REDÉMARRAGE :La restauration accélère sa modernisation

Malgré les difficultés actuelles, nombre de professionnels de la restauration n’hésitent pas à repenser leur modèle économique. Livraison, management, refonte de l’off re et digitalisation apparaissent comme les leviers de la relance et sont désormais au centre des préoccupations de nombreux acteurs.

L’an dernier, le marché de la restauration commerciale a été considérablement affecté par la crise sanitaire. L’activité s’est révélée « en dents de scie », profondément marquée par la période de fermeture du début de 2021, d’après une étude publiée par The NPD Group. Le chiffre d’affaires du secteur a ainsi chuté de près de 50 % par rapport à 2019, période de référence. Et Paris n’a pas été épargné par ce fort ralentissement. Si la fin de 2021 a été plus dynamique, les premiers mois de 2022 ont néanmoins subi un nouveau recul de l’activité, lié à l’apparition d’Omicron. L’arrêt des contrôles du passe vaccinal devrait contribuer à détendre l’atmosphère et à ramener les clients dans les CHR. Mais, globalement, à en croire les experts, le retour à la normale n’est pas attendu avant la fin de l’année, voire au début de 2023, notamment dans la capitale où le redémarrage est plus lent. Malgré la réouverture ininterrompue des établissements depuis juin dernier, les professionnels parisiens continuent en eff et de souffrir des conséquences économiques de la crise de la Covid-19. Le début de l’année 2022 s’est affiché particulièrement morose, voire catastrophique selon Alain Fontaine, propriétaire du restaurant Le Mesturet, situé dans le 2e arrondissement de Paris : « Entre le télétravail, le variant Omicron et l’absence de touristes, c’est comme si on est fermé tout en étant ouvert », déplore-t-il.

Un modèle revisité

Toutefois, la crise sanitaire a été source de transformation et d’évolution dans certaines brasseries parisiennes. Pour faire face à leurs difficultés financières, de nombreux gérants ont déployé un service de livraison à domicile ou encore de vente à emporter, à l’image d’Albert Aidan, à la tête de la brasserie L’Ami Georges à Paris, dans le quartier de l’Opéra. Les nouvelles pratiques instaurées durant le confinement ont donné des idées à de nombreux professionnels. Pour se restaurer, de plus en plus de citadins se tournent dorénavant volontiers vers les sites et les applications en ligne qui proposent un large choix de plats à se faire livrer à la maison. Du reste, l’arrivée d’acteurs comme Foodora, Uber Eats ou Deliveroo accentue les possibilités pour les Parisiens d’accéder à ces formes de restauration toujours plus rapides et pratiques.

L’intérêt majeur pour les brasseries reste, bien évidemment, de s’adapter à ces nouvelles habitudes de consommation, tout en continuant à développer leur activité traditionnelle. En effet, si la vente à emporter reste marginale, elle n’est pas pour autant négligeable dans les comptes des établissements parisiens depuis leur réouverture l’an dernier. D’après une étude menée par L’Addition, elle représenterait en moyenne tout au plus 10 % de leur chiffre d’affaires.

Le management remis en question

D’ailleurs, au-delà de ces nouveaux services, la crise sanitaire a surtout conduit les gérants de brasseries parisiennes à revoir leur modèle d’organisation, en particulier dans le domaine de la gestion de leur personnel. En effet, les métiers de la restauration sont souvent considérés comme difficiles et exigeants, tant en charge de travail qu’en matière d’horaires. À l’heure où le secteur souffre d’une pénurie de personnel, mieux vaut donc tout faire pour motiver et fidéliser les salariés. C’est d’ailleurs la raison qui a poussé Alain Fontaine à mettre en place des horaires plus flexibles pour l’ensemble de ses salariés. Leur planning a été par exemple optimisé en réduisant l’heure de fermeture de son établissement à 22 h 00 afin que tous les collaborateurs soient en mesure de regagner leur domicile en utilisant les transports en commun, sans devoir prendre un taxi. Pour optimiser le temps de travail, certains professionnels n’hésitent pas à fermer le jour de la semaine qui se révèle être le moins rentable afin d’accorder un jour de repos supplémentaire au personnel. Une autre possibilité consiste à réduire le nombre de services, en limitant par exemple le service du soir aux jours les plus chargés du week-end, plutôt que tous les soirs de la semaine. Dans cette même logique d’optimisation, il est également possible pour les exploitants de réduire leurs coûts d’exploitation dans le contexte actuel.

