François Loos, ambassadeur de la bière française
Après avoir été trois fois ministre, cet ingénieur alsacien nourrit désormais de grandes ambitions pour les bières nationales. Il vient d’être réélu président de Brasseurs de France. Pour ce breuvage aussi sophistiqué que le vin à ses yeux, il aimerait, notamment, voir se créer une formation de « biérologue ».
Trois fois déjà il a été proposé à l’Alsacien François Loos de rédiger ses mémoires. Et trois fois l’entreprise a été entamée sans être menée à bien. Pas facile de résumer, sans réduire, la vie de celui qui en a eu plusieurs. Président du Parti radical valoisien, ministre à trois reprises sous la présidence de Jacques Chirac, député de deux circonscriptions alsaciennes, conseiller régional, président de l’Ademe ou directeur général d’industries… François Loos, lui, se définit avant tout comme un ingénieur.
Réélu à l’unanimité en décembre dernier à la présidence de Brasseurs de France, c’est donc en ingénieur, devenu expert des questions techniques ou légales concernant la bière, que ce polytechnicien diplômé du corps des Mines défend les intérêts du breuvage plusieurs fois millénaire. « J’appelle cela lever les obstacles », précise-t-il.
« Brasser les idées reçues »
Sous son précédent mandat, ont notamment été obtenues la révision du décret relatif aux bières ainsi qu’une modification, au bénéfice des brasseries artisanales, du Code des impôts. Mais, conformément au slogan d’une campagne de communication menée par le syndicat professionnel, c’est « brasser les idées reçues » sur la bière qui enthousiasme manifestement l’homme de 64 ans. « Il y a une variété considérable de bières selon le houblon, l’orge, les arômes. Tout le monde sait qu’il y a du vin blanc et du vin rouge, qu’il y a une différence entre un médoc ou un graves : il faut réussir à produire pour la bière la finesse de description que l’on a pour le vin », s’anime-t-il, intarissable sur les subtilités des accords mets-bières comme sur son désir de voir se créer une formation de biérologue.
Que François Loos soit devenu le premier ambassadeur de la bière et de ceux – industriels ou artisans – qui la fabriquent ne doit rien au hasard. Lui-même « buveur de bière aux repas », issu d’une Alsace historiquement riche de brasseries dont il a toujours suivi les évolutions avec intérêt, il est de son propre aveu, de longue date, « connu du milieu ». C’est d’ailleurs lors du 350e anniversaire de Kronenbourg, auquel il assiste en 2014 par amitié, que lui est proposé de prendre la présidence de Brasseurs de France. « Ca m’a paru être une idée géniale ! » dit-il.
Des années de ministre
Si l’intelligence de François Loos est unanimement soulignée, d’aucuns notent chez lui une certaine austérité. Lors de sa campagne aux élections municipales de 2014, alors trop peu connu à Strasbourg malgré ses postes divers, le candidat n’était pas du genre à haranguer les foules. C’est l’une des raisons de son implacable défaite.
Car, chez François Loos, l’enthousiasme et la passion restent discrets. Intérieurs. A l’évocation des événements marquants de sa carrière, de manière quasi imperceptible, leur souvenir embrase pourtant le sérieux regard bleu azur de l’ancien ministre. « Je me suis éclaté quand j’étais au Commerce extérieur, je me suis éclaté sur les questions d’énergie à l’Ademe, j’ai eu un vrai bonheur à être député de terrain », retrace-t-il, livrant, à défaut de mémoires exhaustives, l’une ou l’autre anecdote de ses années de ministre.
En 2002, lorsqu’est négocié à l’OMC un accord sur les médicaments permettant aux pays pauvres d’avoir accès à des génériques encore sous brevets, il tente personnellement d’emporter la voix des Etats-Unis, réticents. « Je suis allée voir le patron de Pfizer à New York. J’ai parlé longuement. Lui s’est tu, s’est assis et a fini par dire à son assistant : ‘fais-moi penser à appeler Bush pour lui dire de signer’. » L’accord était conclu.
« Ce qu’il a accompli est très impressionnant. Mais c’est un homme très simple, très modeste. C’est tout juste s’il ne faut pas le faire boire pour qu’il parle de ses réussites à ses postes de ministre et à l’Ademe », dit de lui la conseillère générale Pascale Jurdant-Pfeifer, qui forme avec lui le groupe UDI Agir pour Strasbourg au conseil municipal de Strasbourg. « C’est un cerveau », lâche-t-elle, louant, aussi, l’humanité de ce père de six enfants, déjà sept fois grand-père, et qui refusait en 2002 le ministère de la Famille pour ne pas avoir à exposer la sienne.
Son seul regret ? « Ne pas avoir assez fait pour l’Alsace. J’ai été l’Alsacien du gouvernement, mais je n’ai pas assez usé de cette force », dit sans détour cet ardent défenseur du bilinguisme, qui compte parmi les fondateurs du Cercle de l’Ill… et de la Confrérie des bières d’Alsace.