Howard Schultz, une icône de retour chez Starbucks

L’homme qui a fait passer l’enseigne d’un petit torréfacteur local de Seattle à une multinationale, reprend les rênes du groupe, par intérim. Il va tenter d’apaiser les tensions sociales qui agitent ses points de vente depuis plusieurs semaines.

L’icône reprend du service. Howard Schultz, qui a fait passer Starbucks d’un petit torréfacteur local à un géant mondial, est de retour aux manettes du groupe. De manière provisoire – et bénévole -, le temps qu’un autre PDG ne soit choisi pour remplacer Kevin Johnson, qui a annoncé cette semaine qu’il prenait sa retraite. Mais cet appel à l’homme providentiel montre à quel point Starbucks est désemparé, face aux difficultés qui s’amoncellent.

« Lorsque vous aimez quelque chose, vous ressentez un profond sens des responsabilités quand on fait appel à vous. Je ne prévoyais pas de revenir chez Starbucks, mais je sais que l’entreprise doit se transformer une fois de plus, pour affronter un avenir nouveau et passionnant, où tous nos collaborateurs s’épanouiront », a déclaré Howard Schultz, âgé de 69 ans, dans un communiqué.

Grogne sociale

Le nouveau patron par intérim, qui a déjà dirigé la société pendant près de vingt-cinq ans, de 1986 à 2000 puis de 2008 à 2017 , sait que le plus grand défi de Starbucks est aujourd’hui de contenir la grogne sociale. Ces derniers mois, l’enseigne a été le foyer d’un vaste mouvement qui vise à créer des syndicats dans ses points de vente. Cinq boutiques de Buffalo, dans l’Etat de New York, et une de Mesa, en Arizona, ont d’ores et déjà voté pour la création d’un syndicat (les premiers dans le groupe depuis les années 1980). Des dizaines d’autres pourraient suivre et sont en train d’organiser des votes, un peu partout dans le pays.

Or, la direction de Starbucks – comme celle d’Amazon , par exemple – a tenté de s’opposer par tous les moyens à la création de syndicats. A Mesa, par exemple, un jugement doit bientôt être rendu pour déterminer si les managers ont fait pression sur leurs employés. Et sept salariés ont été licenciés à Memphis après avoir tenté de s’organiser.

D’un HLM à la Maison Blanche

En embarquant Howard Schultz dans cette bataille, Starbucks espère bien fédérer autour d’une figure adulée, mais qui sait se montrer impitoyable. En 2008, rappelé en pleine crise financière, il avait pris la décision de licencier 12.000 personnes et de fermer 600 points de vente aux Etats-Unis. Ce qui n’a pas empêché Starbucks de grandir, sous sa houlette, d’un réseau de 11 magasins en 1987 à 28.000, répartis dans 77 pays, lors de son départ il y a cinq ans.

Schultz a l’occasion de réécrire des pages d’une vie qui aurait pu se terminer comme un scénario hollywoodien. Issu d’une famille juive ashkénaze de Brooklyn, Howard Schultz a grandi dans un HLM à New York, alors que son père, chauffeur de poids lourd, était la plupart du temps sur les routes. Après des études de communication, il démarre sa carrière en tant que commercial, puis est embauché chez Starbucks en 1982, à l’âge de vingt-neuf ans.

Une « culture » du café

Dès son arrivée, il tente de transformer ce réseau local doté d’une dizaine de boutiques. Il voyage en Italie, où il tombe amoureux des expressos. Mais ses patrons ne sont pas convaincus par ce positionnement et, vexé, il part créer sa propre entreprise, avec qui… il rachètera Starbucks, avant de l’introduire en Bourse.

Ce sera le début d’une expansion folle, soutenue par la stratégie mise en place par Schultz : un vaste réseau qui permet d’effectuer des achats de masse et de négocier des prix à la baisse, le développement marketing d’une « culture » du café aux Etats-Unis, des lieux de vie où l’on peut fixer un rendez-vous, travailler avec du Wifi gratuit, ou passer prendre son café et le consommer sur le chemin du bureau.

Ce « self-made-man » dont la fortune personnelle est aujourd’hui estimée à 4 milliards de dollars s’est même imaginé une destinée politique . Il y a trois ans, alors qu’une partie du pays est révoltée par les excès de Donald Trump, il défie le président. « Donald Trump n’était pas qualifié pour devenir président », juge-t-il en concédant qu’il n’est pas, lui-même, « le plus intelligent ». « Je suis d’accord sur ce point », rétorquera Trump. Sa candidature, en tant qu’indépendant, menace le retour des démocrates à la Maison-Blanche, et il préfère finalement se retirer. A défaut de transformer le pays, il tentera donc d’apaiser Starbucks.

Par Nicolas Rauline (Bureau de New York) – A retrouver en cliquant sur Source.

Source : Howard Schultz, une icône de retour chez Starbucks | Les Echos