LE WHISKY FRANÇAIS : UNE HISTOIRE QUI PERDURE
Connaissez-vous les origines du whisky français ? Qui sont ses acteurs phares ? Comment est-il produit ? Pour vous mettre le whisky français à la bouche, Barmag s’est penché sur son savoir-faire et cette passion qui anime plus de 120 producteurs dans 13 de nos régions.
LES CHEFS DE FILE D’UNE CATÉGORIE EN PLEIN ESSOR
Cap sur Lannion dans les Côtes-d’Armor, en Bretagne. C’est ici que turbinent les alambics Chalvignac (inspirés des distilleries écossaises) de ce pionnier du whisky français. Son nom : La distillerie Warenghem, aujourd’hui dirigée par David Roussier.« Notre single malt Armorik, lancé en 1998, n’a rien à envier à ses cousins écossais. Nous proposons un whisky à la fois riche et fruité. Sa récompense en tant que meilleur single malt dans la catégorie Whisky du monde en 2013 nous a donné une vraie crédibilité à l’export. Nous sommes dans 25 pays », souligne le Directeur général.
En 2022, Warenghem affiche un chiffre d’affaires de 5 millions €. En avril dernier, la maison bretonne s’est lancé dans l’activité de tonnellerie (la seule dans la région) en partenariat avec Jean-Baptiste Le Floch, expert en la matière. « L’idée est d’ouvrir la tonnellerie à tous les producteurs de Bretagne », précise David Roussier.
De l’autre côté de la France, en Lorraine, s’active une autre icône du whisky hexagonal : Christophe Dupic, à la tête de la ferme-distillerie Rozelieures. Cet ingénieur agronome a rejoint son épouse Sabine Grallet-Dupic, 5e génération d’une famille de distillateurs d’eau-de-vie de mirabelle et d’exploitants agricoles. Celui-ci a rapidement la fine idée de produire du whisky, à partir des céréales de l’exploitation jusqu’à l’étape d’embouteillage.
L’aventure démarre en 2001 avec la première distillation. Ce passionné de jus malté est le premier producteur de whisky tourbé en France. Aujourd’hui, Christophe Dupic est le roi de l’écoresponsabilité puisqu’il possède sa propre malterie à 50 km du village et sa propre unité de méthanisation, qui fournit l’énergie nécessaire au bon fonctionnement de la distillerie. En 2023, l’entreprise familiale poursuit sa belle dynamique en investissant 7 millions € dans des travaux et outils avec pour objectif de multiplier le volume de production par 2,6.
Autre belle histoire : celle de l’entreprise bordelaise les Bienheureux, lancée en 2013, et de ses triple malts Bellevoye haut de gamme, qui affichent 7 déclinaisons de couleurs selon le type d’élevage.
On est devenus le leader du whisky français avec 40% de part de marché
Guillaume Mastellotto, Directeur commercial des Bienheureux
Les clefs de sa réussite : la création de cuvées issues d’un assemblage de 3 whiskies de haute qualité provenant de 3 distilleries en France (Lorraine, Alsace et Charente), sélectionnés à l’aveugle. Depuis 2019, les fondateurs Jean Moueix et Alexandre Sirech sont les propriétaires de la distillerie Bercloux, basée en Charente et fondée par Philippe Laclie. Une acquisition qui donne l’opportunité aux Bienheureux de travailler le whisky Bellevoye avec l’un de leurs distillats et de développer d’autres whiskies sur de nouveaux marchés. Une stratégie commerciale pour rendre la catégorie plus accessible à tous. « Nous avons créé 3 autres marques, allant de 19,90 € à 39,90 € : le whisky Lefort et le single malt Bercloux avec une finition en ex-barriques de pineau des Charentes distribués tous les deux en GMS, ainsi que le whisky Beauchamp pur malt également en ex-barriques de pineau des Charentes chez les cavistes », commente le Directeur commercial.
