L’entreprise familiale a entièrement repensé sa production. Elle se veut « artisanale » et « indépendante ».

Microbrasserie ou brasserie tout court ? Artisanale ou industrielle ? Chez Jenlain, on veut avant tout se démarquer de la bière de soif pour s’imposer comme bière de garde. L’offre a été entièrement repensée. La recette a changé, la gamme s’est enrichie, les bouteilles se sont résolument modernisées. « On s’est aperçu, en menant nos enquêtes auprès des consommateurs, qu’ils connaissaient tous Jenlain pour en avoir bu lorsqu’ils étaient étudiants, mais… qu’ils n’en achetaient plus », dit Mathieu Duyck, directeur général et fils du président Raymond Duyck, qui lui cédera les rênes en fin d’année. Pas question de sombrer dans la banalité alors que les microbrasseries poussent comme des champignons et qu’elles ont bousculé codes et habitudes, au point d’avoir obligé les plus grands brasseurs à se remettre en cause. « Nous avons une vraie histoire de famille à raconter. De quoi nous ­différencier », fait remarquer Mathieu.

Avec sa soeur et son père, ils se sont donc retroussé les manches pour repartir à l’offensive. Le premier combat, il a fallu le mener avec les acheteurs de la distribution, éberlués par les nouvelles exigences de prix de Jenlain. Après deux années de travail sur leur marque, les Duyck ont présenté une grille de prix majorés de… 25 %, de 2,10 euros à 2,70 euros. L’argumentation de Mathieu a fini par convaincre la plupart des distributeurs. Sauf un, Leclerc, avec qui le bras de fer s’est terminé par un déréférencement pur et simple de ­Jenlain. Sur toute l’année 2016. « On n’attend pas de changement en 2017 », explique Raymond Duyck. « On s’est organisé pour faire sans. Le développement de l’exportation et des ventes en CHR compenseront », dit, confiant, Mathieu Duyck. « Le marché des cafés est difficile. Il requiert des investissements, mais il est en croissance pour les brasseries telles que la nôtre. »

Réduire le poids des enseignes

La maison Jenlain veut s’émanciper de la distribution, qui commercialise encore 70 % de sa bière. « Notre objectif est de descendre à 60 % d’ici à 2020 en augmentant notre activité auprès des cafés et en exportant plus. » L’opération n’a pas été indolore : Jenlain y a laissé 25 % de son chiffre d’affaires en 2016, dont 10 points en raison du déréféren­cement chez Leclerc. Le reste est dû au retard des autres enseignes à appliquer les nouveaux tarifs désormais en vigueur.

Au cours des dix années écoulées, Jenlain a investi sans arrêt à hauteur de 1,3 million d’euros par an en moyenne. La construction d’une ligne de canettes, destinée à opérer le conditionnement pour d’autres, lui a permis de continuer de dégager un résultat. « Nous étions les premiers à mettre de la bière de spécialité en canettes », précise Mathieu Duyck. Jenlain y a gagné quarante clients belges et français et une production supplémentaire de 40.000 hectolitres. La brasserie familiale, qui emploie aujourd’hui 48 salariés, produit 110.000 hectolitres de bière quand il s’en consomme près de 21 millions d’hectolitres en France. Elle est résolue à défendre son indépendance bec et ongles.

Source : Jenlain, un grand brasseur parmi les petits, Conso – Distribution