Les bouteilles en plastique face au défi du recyclage
Dans leur ambition de recyclage, les fabriquants de boissons se heurtent aux enjeux de la collecte.
Les fabricants de boissons comptent mettre les consommateurs à contribution pour résoudre le casse-tête du recyclage de leurs bouteilles. Ce mercredi, les géants du secteur (PepsiCo, Coca-Cola, Nestlé, Danone, Cristalline…) lancent une campagne avec l’éco-organisme Citeo pour inciter Marseillais et Parisiens à mieux trier leurs bouteilles de sodas ou de jus de fruits.
Le message: une bouteille de Coca-Cola peut devenir une bouteille de Fanta ou Sprite. Comme beaucoup de grandes villes, Marseille et Paris sont en effet des maillons faibles de la collecte. Seule une bouteille en plastique sur dix y est récupérée, contre 1 sur deux à l’échelle nationale. Deux raisons à cela: la prédominance de l’habitat collectif où les points de collecte sont moins accessibles et l’importance de la consommation hors du domicile. Comme ce qui a été fait pour le verre, Citeo veut faire comprendre que le plastique des bouteilles est une ressource et non un déchet.
Cette récupération est le préalable pour augmenter la part du plastique recyclé dans les bouteilles. Aujourd’hui, elle est de 27 % pour les boissons sans alcool selon Boissons Rafraîchissantes de France (BRF). Mais les choses bougent. Après d’autres sujets sensibles, comme les œufs de poules élevées en cage, le plastique devient le cheval de bataille des fabricants et distributeurs. «Au-delà du fait que cela préoccupe le client, on voit que le modèle du tout plastique touche à ses limites. Ces questions de la ressource seront impossibles à ne pas traiter si on veut que le système tienne», souligne Laurent Vallée, secrétaire général de Carrefour.
De nombreux industriels ont pris récemment des chemins ambitieux, notamment sur le recyclage des bouteilles (10 % des plastiques produits en France). Ils sont poussés pour cela par la feuille de route pour l’économie circulaire (Frec) présentée par le gouvernement fin avril, qui vise que l’intégralité des plastiques soit recyclée d’ici à 2025. Cet objectif peut se comprendre soit comme le caractère recyclable d’un plastique, soit – beaucoup plus rare et complexe – comme le taux d’incorporation de plastique recyclé dans un produit.
«Une posture de rupture»
«Quel que soit ce qu’il désigne, cet objectif est plus une posture de rupture», décrypte Françoise Bresson, directrice de la Responsabilité sociale et environnementale (RSE) en France de Nestlé Waters. Il n’empêche, elle contraint les fabricants de boissons sans alcool à retravailler leurs pratiques: la mise sur le marché de bouteilles non éco-conçues sera de moins en moins tolérée.
CCEP, l’embouteilleur de Coca-Cola, vise ainsi 50 % de plastique PET recyclé (rPET) dans ses bouteilles d’ici à 2025. Tout comme le groupe Carrefour sur tous ses jus, sodas et eaux à marque propre dans le monde. PepsiCo France, qui atteint déjà 46 % sur sa marque Lipton et 33 % pour tout son portefeuille, présentera ses objectifs dans quelques jours. Enfin, Nestlé Waters France, qui «part de plus loin» reconnaît Françoise Bresson, s’engage pour le moment à 25 %, toujours à horizon 2025.
Evian (Danone) a frappé un grand coup en janvier en misant sur la technologie chimique d’une start-up canadienne Loop Industries. La marque compte, d’ici à 2025, intégrer 100% de plastiques recyclés dans toutes ses bouteilles vendues dans le monde, soit 1,8 milliard de bouteilles par an. «Nous aurions été incapables de s’engager sur ce chiffre il y a un an car la technologie n’existait pas, résume Isabelle Sultan, directrice de l’innovation chez evian. Notre objectif est volontariste mais réaliste.» Le surcoût par rapport aux techniques actuelles de recyclage reste «significatif». Mais evian compte sur les économies d’échelle pour en réduire le coût.
L’amélioration de la collecte doit permettre de passer ces caps significatifs. Nestlé compte faire passer le taux de collecte des bouteilles de 56 à 80 % en 2022 et à 90 % en 2025. «On ne fera rien seul, souligne Laurent Vallée à Carrefour. Plus des entreprises comme les nôtres apporteront des volumes, plus cela baissera le coût du recyclé et rendra donc son utilisation intéressante.» Tout repose sur l’accès à la matière première, d’autant que pour l’emballage alimentaire, les alternatives au plastique traditionnel sont limitées. Pour répondre en partie à ce problème, Coca-Cola a co-investi en 2013 plus de 8,5 millions d’euros dans une usine de recyclage de PET pour sécuriser une partie de ses approvisionnements.
Source : Le Figaro Premium – Les bouteilles en plastique face au défi du recyclage