
Des titres-restaurant à la mobilité : comment Edenred s’est profondément transformé en dix ans
Edenred a réalisé en 2024 un résultat net record de 507 millions d’euros et prévoit une croissance soutenue en 2025 malgré des défis en Europe. Bertrand Dumazy a profondément changé l’entreprise depuis son arrivée en 2015 en en diversifiant les activités. Entretien.
A la tête depuis bientôt dix ans d’Edenred, le leader mondial des titres-avantages aux salariés (Ticket-Restaurant, Kadeos, mobilité), Bertrand Dumazy a de quoi être satisfait. Ses résultats 2024 sont de « très bonne facture » malgré un environnement politique mouvementé et un ralentissement économique mondial : chiffre d’affaires opérationnel de 2,6 milliards d’euros, en progression de 11,4 % par rapport à 2023, résultat d’exploitation (Ebitda) de 1,265 milliard, en hausse de 15,7 %, et résultat net à un niveau record de 507 millions d’euros.
De quoi proposer aux actionnaires d’Edenred un dividende de 1,21 euro par action, en hausse de 10 %. La déception des analystes qui tablaient, au quatrième trimestre, sur 6,7 % de croissance du chiffre d’affaires opérationnel au lieu des 4,6 % réalisés, a toutefois fait chuter l’action de plus de 6 % dans la matinée.
Mais pour Bertrand Dumazy, qui entend resserrer les coûts pour améliorer la performance opérationnelle, tous les indicateurs sont au vert, sur toutes les lignes de produits et géographies. D’ailleurs, le PDG confirme une hausse de l’Ebitda d’au moins 10 % en données comparables pour 2025. Et ce, malgré l’impact négatif attendu de 60 millions lié au plafonnement des commissions marchandes mis en place en Italie, ainsi que la baisse attendue des revenus financiers (l’argent avancé pour les titres qu’Edenred fait fructifier) de 20 à 30 millions, résultant de la diminution des taux d’intérêt.

95 % de solutions digitales
« Le marché est porteur et il y a peu d’industries où les deux leaders mondiaux, Edenred et Pluxee [spin-off de Sodexo, NDLR] sont français », souligne Bertrand Dumazy. « L’Amérique latine est en croissance, l’économie américaine se porte bien, l’Asie aussi. L’incertitude porte sur l’Europe où les deux locomotives, française et allemande, s’essoufflent », constate le dirigeant.
Un jour, nous franchirons la barre des 100 millions d’utilisateurs. Quand on pense qu’Uber Eats est à 90 millions, ce n’est pas rien !
Bertrand Dumazy, PDG d’Edenred.
Le Vieux Continent pèse encore 60 % du chiffre d’affaires d’Edenred. « Mais l’activité titre-restaurant est très résiliente. Quand un employeur accorde cet avantage, on le voit rarement revenir en arrière ou en diminuer la valeur faciale », poursuit Bertrand Dumazy. Ce titre-restaurant, qui représentait 80 % du revenu opérationnel d’Edenred en 2015, n’en pèse plus que 43 % en 2025 car, sous la houlette de Bertrand Dumazy, l’entreprise n’a cessé d’élargir son spectre.
Une diversification rendue possible par la digitalisation : 65 % des transactions étaient digitales en 2015 ; c’est près de 95 % à présent. La vision de Bertrand Dumazy d’une expérience utilisateur axée sur une seule application regroupant tous les « avantages aux salariés », avec des fonctionnalités étendues et personnalisées, prend forme : en France, « Edenred + » regroupe le titre-restaurant, le titre-cadeaux et le chèque emploi service universel sur une seule plateforme repensée, et en cours de déploiement en Pologne, Bulgarie, Espagne, Mexique, Grèce…
Des acquisitions stratégiques
« Par ailleurs, les acquisitions que nous avons faites vont produire leurs effets », estime Bertrand Dumazy. C’est le cas notamment dans le domaine de la mobilité (cartes-essence…), qui représente 24 % de l’activité. En février 2024, Edenred a mis la main sur le danois Spirii pour proposer aux gestionnaires de flottes de véhicules une offre de recharge électrique. La société est présente dans 18 pays, et sa solution commence à être déclinée en France et en Allemagne.

Idem avec Reward Gateway dans le domaine de l’engagement des salariés. A l’heure où les employeurs ont besoin d’attirer et de retenir les talents, cette plateforme leader acquise en mai 2023 propose des solutions de récompenses aux départements RH mais peut aussi offrir aux salariés des discounts dans des magasins proches d’eux en les géolocalisant. Bien ancré au Royaume-Uni, en Australie ou encore aux Etats-Unis, Reward Gateway est maintenant lancé en France, Italie et Belgique. Edenred a également acquis une plateforme dédiée à l’Amérique latine, Gointegro.
Si le premier patron d’Edenred, Jacques Stern, avait coupé le cordon avec le groupe Accor et fait de son activité de Tickets-Restaurant (du nom de la marque déposée) une entreprise indépendante cotée, Bertrand Dumazy s’emploie depuis dix ans à inscrire ce groupe multiculturel (Edenred était déjà dans 40 pays, il l’est maintenant dans 45), entré au CAC 40 en 2023, dans un nouveau cycle de développement. En une décennie, Edenred a presque triplé son chiffre d’affaires et doublé ses effectifs avec 12.000 collaborateurs aujourd’hui. Ses utilisateurs sont passés de 43 millions en 2015 à 60 millions en 2025, ses entreprises clientes de 750.000 à 1 million.
Le modèle Disney+
« Un jour, nous franchirons la barre des 100 millions d’utilisateurs. Quand on pense qu’Uber Eats est à 90 millions, ce n’est pas rien ! Eux sont à 1 million de commerçants partenaires, nous en avons déjà 2 millions. Ils réalisent 68 milliards de dollars de volume d’affaires, nous 45 milliards d’euros contre 18 en 2015 », observe Bertrand Dumazy.
« Nous allons continuer à accélérer le rythme d’innovation de nos produits, en allant chercher des services réalisés par d’autres pour enrichir notre offre comme des prestations de télémédecine au Mexique ou en faisant distribuer nos propres solutions telle que Taggy pour le paiement du péage sur le réseau routier brésilien, avec Nubank. Il faut imaginer une plateforme comme Disney+ qui distribue des contenus tiers et dont les productions sont aussi relayées par d’autres », explique le PDG.
La diversité des propositions Edenred semble inépuisable. « Qui aurait pensé qu’un jour Edenred gérerait des bornes de recharge électrique pour Audi ? Ou que l’on créerait des cartes-salaires à Dubaï pour régler les employés qui ne sont pas bancarisés et ainsi éviter les litiges du paiement en cash ? », continue le dirigeant. D’autant que de manière générale, « Edenred développe des applications qui font plaisir, de la ‘happy money’ ! » rappelle-t-il.
Par Martine Robert – A retrouver en cliquant sur Source
Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/des-titres-restaurant-a-la-mobilite-comment-edenred-sest-profondement-transforme-en-dix-ans-2149431