La boulangerie s’offre de nouveaux visages

Le secteur se revisite. De nouveaux concepts voient le jour, souvent autour du bio ou d’ingrédients locaux.

Le nom ferait penser à une boutique de mode masculine, voire à un tatoueur. Derrière The French Bastards, récemment installés rue Oberkampf à Paris, se cache en fait une boulangerie. Mais nouvelle génération. A l’image des trois jeunes fondateurs, associant un boulanger-pâtissier et deux diplômés d’école de commerce dont l’un a passé son CAP de boulanger. Les pains y sont élaborés à partir de farines bio ou issues de culture raisonnée contrôlée (CRC), la provenance précise des ingrédients des sandwiches et salades sont identifiées sur une grande ardoise. « Pour la décoration, nous nous sommes inspirés de New York ou de l’Australie. En termes d’offre, les Français sont à la pointe de la technique mais il y a beaucoup à puiser à l’étranger en matière d’atmosphère. C’est un secteur que l’on peut moderniser en s’emparant des codes des coffee shops, des restaurants », estime Emmanuel Gunther, l’un des membres du trio. Sur les étagères se trouvent des livres, des vinyles, des figurines qui appartiennent aux fondateurs. Et de son laboratoire vitré, le boulanger peut venir apporter une précision à un client.

A Boulogne-sur-Mer dans le Pas-de-Calais, ce sont Les Farines d’Emile_ Moulins Viron_ qui explorent de nouveaux terrains. Entièrement bio, la boutique vient d’être ouverte en partenariat par les Moulins Viron et Frédéric Gambart, qui a par ailleurs une dizaine de boulangeries. A côté des multiples pains dont la composition et la production sont détaillées, il est possible d’acheter les différents ingrédients servant à sa fabrication ainsi que des produits d’épicerie. « L’objectif est de faire découvrir aussi les matières premières. Le consommateur veut du bon, du vrai mais n’a pas envie de perdre du temps à comprendre. Il faut donc être très lisible et lui permettre d’interagir avec des vendeurs capables de tout expliquer », indique Alexandre Viron. Pour ajouter à la proximité, les soupes ou compotes sont préparées au milieu de la boutique. Et le concept a vocation à s’étendre.

Moderniser l’offre

A Paris, The French Bastards insiste sur la provenance des ingrédients et mise sur un décor moderne. - Marlène Huet Studio
A Paris, The French Bastards insiste sur la provenance des ingrédients et mise sur un décor moderne. – Marlène Huet Studio

A l’image des Farines d’Emile ou de The French Bastards, le secteur, qui a vu le nombre de commerces passer sous le nombre des 30.000 selon le cabinet CHD Expert, a en effet tout intérêt à se revisiter. « Les boulangers sont obligés de se remettre en question, en particulier en région. Dans le monde rural où ils se font moins nombreux, certains jouent la carte des ingrédients « super locaux », d’une panification de plus en plus traditionnelle. En milieu urbain, on modernise l’offre, on mise sur le bio et la fraîcheur, on se différencie sur la pâtisserie », observe Estelle Lévy, fondatrice de la société Estelle Lévy Artisan Conseil spécialisée en commerce pour les métiers de bouche.

Parmi les grandes tendances figure aussi la possession de plusieurs fonds. A l’instar de Secco qui étend sa présence rive gauche à Paris, de Merci Jérôme ou de Maison Landemaine. Même les chefs étoilés se laissent tenter par l’aventure, comme  Thierry Marx qui donne son nom à un concept de boulangerie-sandwicherie développé avec le fonds French Food Capital.

Miser sur le digital

En ville, les établissements qui réalisent un lifting tendent à ajouter des tables pour accroître la vente de petite restauration. « Le développement de la partie traiteur le soir est nécessaire pour conquérir de nouveaux consommateurs et pour assurer l’équilibre économique face à des fonds de commerce chers », ajoute Estelle Lévy. Elle souligne aussi la nécessité de développer en parallèle le digital pour être présent dans les circuits de livraison et en click and collect afin de toucher des franges plus jeunes de la population.

Le secteur commence aussi, timidement, à miser sur les réseaux sociaux. The French Bastards joue ainsi la photogénie avec son néon lumineux régulièrement immortalisé par les clients. Voir son image partagée sur Instagram représente un moyen d’élargir son public au-delà de la zone classique de chalandise.

À noter

70 % des Français achètent leur pain en boulangerie et 10 % affirment préférer le bio, selon une étude Yougov réalisée début janvier.