De plus en plus de Français se mettent au vin sans alcool
Les ventes de vins sans alcool battent des records de croissance en France, selon les panels de Circana. Tant en volume qu’en valeur, alors que dans le même temps la déconsommation frappe les vins traditionnels. Un des enjeux techniques reste de maintenir les arômes.
Il y en a de toutes les couleurs. Rouge, rosé ou blanc. Avec ou sans bulles. Les vins sans alcool connaissent « une véritable accélération » en France à en juger par les chiffres du cabinet spécialisé Circana (ex-IRI). Tant en volume qu’en croissance dans les linéaires de la grande distribution.
Un phénomène qui a de quoi surprendre dans le plus grand pays producteur de vin confronté à une grave crise de la demande. « Tout le monde parle du vin sans alcool. Ce n’est pas un feu de paille. Il y a une véritable attente », affirme pour sa part Fabien Marchand-Cassagne, fondateur de Moderato, un producteur qui se présente comme « un précurseur » et « un spécialiste » en la matière. Il vient de lever 3 millions d’euros et compte dans ses investisseurs la famille Hériard Dubreil, actionnaire de contrôle du groupe Rémy Cointreau .
Une croissance à deux chiffres
La vitesse de développement de cet acteur en dit long sur l’engouement pour le vin sans alcool. La récente prise de participation de 30 % de Moët Hennessy dans le pétillant sans alcool French Bloom aussi. Moderato a ouvert 1.000 points de vente en France et plus de 500 à l’étranger, dont la moitié au Québec. En moins de quatre ans French Bloom a réussi à s’imposer dans une trentaine de pays avec des flacons proposés entre 50 à 165 euros.
Au total, la croissance à deux chiffres de ce marché, encore confidentiel avec un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros pour 3 millions de litres, est impressionnante. Circana note « une franche accélération des volumes dès la fin 2023 » (+27 % en décembre par rapport au même mois un an avant), + 34 % en janvier 2024, à la faveur du « dry january » , mais + 31 % en avril encore. Sur les huit premiers mois de l’année en cours, les volumes de ventes ont bondi de près de 20 % et la valeur de 28 %. Il y a à la fois plus d’offres et plus d’acheteurs.
La totalité du marché des alcools sans alcool, bière, cidres, spiritueux, vins effervescents et vins tranquilles (sans bulles) a enregistré une hausse de 57 % depuis 2019 avec des ventes de 305 millions d’euros en 2023. Pour la première fois cette année, elles ont dépassé les 2 % du chiffre d’affaires réalisé avec l’ensemble des boissons alcoolisées. En volume, elles représentent 4,4 % de ce total.
Si, en valeur, la bière se taille encore la part du lion et continue de progresser, « les panachés et bières sans alcool se stabilisent en volume », indique Circana. Les vins effervescents gagnent du terrain, mais ce sont les vins tranquilles qui progressent le plus en volume et en valeur. Leur chiffre d’affaires a gagné 28 % sur les huit premiers mois de l’année quand les ventes de vins alcoolisés ont reculé de 1,8 %.
Trois fois plus d’acteurs
Sur ce marché en expansion, Moderato et French Bloom ne sont pas seuls. Il y a désormais 30 acteurs, un triplement en deux ans. Les producteurs de vins, y compris de grands crus, eux aussi regardent le sujet. Ils lorgnent notamment le marché dit « religieux » de consommateurs cherchant à consommer sans alcool. La vigneronne Coralie de Boüard s’est lancée en créant Prince Oscar, un merlot sans alcool , à la demande du prince qatari, propriétaire du PSG.
Pour Fabien Marchand-Cassagne, il ne fait pas de doute, qu’ « il y a un réel besoin ». Et, dit-il, si l’on voit des « non-initiés » grimacer à la dégustation, c’est que la bouteille qu’ils goûtent, a été élaborée à partir de « vins médiocres, en provenance d’Espagne » notamment, en mal d’acheteurs sous leur forme alcoolisée. « Si on veut obtenir un bon résultat, il faut partir d’un bon vin et le désalcooliser », dit encore le directeur général de Moderato.
Quand les arômes s’envolent
L’objectif n’est pas de conquérir des personnes n’aimant pas le vin. Mais au contraire de convaincre des amateurs souhaitant éviter l’alcool à certains moments. « Nous cherchons à restituer les qualités intrinsèques du vin, ses notes aromatiques, l’acidité et même les tanins ». L’ambition est de taille quand on sait que la majorité des arômes du vin s’envolent avec la désalcoolisation. Il faut donc trouver le moyen de récupérer ces arômes et de les réinjecter, ou d’introduire des arômes naturels, extérieurs au vin, élaborés par des aromaticiens.
Moderato reconnaît que la tâche est immense. « Il n’y a aucune science sur le sujet », explique Fabien Marchand-Cassagne. « Nous avons testé plus de 100 vins pour voir quel cépage a le plus de chances de préserver ses arômes à la désalcoolisation ». Le résultat s’est avéré dissuasif sur le viognier, mais encourageant sur le colombard, qui entre dans l’élaboration du Tariquet . Les recherches se poursuivent, y compris sur le marketing à opérer pour « éliminer les a priori » et éviter les « grimaces » à la dégustation. Tout un travail est engagé pour associer le vin sans alcool aux repas.
Par Marie-Josée Cougard – A Retrouver en cliquant sur Source
source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/de-plus-en-plus-de-francais-se-mettent-au-vin-sans-alcool-2125390