien dans l’automobile que dans la restauration et, bien sûr, dans les supermarchés frappés par une augmentation des étiquettes supérieure à 12 % en 2022.

Le retour de l’inflation en 2022 a tiré les prix vers le haut à des pentes entre 5 % et 6 % au global et plus de 12 % dans l’alimentation ou les produits du quotidien. Cette nouvelle donne a secoué les politiques commerciales des industriels et des distributeurs. Tous se sont demandé comment faire danser cette valse des étiquettes à des consommateurs inquiets et dont le pouvoir d’achat est attaqué ?

« La question est cruciale en ce début 2023. Les distributeurs sont obligés de passer une partie des hausses à deux chiffres que réclament leurs fournisseurs. Eux-mêmes doivent compenser l’augmentation de leurs coûts, de l’énergie notamment. Tout cela fait planer la menace d’au moins 6 % d’inflation à la fin du premier semestre qui se rajouteront aux 12 % de 2022 », analyse Emily Mayer, experte chez le panéliste IRI.

Meilleures ventes

Le tourbillon a déprécié les stratégies en vigueur depuis une décennie. Dans le secteur du quotidien, les supers et hypermarchés jouaient avec une inflation nulle , une déflation même jusqu’en 2019 et la loi Egalim. Ailleurs, la péréquation de marges entre les produits lissait les à-coups. « Les entreprises ne peuvent plus se contenter de travailler sur les extrémités de leur offre. Les meilleures ventes ne peuvent plus être épargnées », affirme David Vidal, expert en prix chez Simon-Kucher.

Les grandes enseignes multiplient les promotions, même Leclerc qui en faisait peu. Toutes ont dressé une liste d’articles aux prix bloqués. Les hausses sont séquencées tous les trois ou quatre mois et retardées pour éviter l’effet coup de massue. Les marques de distributeurs sont mises en avant, ainsi que les gammes premiers prix. Les premières sont passées de 27 % à plus de 33 % des ventes et les secondes connaissent une croissance supérieure à 7 % (à mi-décembre).

Les industriels réduisent leur gamme et ferment certaines lignes de production à des fins d’économie. Les distributeurs rognent sur leur offre afin d’optimiser leurs achats et leurs chaînes logistiques.

« La sensibilité au prix n’est pas la même pour tous les produits », tempère David Vidal qui pressent la différenciation des offres des enseignes, chacune mettant en avant « sa » sélection. « L’écart entre les chaînes les moins chères et les plus chères est passé de 16 % à 25 % », constate-t-il déjà. Monoprix ne joue plus le même jeu que Lidl ou Leclerc.

Arbitrages

Après avoir un peu tergiversé avant d’augmenter les prix face à un début d’année difficile, le secteur de la restauration a pour sa part accéléré les hausses de tarifs de ses menus en fin d’année 2022. Et la moitié des professionnels comptent poursuivre le mouvement en 2023. Il faut dire que les hausses des prix des matières premières qu’ils ont subies étaient encore de 12,7 % au quatrième trimestre, selon Food Service Vision.

Les restaurants adaptent leurs offres afin de ne pas faire fuir les clients à cause de prix trop élevés. Ils jouent notamment sur les ingrédients. Les enseignes spécialistes de la viande rouge développent les plats à base de poulet ou poussent des pièces de boeuf moins onéreuses. Les offres végétales, bien dans l’air du temps, se font plus nombreuses. Le choix se réduit un peu pour pouvoir utiliser l’effet quantité lors des négociations de prix avec les fournisseurs.

Le défi consiste aussi à entretenir l’envie de consommateurs qui ont tendance à freiner leurs dépenses non contraintes. Les études montrent que les sorties au restaurant figurent au premier rang des arbitrages. Des prix d’appel sont donc conservés sur des produits emblématiques. Certaines offres à tarif moins élevé émergent dans des enseignes haut de gamme. L’enseigne de pizzas et cuisine italienne Del Arte teste dans treize restaurants une formule d’abonnement permettant de manger chaque jour un plat dans une sélection.

« Le traditionnel menu a un effet psychologique, commente David Vidal. Parfois, il faut aller jusqu’à le retirer ». Pour l’expert en « pricing », les modèles doivent changer. Il tourne le regard vers l’abonnement ( Monoprix et Casino proposent déjà 10 % de réduction contre moins de dix euros par mois, Carrefour le teste ) ou le tout compris à la Club Med. « Le client doit avoir une autre raison de venir que le prix », résume-t-il.

Location avec option d’achat

Dans l’automobile, au troisième trimestre 2022, la hausse des prix atteignait 18 % sur un an, selon le cabinet Roland Berger. Une poussée due à la flambée du coût des matières premières et de la logistique, à la pénurie persistante de semi-conducteurs. Les chaînes d’assemblage tournent au ralenti, et l’offre de voitures neuves n’arrive pas à suivre la demande. Les marques profitent de ce déséquilibre pour augmenter leurs prix deux à trois fois par an.

Pour faire passer la pilule auprès des acheteurs, les constructeurs développent la location avec option d’achat (LOA), une pratique devenue majoritaire sur le marché des particuliers depuis l’an dernier. Etalée sur quatre ans, une hausse de prix de 1.500 euros ne renchérit les mensualités que d’une vingtaine d’euros. De surcroît, la valeur résiduelle du véhicule est elle aussi orientée à la hausse.

Par Philippe Bertrand avec Clotilde Briard et Lionel Steinmann – A retrouver en cliquant sur Source

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