Avec la hausse de droits de douane en 2019, les vins et spiritueux avaient estimé le manque à gagner à 500 millions d'euros, après une chute de 40 % des exportations vers les Etats-Unis.Droits de douane : l’agroalimentaire français en alerte face aux menaces de Trump

Donald Trump a annoncé la mise en place de barrières tarifaires sur les produits agricoles à partir du 2 avril. En France, troisième pays fournisseur de produits agroalimentaires des Etats-Unis, les filières concernées se souviennent avec inquiétude du précédent de 2019.

Avec la hausse de droits de douane en 2019, les vins et spiritueux avaient estimé le manque à gagner à 500 millions d’euros, après une chute de 40 % des exportations vers les Etats-Unis. (Michael Nigro/SIPA Usa/SIPA)

Pas de réelle surprise, et comme un air de déjà-vu. Donald Trump a annoncé dans un post sur son réseau social Truth Social la mise en place de droits de douane sur « les produits agricoles » dès le 2 avril, sans plus de précisions sur les pays visés. A moins d’un mois de cette échéance, les filières françaises les plus exposées restent dans l’expectative. Les projets protectionnistes du président américain étaient déjà connus, et redoutés.

La balance commerciale agroalimentaire est largement déséquilibrée entre les Etats-Unis et la France, à l’avantage de l’Hexagone. La France exporte habituellement outre-Atlantique autour de 5 milliards d’euros de produits agricoles et agroalimentaires, principalement des vins et spiritueux (4 milliards d’euros), le reste se répartissant à peu près à parts égales entre des produits de boulangerie, des fromages, des préparations pour l’alimentation animale et des eaux.

Stocks de spiritueux

Mécaniquement, le secteur des vins et spiritueux devrait être le plus durement touché en France, alors que le cognac est déjà malmené en Chine. Les Etats-Unis sont le premier débouché de la filière dans le monde. Un marché de 3,8 milliards d’euros en 2024, soit près d’un quart de ses ventes au niveau mondial. En 2024, les exportations du secteur vers le pays ont progressé de 5 %.

Les volumes sont aussi repartis à la hausse, selon la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS), avec 32,3 millions de caisses expédiées (+9 %). Une progression liée notamment au « rebond du cognac et de la vodka, signe de la résorption, au cours des derniers mois, des stocks présents chez les importateurs et grossistes », selon la FEVS. Mais aussi à des mesures d’anticipation des professionnels.

Après les menaces de Donald Trump sur la mise en place de droits de douane, les entreprises françaises, comme leurs clients américains, ont pris leurs précautions. En novembre et en décembre, les expéditions outre-Atlantique ont ainsi grimpé. Histoire d’avoir des réserves pour quelques mois, avant une éventuelle hausse des prix. « Nos distributeurs sur place sont très inquiets, car leur activité dépend à 60 % des produits européens », expliquait il y a quelques semaines Gabriel Picard, le président de la FEVS.

Précédent de 2019

Le secteur avait déjà subi les foudres de l’administration Trump en 2019, avec déjà à l’époque des taxes de 25 %, appliquées d’abord sur le vin, puis un an plus tard sur le cognac et les brandies. Au global, la filière avait estimé le manque à gagner à 500 millions d’euros, après une chute de 40 % des exportations vers le pays.

Il y a six ans, les produits laitiers avaient également été touchés par une hausse de 25 points des droits de douane, portés à 35 % sur les exportations européennes. « Nous avions enregistré une baisse de plusieurs milliers de tonnes », raconte aujourd’hui François-Xavier Huard, président-directeur général de la Fédération nationale de l’industrie laitière (Fnil). « Entre 2019 et 2021, nous avions perdu 14 millions d’euros, dont 5 millions d’euros rien que sur les fromages à pâtes dures. » Et la filière n’est revenue que péniblement en 2023 au niveau d’exportation qui prévalait avant les taxes.

Quelles alternatives ?

« Ce qui est inquiétant aujourd’hui », ajoute François-Xavier Huard, « ce sont les attaques sur le commerce mondial, aux Etats-Unis, mais aussi en Chine ou en Algérie, un marché très important pour nous ». Or, cela fait peu de doute, « sur les fromages à forte valeur ajoutée, il pourra y avoir une petite flexibilité par le prix, mais sur les fromages de commodités ou le beurre, les ajustements se font sur les volumes », souligne le PDG de la Fnil.

Pour autant, les vins et spiritueux français pourraient peut-être tirer parti du désordre mondial lié à la politique commerciale de Donald Trump. Les producteurs de cognac, notamment, se disent « prêts à appuyer sur le bouton » pour envoyer leurs bouteilles au Canada. Frappé aussi par des droits de douane de Trump, Ottawa va mettre en place des mesures de rétorsion sur les produits américains. Les fabricants français sont donc dans les starting-blocks pour prendre la place dans les rayons de leurs concurrents américains.

D’autant que les relations sont au beau fixe avec le Canada, huitième client des vins et spiritueux français. Après un recul en 2023, les expéditions vers le pays ont « retrouvé l’an dernier leur niveau de 2021 à 540 millions d’euros », selon la FEVS. Avec une hausse des volumes de près de 6 %.

Par Paul Turban et Dominique Chapuis – A retrouver en cliquant sur source

Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/droits-de-douane-lagroalimentaire-francais-en-alerte-face-aux-menaces-de-trump-2152074