DOSSIER. « Trop de restaurants » : faut-il instaurer des quotas pour sauver le secteur ?
Le secteur de la restauration n’est plus dans son assiette. Pour preuve, l’an dernier, 7 200 restaurants sur 179 000 ont mis la clé sous la porte en France. Cela représente une hausse de 44 % par rapport à 2022. Environ 50 000 personnes se sont ainsi retrouvées, malgré elles, sur le marché de l’emploi. Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer ces fermetures en cascade, et notamment la concurrence que se livrent les établissements entre eux. Dans certains secteurs géographiques, le nombre de restaurants a en effet littéralement explosé. C’est le cas à Lille, Nantes, Lyon, Paris, ou encore Bordeaux qui est champion en la matière. Selon une récente étude du cabinet de conseil Gira, on comptait en 2023 une unité de restauration pour 170 habitants contre une unité pour 210 habitants dix ans plus tôt. Une régulation s’impose.
Un numerus clausus au cas par cas
L’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) propose d’instaurer un numerus clausus dans la restauration. Concrètement, elle souhaiterait que le maire d’une commune par exemple puisse prendre un arrêté pour interdire l’ouverture de nouveaux restaurants dans un secteur donné et pendant une certaine durée.
« Nous ne sommes pas contre la création d’entreprises, précise Franck Chaumès, le président de la branche restauration de l’UMIH, mais nous souhaitons réguler le développement des établissements pouvant mettre en péril toute la profession. Nous souhaitons bien sûr que ce soit du cas par cas. Mais pour cela, il faut que le gouvernement l’autorise. Aujourd’hui ce n’est pas le cas, il y a un vide juridique en la matière. »
« Aujourd’hui, c’est trop facile d’être restaurateur »
À Bordeaux, des négociations en ce sens sont engagées avec le tribunal de commerce, la mairie et la préfecture. Les acteurs réfléchissent à la limitation des licences de restauration dans une zone délimitée du centre-ville. L’obtention de terrasses pourrait aussi y être interdite. « Si demain, quelqu’un souhaite transformer un magasin de vêtements en restaurant par exemple, mais qu’il n’a pas de terrasse, cela va peut-être l’en dissuader. » Le président Restauration du syndicat patronal est arrivé à un constat amer : « Aujourd’hui, c’est trop facile d’être restaurateur. » L’UMIH appelle donc le gouvernement et le secteur à revoir l’accessibilité à la profession, réglementer l’implantation de nouveaux établissements et intégrer un volet Gestion au permis d’exploitation.
Autres causes, mêmes effets
La hausse des dépôts de bilan dans la profession n’est bien sûr pas uniquement due à la multiplication de restaurants dans certains secteurs géographiques. La hausse des coûts des matières premières et de l’énergie suite au conflit en Ukraine n’a rien arrangé. Le poids des charges non plus. La perte de pouvoir d’achat des Français à cause de l’inflation a aussi joué sur la fréquentation des restaurants. Elle aurait baissé l’an dernier de 2 % par rapport à 2022*. Enfin, au sortir du Covid, le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) en a précipité beaucoup vers la sortie.
La crise que traverse le secteur n’impacte cependant pas tous les établissements de la même façon. L’essor de la restauration rapide et des livraisons aurait un rôle néfaste sur les restaurants traditionnels selon Franck Chaumès. « Pendant le Covid, on s’est rendu compte que les restaurants traditionnels remplissaient un rôle social important, qu’ils permettaient de s’asseoir, de discuter… Et à l’arrivée, tout est réuni pour qu’ils disparaissent alors que ce sont eux qui créent le plus d’emplois, regrette-t-il. Demain, nous serons dans une société où l’on mangera sur le pouce, au bureau, à l’américaine, ce n’est pas un exemple à suivre. Le risque c’est de voir disparaître la restauration traditionnelle. » Il devient urgent de se mettre autour de la table.
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