Les géants de la distribution ont multiplié, en centre-ville comme à la campagne, des supérettes de proximité.

Distribution alimentaire : l’impératif devoir de réinvention de toute une filière

DÉCRYPTAGE – Nos changements de comportements de consommation affectent à la fois nos liens avec les commerçants, les industriels et le monde agricole

La lessiveuse boursière dans laquelle se débattent les distributeurs risque d’essorer tout un pan de l’économie. La disparition annoncée de l’hypermarché, qui fut pendant plusieurs décennies la locomotive des géants de la distribution et de l’industrie agroalimentaire, n’est que la face émergée de l’iceberg. Ces deux secteurs sont confrontés à une révolution copernicienne plus large que la désaffection des Français pour les grandes surfaces. Nos changements de comportements de consommation affectent à la fois nos liens avec les commerçants, les industriels et le monde agricole.

La nourriture est plus que jamais au cœur des préoccupations des Français. Mais ils n’ont plus du tout envie de passer leur samedi après-midi en famille à arpenter les rayons à la découverte des innovations: les courses alimentaires sont devenues une corvée, sauf pour les produits frais. Les célibataires et les couples sans enfants ont moins envie de faire la cuisine tous les jours, même si leur confiance dans les plats préparés des industriels est écornée par le food-bashing et les excès de sucre et de sel.

Sérieux atouts

Les géants de la distribution ont multiplié, en centre-ville comme à la campagne, des supérettes de proximité offrant un choix réduit de produits industriels et une offre alléchante de produits frais et plats cuisinés sur place. Mais des rivaux ont pris de l’importance: les magasins spécialisés sur le bio et les produits frais, parfois approvisionnés en direct à la ferme, leur chipent des parts de marché ; les restaurants et les services de livraison de repas leur prennent de la part d’estomac. Ces géants ont certes anticipé la révolution en cours: Casino a réduit la taille de ses hypers, s’apprête à céder les moins performants et fait évoluer en permanence l’offre de produits et services de ses supérettes, de plus en plus nombreuses. Carrefour, de son côté, s’est donné pour mission de devenir «le leader mondial de la transition alimentaire pour tous». Les deux disposent de sérieux atouts pour réussir leur pari. Leur poids permet d’entraîner un changement concret et efficace de toute la chaîne, de la fourche à la fourchette. De quoi rassurer les adeptes, de plus en plus nombreux et exigeants, du «mieux manger».

Mais leur taille, comme celle des géants de l’industrie, présente un risque d’image face au désir de renouveau et à la défiance des consommateurs. Leur gigantisme est aussi un handicap pour certains investisseurs. Ces derniers sont avant tout éblouis par la folle croissance des pure players de la livraison à domicile de paniers de courses et de repas. Ils craignent que la dépendance aux hypermarchés des dinosaures de la distribution ralentisse la transformation de leur modèle. Pour sortir de la lessiveuse, les géants de la distribution devront convaincre les investisseurs qu’ils sont en mesure de s’imposer comme les leaders de la révolution de toute une filière.