Le Maotai, l’improbable liqueur chinoise qui pèse plus lourd que Coca-Cola
Kweichow Moutai, le producteur de cette boisson qui peut atteindre 53 degrés d’alcool, ne vend pratiquement qu’en Chine. Ce qui ne l’empêche pas d’être, grâce à ce produit miracle, une des plus gros entreprises du pays, plus puissante que tous les vendeurs d’alcools dans le monde.
Les Français ont le cognac, les Ecossais ont le whisky, les Chinois ont le Maotai. Cette liqueur qui titre principalement à 53° est plus qu’une boisson nationale, c’est une institution. En réalité, Maotai est une marque de baijiu, une eau de vie à base de sorgho dont les Chinois raffolent, au point de faire de son fabricant, Kweichow Moutai, une des plus grosses entreprises du pays.
Cotée à la Bourse de Shanghai, Kweichow Moutai est désormais valorisée à près 420 milliards de dollars, soit bien plus que Coca-Cola (210 milliards de dollars) ou Disney (310 milliards). Pas mal pour une liqueur bue par des centaines des millions de chinois mais pratiquement inconnue hors des frontières (sauf des connaisseurs).
Une boisson datant de l’Antiquité
Le Maotai a une histoire singulière qui remonte à l’Antiquité, avant une fulgurante ascension au 20ème siècle. La boisson, réputée décapante pour le palet, est rapidement devenue la boisson nationale, celle qu’on sort pour les grands banquets et surtout pour les grandes discussions.
Boisson favorite de Mao, elle sera servie pour la venue de Nixon en 1972, première visite d’un président américain en Chine communiste. « J’avais bu tellement de Maotai que je négociais en chinois », plaisantait son conseiller Henry Kissinger.
Si Coca-Cola a tout de la marque américaine, Kweichow Moutai est ainsi devenu son pendant chinois, de la guerre civile – où l’alcool a été un carburant bienvenu pour les révolutionnaires – au nouveau capitalisme chinois.
Le succès commercial du Maotai, qui affiche une croissance insolente depuis une décennie, a fait de Kweichow Moutai une entreprise à part. Seuls les deux géants de la Tech chinoise, Tencent et Alibaba, peuvent se targuer de peser plus lourd, si bien que certains observateurs voient dans la boisson une énorme bulle prête à éclater. Comme le raconte CNN, des petits porteurs voient même dans leurs actions un signe de prestige patriotique qui, par-dessus le marché, obtient des résultats stratosphériques chaque année.
Alerte à la bulle spéculative
Mais le pouvoir central craint désormais le désastre et appelle, par la voix des organes de presse officiels, à retrouver un peu de rationalité. Dans un pays où l’écrasante majorité des investisseurs sont des particuliers, l’explosion en vol de Kweichow Moutai serait une catastrophe nationale.
Comment assurer la poursuite de la croissance? La firme tente bien d’exporter son trésor aux Etats-Unis et en Europe, à travers de la publicité ciblée et des partenariats mais la quasi-totalité des ventes se fait toujours sur le marché domestique.
Surtout, le Maotai vendu à l’étranger s’est principalement retrouvé sur les tables… de la diaspora chinoise. Le Mexique a réussi à exporter sa tequila, la Russie sa vodka, la Chine parviendra-t-elle à faire accepter une eau de vie de feu à 53°, dont certains racontent qu’une gorgée ressemble à des lames de rasoirs? L’avenir de la marque en dépend.
Article de Thomas Leroy – A retrouver en cliquant sur Source