
Covid : les casinos français ont basculé du vert au rouge
La crise sanitaire a cassé net la croissance retrouvée des casinos français. Selon l’organisation patronale Casinos de France, l’activité a globalement baissé de 24,5 % au cours de l’exercice 2019-2020 des opérateurs. Et 2020-2021 est déjà marqué par deux mois d’arrêt avec le prolongement de la fermeture des établissements. Les syndicats de salariés sont inquiets.
L’espoir d’un redémarrage aura été de courte durée pour les quelque 200 casinos français. Alors que les professionnels tablaient sur une reprise de leur activité le 15 décembre et les vacances de fin d’année pour repartir de l’avant, après une année 2020 difficile pour cause de crise sanitaire, le Premier ministre a douché tous leurs espoirs en renvoyant à janvier l’éventuelle réouverture de leurs établissements.
« Les fêtes de fin d’année sont un moment important pour nos entreprises. C’est quasiment notre treizième mois. La période est surtout porteuse pour nos activités annexes au jeu, la restauration principalement. Le public n’est pas le même, ce n’est pas seulement les habitués des casinos, rappelle le président de l’organisation patronale Casinos de France, Jean-François Cot. La profession est inquiète. L’exercice 2019-2020 [clôture au 31 octobre, NDLR] est mauvais et nous commençons très mal le suivant, avec déjà deux mois de fermeture. »
Croissance stoppée net
L’inquiétude est tout aussi vive du côté des syndicats des salariés, soit près de 16.000 personnes en incluant le personnel des sept clubs de jeux parisiens. « Il faut absolument que nous retravaillions à partir du 7 janvier. La situation devient très dure, les pertes de revenus sont importantes. Certains salariés de la restauration n’ont pas travaillé depuis février », déclare notamment Serge Piccone, responsable de la branche casinos de la Fédération des services CFDT. Même alarme chez FO.
De fait, le Covid-19 a stoppé net le cycle de croissance dont bénéficiait le secteur depuis 2015. Selon le président de Casinos de France, « la tendance pour 2019-2020 est à une baisse de 24,5 % du PBJ », le produit brut des jeux, lequel correspond au chiffre d’affaires réel des exploitants puisque constaté après les gains des joueurs. Une chute sans précédent. La baisse de fréquentation est même plus marquée, en recul de 27,5 %, précise Jean-Pierre Cot. Groupe Partouche, le numéro deux du secteur – derrière Barrière -, qui est coté, a récemment annoncé avoir accusé une diminution de près de 22 % de son PBJ au terme de son exercice 2019-2020, à 525,7 millions d’euros, sachant que ce total intègre ses activités à l’étranger et sur Internet.
Pour l’ensemble du secteur, l’année avait globalement bien commencé après un exercice 2018-2019 enthousiasmant , le meilleur depuis onze ans avec un PBJ total de 2,42 milliards d’euros. Pour certains établissements, ainsi que les clubs de jeux parisiens, l’impact de la crise sanitaire est d’autant plus sévère qu’au premier confinement, il faut ajouter la chute du tourisme international et des fermetures administratives dans de grandes agglomérations à partir de la fin septembre.
Répercussions sur les communes
Et Barrière, actif dans de belles stations touristiques – Deauville, Cannes, La Baule, Enghien-les-Bains… -, a particulièrement souffert de ce contexte ambiant, qui a également pesé sur son activité hôtelière. A telle enseigne que son PDG, Dominique Desseigne, vient d’annoncer en interne la mise en oeuvre d’une réorganisation avec suppression de postes.
La paralysie du secteur des casinos, qui tranche avec la vitalité des jeux d’argent sur Internet et la croissance retrouvée de la Française des Jeux et du PMU, a aussi des répercussions sur les communes par le biais de la fiscalité. « On ne se rend pas compte de l’imbrication des casinos dans la ruralité », souligne Romain Tranchant, le président du groupe éponyme, quatrième acteur national, qui accuse un repli de son PBJ de l’ordre de 25 % (202 millions d’euros pour 2018-2019). « Pour les villes thermales, c’est même la double peine, avec la fermeture des thermes, des restaurants. D’une manière générale, il n’y aura pas de retour à la normale avant 2022 », ajoute-t-il. Afin d’atténuer le choc, le gouvernement a décidé qu’une partie des recettes fiscales perdues par les communes est prise en charge par l’Etat.
Avec un taux de prélèvements du PBJ de l’ordre 54 %, les casinos ont généré 1,4 milliard d’euros de recettes fiscales sur 2018-2019, dont 400 millions pour les communes.
Tranchant assigne son assureur pour la couverture de son manque à gagner
Groupe Tranchant vient de déposer une assignation en référé, devant le tribunal de commerce de Nanterre, à l’encontre de son assureur Chubb European Group. Le numéro 4 français des casinos exige la couverture de ses pertes d’exploitation inhérentes à la crise sanitaire, conformément estime-t-il à son contrat d’assurance, ce que refuse Chubb European Group. Selon un expert mandaté par Tranchant, le montant du manque à gagner avoisine 26 millions d’euros pour l’ensemble du groupe – 16 casinos, deux hôtels et du club de jeux à Paris – pour la période du 14 mars 2020 au 31 octobre 2020 (fin de l’exercice). « La procédure peut être longue mais on ne lâchera pas l’affaire », prévient le président de Groupe Tranchant, Romain Tranchant. « De manière générale, nous ne faisons aucun commentaire sur les sinistres, qu’il s’agisse d’un client ou non de Chubb », déclare la porte-parole de l’assureur pour la France.
Christophe Palierse
Source : Covid : les casinos français ont basculé du vert au rouge | Les Echos