La marque, qui fait tout pour cultiver sa différence, mène un travail poussé sur les finitions en fût et se dote d’un rhum parcellaire.

A Gros-Morne en Martinique, les cannes à sucre des champs Verger et Coulon à l’entrée de l’Habitation Saint-Etienne ont été récoltées récemment. Elles donneront naissance au millésime 2018 du rhum blanc parcellaire de la marque HSE. Mais la version 2016 est déjà en vente à la boutique. Et arrivera en métropole cet automne.

En reprenant en 1994 l’Habitation Saint-Etienne, à la longue histoire, en la remettant sur pied et en donnant naissance à la marque HSE, José et Florette Hayot, avec Yves Hayot, ont voulu explorer de nouvelles facettes du rhum martiniquais. « Pour cultiver notre différence, nous nous sommes autorisés à trouver de nouveaux codes », souligne Florette Hayot.

Inciter à la découverte

Sur un marché français dynamique où le rhum a su capitaliser sur une image de voyage et où les offres premium se développent, l’enjeu pour la griffe était, en effet, de se démarquer. Tout en mettant en avant l’AOC Martinique et la particularité du rhum agricole obtenu directement à partir de la canne à sucre par rapport au rhum issu de la mélasse – largement majoritaire dans le monde.

La différenciation passe notamment par une grande diversité de propositions à côté des classiques rhums blancs et des rhums vieux, du VO au XO. « Si notre offre parle à tous les publics, nous pouvons aujourd’hui répondre à la curiosité d’amateurs de plus en plus éclairés et pointus. Nous arrivons à une étape nouvelle où les notions de terroir, de produits d’exception montent en puissance », remarque Cyrille Lawson, responsable du développement.

La marque explore notamment la piste des finitions du monde. Elle fait vieillir son rhum dans des fûts ayant contenu d’autres vins et alcools comme les whiskys ou le porto. La bouteille islay finish, au contenu élevé dans des fûts ayant auparavant abrité du whisky tourbé, représente en outre une bonne manière d’intriguer les amateurs de whisky lors de dégustations à l’aveugle et de les amener à s’intéresser au rhum.

La griffe a aussi adopté une démarche originale de partenariats avec certains domaines vinicoles. Elle propose ainsi un produit qui a passé une partie de sa vie en fût de  sauternes du Château La Tour Blanche et une autre vieillie dans une barrique du Château Marquis de Terme, un margaux. « HSE a été précurseur en ne se limitant pas au compte d’âge et en testant l’effet de différents types de fûts. L’objectif est de personnaliser les finitions et de diversifier les profils aromatiques », souligne Sébastien Dormoy, directeur du pôle rhum, qui continue à chercher de nouvelles pistes. Deux types de rhum « brut de fût », passé dans un cas dans des barriques françaises et dans l’autre américaines, viendront notamment compléter l’offre en octobre.

Le « spiritourisme » est devenu une priorité pour la Martinique. - Photo Jean-Luc de Laguarigue
Le « spiritourisme » est devenu une priorité pour la Martinique. – Photo Jean-Luc de Laguarigue

Travailler sur l’identité

Si les bouteilles autour des finitions du monde sont vendues chez les cavistes, HSE est aussi présent en grande distribution avec du rhum blanc mais aussi le Black Sheriff, au nom en forme de clin d’oeil puisque le produit est vieilli dans des fûts de bourbon américain.

Pour afficher ses spécificités, la marque, qui a commercialisé au total en 2017 environ 1,5 million de cols dont quelque 25 % de rhum vieux a aussi adopté un parti pris visuel bien à elle. Devenue HSE quelques années après sa reprise et non plus Saint-Etienne pour se distinguer de la concurrence, elle a progressivement abandonné la jeune femme au foulard en madras qui ornait autrefois ses étiquettes. Et opté pour un graphisme moderne à base de lettres, jouant sans complexe avec les couleurs.

La griffe monte en puissance aussi bien en France qu’ailleurs. « HSE a aujourd’hui une notoriété et une offre suffisamment fortes pour se faire plus présent à l’international », juge José Hayot. Outre l’Europe, la maison commence ainsi à se développer aux Etats-Unis, avec des incursions en Asie.

L\'Habitation Saint-Etienne ouvre ses jardins au public et abrite des expositions. - Photo Jean-Luc de Laguarigue
L’Habitation Saint-Etienne ouvre ses jardins au public et abrite des expositions. – Photo Jean-Luc de Laguarigue

Capitaliser sur le spiritourisme

Dans son fief, l’habitation ouvre gratuitement ses jardins au public. Elle est aux premières loges pour participer au « spiritourisme » que la Martinique entend mettre en valeur. A terme, l’ancienne distillerie présente sur les lieux – le rhum est aujourd’hui produit à la distillerie du Simon qui fait partie du groupe -, se visitera elle aussi. Elle est en cours de restauration. « La dimension patrimoniale intéresse de plus en plus les gens », se félicite Florette Hayot.

D’ores et déjà, des expositions de longue haleine, assorties de démarches pédagogiques, sont organisées. Les liens des propriétaires avec les arts n’y sont pas étrangers. Actuellement, une exposition sur  mai 68 s’affiche sur les murs, après celles montrant des oeuvres de Titouan Lamazou puis de Federica Matta, dont les oiseaux sont encore présents dans l’un des chais. Les deux artistes ont chacun habillé une bouteille. De quoi relier les différentes passions des propriétaires.