En quête de rentabilité, Nestlé a annoncé mardi la scission de son pôle eau, et la création d’une entité autonome mondiale dédiée. L’objectif affiché avec la création de cette entité distincte est de mettre en place « un modèle économique autonome pour libérer de la valeur », a souligné le géant suisse qui étudiera toutes les options de partenariat pour cette activité.

« Nos ventes d’eau au troisième trimestre ont créé de la valeur et amélioré notre marge brute », insiste le leader mondial. « Le chiffre d’affaires de Nestlé Waters et Premium Beverages s’élève à environ 3,5 milliards de francs suisses, une part importante de l’activité étant générée par nos marques internationales premium », précise encore le groupe.

Cette décision intervient dans un moment faste pour le marché mondial des eaux en bouteille. En dix ans, elles ont bondi de 73 % à 270 milliards de dollars, selon un rapport des Nations unies. « C’est un des marchés, dont la croissance est la plus rapide », commente l’organisation. Une croissance qui se poursuit malgré toutes les attaques contre la pollution au plastique et les multiples images des fonds marins, qui en sont jonchés. En réponse, les industriels se sont concentrés sur l’allègement du plastique et sur sa recyclabilité.

Un marché promis au doublement

Entre 2013 et 2023, la planète a ainsi avalé 350 milliards de litres d’eau en bouteille. Ces chiffres ne se limitent pas à l’eau minérale ou à l’eau de source. Ils englobent l’eau du robinet retraitée et commercialisée en bouteilles, telle que Coca-Cola la produit sous la marque Dasani ou Nestlé avec Pure Life. L’eau traitée totalise près de la moitié des volumes consommés dans le monde, mais seulement un cinquième du chiffre d’affaires réalisé en 2021 estimé à 270 milliards de dollars.

Au cours des cinq prochaines années, les ventes mondiales d’eau devraient approcher les 500 milliards de dollars, soit un doublement en dix ans, selon les Nations Unies.

Les voyages expliquent en partie l’essor de ce commerce, mondial, chacun reproduisant localement ses habitudes de consommation. La fréquentation accrue de grands pays où l’eau au robinet n’est toujours pas potable, comme l’Inde, y contribue incontestablement aussi. Deux milliards d’individus n’ont pas accès à l’eau potable en 2024.

La moitié sud de la planète, avec l’Asie, l’Amérique latine et les Caraïbes représentent 60 % des ventes mondiales d’eau en bouteille. Les Etats-Unis n’en sont pas moins le premier marché à 64 milliards de dollars par an devant la Chine (45 milliards de dollars), suivie de près par l’Indonésie (22 milliards de dollars). Par tête, l’Australie et Singapour sont les deux plus gros consommateurs d’eau en bouteille.

Quatre acteurs majeurs

Quatre multinationales de l’industrie agroalimentaire, Coca-Cola, Danone (Evian), Nestlé et PepsiCo (Aquafina, Sodastream) dominent ce marché gigantesque. Les progressions sont impressionnantes. En revanche, la rentabilité de ce commerce diffère selon qu’il concerne de grandes marques internationales comme Evian (Danone) ou Perrier (Nestlé) ou des marques régionales nettement moins valorisées.

C’est une des raisons qui a conduit Nestlé à céder ses eaux locales en Amérique du Nord en 2021, moyennant un chèque de 4 milliards de dollars, ne conservant dans cette région, que les produits les plus rentables, comme la marque d’eau fonctionnelle Essentia, Perrier, San Pellegrino and Acqua Panna.

En France, c’est toutefois une eau locale qui domine le marché en volume : le modèle Cristaline, qui repose sur l’eau de source (non minérale) très peu chère parce que livrée à proximité, a tordu le bras des grands groupes comme Nestlé (Vittel) et Danone (Evian) en les obligeant à baisser notablement leurs prix.