
« Le monde évolue et Nestlé doit s’adapter plus rapidement » : le géant suisse muscle son plan d’économies
Le nouveau directeur général de Nestlé, Philipp Navratil, promet de mettre les bouchées doubles pour rassurer les investisseurs. L’objectif total d’économies est de nouveau relevé, à 3 milliards de francs suisses d’ici à fin 2027, avec une réduction d’effectifs de près de 6 %.
Il faut agir, et vite. Alors que Nestlé a récemment remis à plat sa gouvernance – avec un changement surprise de président du conseil d’administration et de direction générale -, le groupe suisse veut désormais accélérer son plan de relance. Tout en confirmant le plan d’investissement dans les principales marques, Philipp Navratil, le nouveau directeur général, annonce de nouvelles mesures pour maîtriser les coûts.
Une décision saluée par les investisseurs. L’action a grimpé jusqu’à 8,2 % dans les premiers échanges suisses, soit la plus forte hausse depuis 2008.
Accélérer sur les « big bets »
« Nous nous efforçons de réduire considérablement nos coûts, et nous augmentons dès aujourd’hui notre objectif d’économies à 3 milliards de francs suisses d’ici à fin 2027 », indique dans un communiqué le patron du numéro un mondial de l’agroalimentaire, soit un relèvement de 500 millions de francs. Face aux difficultés qu’ils rencontrent, PepsiCo, General Mills ou encore Unilever ont présenté de tels plans.
Pour le groupe de Vevey, cela passera par la suppression de 16.000 postes, dont 12.000 employés de bureau et 4.000 employés dans les usines et chaînes d’approvisionnement. Cela représente environ 5,8 % de ses effectifs. Nestlé affirme sur son site employer environ 277.000 personnes dans le monde.
« Le monde évolue et Nestlé doit s’adapter plus rapidement », justifie Philipp Navratil. Les résultats trimestriels du groupe « alimentent le feu du redressement », ont écrit les analystes de Bernstein dans une note, qualifiant la réduction des effectifs de « surprise significative ».
Comme on l’entend depuis la nomination de Philipp Navratil, le 1er septembre, Nestlé confirme sa volonté d’accélérer encore sa stratégie de redressement, confortée par ses résultats. Sur les neuf premiers mois de l’année, les secteurs de croissance prioritaires (« big bets », six grands choix d’investissements sur des segments à forte croissance) ont enregistré une croissance organique de 14 %, contre 3,3 % pour l’ensemble du groupe.
« Ce qui me déplaît, c’est que ces opportunités de croissance prioritaires ne représentent que 10 % de notre chiffre d’affaires », a toutefois déclaré Philipp Navratil devant les investisseurs de Nestlé. « Il s’agit d’un mélange de produits, de plateformes et de marques, et leur taille est insuffisante. Pour stimuler la croissance à grande échelle, nous devons aller au-delà des innovations individuelles et agir de manière structurée », a-t-il prévenu.
Nestlé a tenu ses promesses en matière de croissance interne.
Jean-Philippe Bertschy, responsable de la recherche pour le marché suisse chez Vontobel
Et de prendre l’exemple du café froid, un des « big bets » destiné à pousser les feux sur ce segment. L’ex-directeur général de Nespresso a reconnu que le lancement d’un concentré liquide de café a été un succès, avec désormais une distribution mondiale. « Nous devons maintenant l’étendre à nos deux autres marques de café phares », à savoir Nespresso et Starbucks, a-t-il annoncé.
L’embellie se confirme aussi pour les 18 unités sous-performantes identifiées par Laurent Freixe, l’ex-directeur général licencié pour une « relation amoureuse non déclarée avec une subordonnée directe ». La croissance organique y est désormais stable, alors qu’elle était en recul de 2,5 % il y a un an. « Nestlé a tenu ses promesses en matière de croissance interne, l’un des principaux objectifs des investisseurs », commente dans une note Jean-Philippe Bertschy, responsable de la recherche pour le marché suisse chez Vontobel.
Philippe Navratil promet désormais de rationaliser le portefeuille de Nestlé, car si la taille est « un avantage concurrentiel considérable » pour le groupe aux 2.000 marques, les économies d’échelle ne sont pas toujours au rendez-vous. Il ouvre la porte à « des ajustements, des partenariats ou des ventes ». Les activités de vitamines grand public ou encore la marque de traiteur végétal européenne Garden Gourmet sont déjà sur le gril.
« J’analyserai systématiquement chaque élément de notre portefeuille avec ouverture d’esprit, sans idées préconçues », a-t-il expliqué. Et selon quatre indicateurs : « S’agit-il d’une catégorie de croissance ? Le profil de rendement est-il attractif ? Sommes-nous bien positionnés pour gagner ? Et gagnons-nous réellement ? » a-t-il détaillé.
Retour des volumes
Sur les neuf premiers mois de l’année, la croissance reste tirée davantage par les prix (+2,8 %) que par les volumes (+0,6 % de croissance interne réelle), avec le café et la confiserie (KitKat notamment) comme principaux moteurs. Malgré tout, la situation s’améliore au troisième trimestre, avec un effet prix de +1,5 %, sur une croissance organique totale du chiffre d’affaires de +4,3 %, bien supérieure aux attentes des analystes qui tablaient sur une hausse de 0,3 %. « Notre priorité absolue est une croissance alimentée par la croissance interne réelle », insiste Philipp Navratil.
Malgré des difficultés toujours importantes sur la zone Grande Chine (-10,3 % de croissance organique au troisième trimestre) et la faible dynamique en Amérique du Nord (+0,5 %), Nestlé promet une croissance organique annuelle cette année meilleure que l’an dernier. L’objectif de marge opérationnelle courante récurrente (Utop) est annoncé à 16 % ou plus. « L’augmentation du dividende a été explicitement confirmée, mettant fin aux spéculations négatives des derniers mois », se félicite Jean-Philippe Bertschy.
Par Paul Turban – A retrouver en cliquant sur Source