LE MÉTICULEUX TRAVAIL DES EMBOUTEILLEURS INDÉPENDANTS
En France, on compte aujourd’hui une cinquantaine d’affineurs et d’embouteilleurs indépendants à la chasse aux meilleurs fûts. L’entrepreneur Benjamin Kuentz fut parmi les pionniers. « J’ai toujours eu une admiration pour John Glaser, assembleur de whisky écossais et fondateur de Compass Box », révèle l’éditeur qui a parcouru les 4 coins de l’Hexagone à la rencontre des agriculteurs, des vignerons et des distillateurs pour « écrire » ses whiskies. « Je suis arrivé au bon moment. Les producteurs ont aimé mon approche créative et complémentaire à la leur », explique Benjamin Kuentz. Ce dernier collabore aujourd’hui avec des partenaires fidèles entre la Bretagne, la Lorraine et la Charente. « J’ai dû réaliser un gros travail d’éducation pour faire comprendre aux consommateurs que je ne distillais pas et montrer ce qu’était un assemblage », souligne cet écrivain du whisky qui a mis en place des ateliers destinés au grand public à Paris pour appréhender sa démarche. Un carton !UNE NOUVELLE GÉNÉRATION EN MARCHE, MARQUÉE PAR LA DIVERSITÉ
En 40 ans, le nombre de producteurs est monté en flèche, surtout depuis 10 ans, et dans les 13 régions de France. Les arrivants se passionnent pour le terroir, s’intéressent au circuit court, cherchent l’innovation et la réduction de l’empreinte carbone dans leur process de production. « Nous réunissons une diversité des savoir-faire entre les fabricants d’alambic et les chaudronniers. Nous sommes dans un pays avec des gens ingénieux, cartésiens et créatifs. Le whisky français est aujourd’hui plus novateur que le whisky écossais », commente Philippe Jugé, co-organisateur du salon France Quintessence dédié aux spiritueux français.Après la Bretagne et l’Alsace, c’est désormais la Charente et sa Spirits Valley qui viennent dynamiser la catégorie avec des personnalités affirmant un savoir-faire et des idées avant-gardistes. Prenez la distillerie de Fontagard, née en 1870 et spécialisée dans le cognac. Elle se tourne vers le whisky en 2018 à l’initiative d’Adrien Granchère, 4e génération, et de son ami Richard Lambert. « On a créé un whisky avec des valeurs qu’on souhaitait défendre dans chaque étape de production. On a semé nos propres orges, on brasse sur notre site et on distille dans 10 alambics de 25 hectolitres (l’un des plus gros sites de production de France). Nos whiskies ne vieillissent pas dans d’ex-fûts de Mizunara, mais dans d’anciens fûts de cognac et des fûts neufs de chêne français », commente le cofondateur.
Installée dans la Gironde, la maison Linetti a pour ambition de révolutionner le monde du whisky français. Ses artisans sont Alex Cosculluela, expert en vin, et son épouse, Dr. Magali Picard, ingénieure chimiste, docteure en œnologie. Ils se sont lancés dans cette aventure en s’associant avec la famille Thienpont, réputée dans le monde du vin de la Rive droite. « Nous nous inspirons des techniques du vin pour créer notre whisky. Pour la fermentation, nous utilisons des cuves en béton en forme ovoïde comme dans le Bordelais, qui confèrent des mouvements de connexion entre les lies et la levure. Nos whiskies millésimés sortiront sous 5 chapitres tous les 3 ans et pourront être dégustés de manière verticale comme un vin sur 12 années », explique Alex.
Malgré un solide passé brassicole, la Région Hauts-de-France ne réunit guère qu’une poignée de distilleries produisant du whisky. Née en 2017, la distillerie T.O.S fait déjà parler d’elle. L’un de ses fondateurs s’appelle Stéphane Bogaert et a monté avec son frère Vincent la célèbre Brasserie Saint-Germain. Désormais, il se consacre à 100% avec sa compagne Katy à son whisky. Sa spécificité : une fermentation longue de 7 à 10 jours au lieu d’une fermentation classique de 3-4 jours, pour obtenir des esters sur des notes de fruits exotiques. « On cherche un whisky avec des arômes singuliers », confirme le distillateur.
Du côté du sud, les producteurs de whisky se comptent sur les doigts de la main mais sont très convoités par les connaisseurs. La Distillerie familiale Lachanenche, installée au cœur des Alpes et célèbre pour ses liqueurs de framboise, a été reprise par les 2 fils Jérôme et Benoit Million-Rousseau. La production de jus malté a démarré en 2018 avec un process innovant. « Nous travaillons avec un alambic bourguignon à 3 vases. La distillation se fait par injection de vapeur d’eau et notre chai est installé dans un ancien tunnel ferroviaire qui comporte un taux d’hygrométrie de 80%. Notre whisky bio repose dans des fûts de vin blanc AOP », détaille Jérôme.
LA CRÉATION D’UNE IG « WHISKY DE FRANCE »
Les 2 acteurs les plus éminents du whisky français, la Bretagne et l’Alsace, sont aujourd’hui encadrés d’une IG (Indication Géographique). Pour porter la mention « whisky breton » ou « whisky alsacien », ils doivent répondre à un cahier des charges fixé par l’INAO. Qu’en est-il de la création de l’IG « whisky français » ?
C’est l’une des missions du président de la Fédération du Whisky de France, Christian Bec : « Le cahier des charges a été déposé à l’INAO en avril dernier et il est à l’étude. Il a fallu travailler sur un projet qui convienne à tous les membres de la Fédération. L’objectif de l’IG est de lutter contre les indélicats qui ne font pas du whisky français. Le cahier des charges impose qu’il soit impérativement brassé, fermenté, distillé, vieilli et dilué dans notre pays. C’est tout le savoir-faire français. Il n’est pas impossible d’obtenir l’IG l’été prochain », espère-t-il.Par
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