Simplifier l’offre

Albert Aidan limite son stock de nourriture au strict nécessaire, « avec des approvisionnements au quotidien en fonction des besoins ». De plus, face à une demande en berne, de nombreux restaurants ont choisi de raccourcir la liste de leur carte, en se cantonnant aux plats les plus populaires mais aussi les plus rentables. Une astuce destinée à limiter les coûts d’inventaire, tout en facilitant les prises de commande des clients et en allégeant la pression en cuisine. Cerise sur le gâteau, ce type d’initiative offre la possibilité de travailler en équipe réduite. Par ailleurs, les nouvelles technologies permettent d’automatiser certaines tâches administratives chronophages telles que la gestion de l’inventaire ou encore la réservation en ligne pour les brasseries présentes sur Internet. Ainsi, un gain de temps considérable est assuré pour le personnel. Il peut davantage consacrer son temps à recevoir et servir les clients.

Miser sur le digital

Pour certaines brasseries, la digitalisation est devenue incontournable par l’apport de services innovants face aux nouvelles exigences de la clientèle. Ainsi, pour veiller au respect des normes sanitaires et d’hygiène, de plus en plus d’établissements mettent sur chaque table de leur salle un QR code à disposition des clients. En scannant ce code depuis leur téléphone mobile, ces derniers sont alors en mesure d’accéder directement à la carte, avec des menus traduits dans plusieurs langues, ce qui facilite l’accueil de la clientèle étrangère. Un véritable gain de temps et d’énergie pour le personnel en salle, d’autant plus que ce type d’application permet bien souvent de passer commande et de payer directement en ligne. L’autre avantage réside dans le fait que les clients peuvent commander des plats en fonction de leurs besoins ou de leurs contraintes alimentaires, tels les allergènes, les calories, le type d’aliment ou encore le niveau d’épices.

Les réseaux sociaux

En matière d’innovation, certains choisissent de sous-traiter la commande en ligne et la livraison à domicile, en faisant appel à des tiers Uber Eats ou Deliveroo ; d’autres préfèrent investir dans leurs propres outils. Pour ces derniers, c’est bien souvent la seule façon de pouvoir conserver leur indépendance et de maîtriser leur image, tout en gardant la main sur leur fichier clients. Pour ce faire, ils n’hésitent pas à développer leur présence sur les réseaux sociaux qui constituent un moyen simple et efficace pour continuer à faire vivre le lien avec les clients, en partageant par exemple des idées de recettes. Outre le fait de maintenir l’intérêt de la clientèle, il s’agit d’un précieux atout en termes de communication. Quoi de mieux en effet qu’une publication Facebook, une story Instagram ou une vidéo YouTube pour rappeler – ou faire savoir – l’existence de vos services connectés et pour générer des commandes via la vente à emporter ou encore la livraison à domicile. Comme on le voit, la crise sanitaire a poussé certains professionnels de la restauration à s’adapter et à se réinventer pour répondre au mieux aux nouvelles demandes de la clientèle. Elle a ainsi obligé bon nombre de professionnels à bouger les lignes avec un objectif clair : adapter son offre et ses services aux nouvelles attentes commerciales des clients en dépoussiérant parfois les codes de la brasserie parisienne traditionnelle.

Par ROMAIN THOMAS – A retrouver en cliquant sur Source

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