Inflation : petit coup de frein de la restauration sur les additions
Face à des Français continuant à fréquenter les établissements mais en modérant leurs dépenses, les chaînes accroissent désormais peu leurs tarifs quand les indépendants continuent davantage sur leur lancée.
La restauration mesure, à son tour, les effets des hausses de prix sur la consommation. Elle avait enclenché l’augmentation de ses tarifs , en réponse à l’explosion des coûts, plus tard que les industriels de l’agroalimentaire et la grande distribution mais a, ensuite, mené des séries de rattrapage. Elle en mesure désormais les limites.
« Les Français commencent à signifier que les hausses subies deviennent trop élevées pour eux. Les arbitrages de consommation s’accélèrent. Ils ne se font pas sur le nombre de visites, car les gens gardent de l’appétit pour sortir , mais sur la dépense et sur le type d’établissements fréquentés. Des transferts s’effectuent ainsi de manière plus marquée de la restauration à table à la restauration rapide », observe François Blouin, le président fondateur de Food Service Vision dont la nouvelle « Revue Stratégique » trimestrielle vient de paraître. Même si la dynamique des chaînes de fast-food commence, elle aussi, à ralentir.
Ecarts accrus entre convives
Un palier se dessine. L’évolution du ticket moyen n’atteint plus que 7 % en juillet et août contre 9 % en avril, mai et juin, selon les calculs du cabinet. Et les Français ont été plus nombreux à réduire leurs dépenses durant leurs vacances qu’à l’été 2022.
Les changements de consommation ne concernent pas tous les Français de la même manière. Dès le printemps, Food Service Vision relevait que l’écart se creusait entre les différents types de convives. Si les plus gros consommateurs, venant plus de 5 fois par mois, avaient augmenté leur fréquentation, les plus petits acheteurs, venant moins de 2 fois, avaient, eux, réduit leurs occasions de sortie. La dernière période confirme le phénomène.
Les nouveaux comportements montant en puissance passent, notamment, par la suppression de l’entrée ou de la douceur de fin de repas. Les menus complets sont plus souvent délaissés tout comme les boissons, avec une personne sur cinq pratiquant ces impasses. A midi, les cantines bénéficient également de certains reports quand l’alternative du repas mitonné à la maison et apporté sur son lieu de travail fait de nouveaux émules.
L’enseigne Paul , dont les boulangeries font aussi la part belle à la restauration mangée sur place ou à emporter, confirme la tendance. Elle a vite constaté que l’inflation avait provoqué un décrochage des achats après avoir procédé, pour amortir ses charges, à trois vagues de hausses successives l’an dernier, menant à une hausse de 9 % au total. « Nous n’avons plus touché aux prix depuis septembre 2022, car ce choc de la consommation a engendré un déséquilibre, avec une baisse des dépenses de nos clients », relève Maxime Holder, le directeur général du groupe.
La dernière avait, en effet, provoqué un coup d’arrêt net sur le panier moyen. « Il n’y a pas moins de clients, au contraire, la fréquentation est positive, mais nous assistons à un recul des achats, poursuit le dirigeant. Dans notre métier, nous avons atteint notre élasticité des prix. » Au lieu d’un menu, les consommateurs s’offrent désormais un sandwich mais prennent de l’eau au bureau. La dépense a baissé de l’ordre de 4 % à 6 %.
Les chaînes de restaurant ont, elles aussi, pris la mesure de l’effet de seuil tarifaire. Globalement, ce segment n’a presque pas accru ses prix ce trimestre, selon les observations de Food Service Vision. Chez les indépendants, en revanche, 59 % des établissements ont encore augmenté les montants à payer sur leur carte d’été.
En revanche, l’addition ne devrait pas être moins salée dans les prochains mois. L’énergie continue à peser fortement sur l’équation même si la hausse du prix des ingrédients se fait moins forte.
Parmi les pistes que la restauration pourrait être amenée à utiliser davantage à l’avenir pour s’adapter à l’évolution des comportements en période d’inflation figurent les outils informatiques et le yield management.
Ce dernier ne peut bien sûr pas être appliqué de la même manière que dans l’hôtellerie ou les transports, le paiement pour les repas ne s’effectuant pas à l’avance. Impossible d’apporter des cartes aux prix différents à chaque table. Mais la mise en avant d’offres promotionnelles se développe déjà via une plateforme de réservations comme TheFork ou sur les sites de livraison. Des propositions spécifiques peuvent aussi, de manière plus ciblée, être directement proposées par mail à des clients déjà dans les fichiers des établissements.
La tendance du secteur à s’équiper davantage en outils de gestion numériques devrait aussi aider à l’avenir à ajuster les commandes en amont en fonction des prix des ingrédients et à faire évoluer les plats proposés aux clients avec des critères tarifaires plus pointus.
Par Clotilde Briard avec Dominique Chapuis – A retrouver en cliquant sur Source
Source : Inflation : petit coup de frein de la restauration sur les additions