Face aux forteresses Coca et Pepsi, les colas régionaux relancent une offensive, à l’image du breton Breizh Cola. Avec son Coq Cola, produit à base d’eau minérale, le groupe Ogeu affiche ses ambitions au niveau national. Il reste à convaincre les consommateurs.

Les colas français rêvent encore de faire de l’ombre à Coca et Pepsi. Le marché a, il est vrai, de quoi faire saliver, puisque les colas pèsent 1 milliard d’euros à eux seuls, soit 40 % de celui des sodas. Coca-Cola y fait pourtant figure d’épouvantail, captant avec sa seule marque 1 euro sur 6 dépensés dans le rayon des boissons non alcoolisées. « Coca-Cola est une référence absolue à laquelle tout le monde se compare, qui est partout, avec des moyens considérables », analyse Xavier Terlet, codirigeant du cabinet de conseil ProtéinesXTC. Et jusqu’à présent la concurrence s’est surtout incarnée dans des offres jouant sur la fibre régionale.

Breizh Cola est toutefois le seul acteur ayant aujourd’hui une présence significative face aux poids lourds. « Chaque année , nous embouteillons 14,5 millions de litres de Breizh Cola », indique Marc Roubaud, le directeur général de la branche boissons du groupe Agrial, qui vient de reprendre la marque bretonne. Avec une équipe d’une cinquantaine de personnes, Breizh Cola et la bière Lancelot – également rachetée par Agrial – génèrent un chiffre d’affaires annuel de 24 millions d’euros.

Le cola breton est principalement proposé dans les grandes et moyennes surfaces alimentaires de Bretagne et, dans une moindre mesure, dans les cafés, hôtels et restaurants de cette région où il peut représenter jusqu’à 20 % de leurs ventes. L’ambition de Marc Roubaud est désormais d’ouvrir le Breizh Cola à de nouveaux marchés, non seulement en France, mais surtout dans les pays européens. Sa recette commerciale : s’appuyer sur la division boissons d’Agrial déjà très présente en Europe pour promouvoir le cola breton.

Vente en épicerie fine

Située à Nanterre, La Limonaderie de Paris a créé de son côté le Paris Cola, que le dirigeant tente d’imposer en Ile-de-France. Vendu uniquement en bouteilles de verre de 35 et 75 cl, il est proposé « dans les épiceries fines, les bars, certains Monoprix et à la Grande Epicerie de Paris », indique Rodolphe Grosset, le patron de cette limonaderie artisanale dont les ventes si elles « sont en progression » restent marginales. Certains concurrents ont ainsi préféré renoncer, à l’image de la Brasserie Pietra (Furiani) dont le Corsica Cola « ne fait plus partie des priorités de l’entreprise car il s’agit d’un segment de marché trop difficile à valoriser face aux multinationales », reconnaît le dirigeant de la brasserie.

Sur la trentaine de colas régionaux recensés, plusieurs marques ont disparu comme le Poitou Cola et une quinzaine sont encore réellement commercialisés. Une partie est produite à Cholet par l’entreprise l’Abeille, spécialisée dans l’embouteillage de soft drinks à partir de recettes plutôt standard et des formulations souvent identiques. « En fait, estime le blogueur Olivier Dauvers, spécialiste de la distribution, à ces boissons est liée une revendication, une appartenance, une résistance à la consommation de masse. » Certains professionnels continuent pourtant à vouloir prendre des risques afin de développer cette boisson alternative.

Alexandre Rizzotto, qui dirige Safa Distribution (Issoudun), a racheté il y a six mois le Berry Cola à une brasserie locale qui écoulait entre 30.000 et 50.000 bouteilles par an. Le nouveau propriétaire entend doubler rapidement les volumes en misant sur la proximité. Son soda est produit chez un limonadier local « à partir d’une recette unique », insiste Alexandre Rizzotto. Il vient d’être référencé auprès du grossiste Schoen Distribution, qui va l’aider à se développer dans les CHR – cafés, hôtels et restaurants.

Cola à l’eau minérale

C’est aussi à ce marché ultradominé par Coca-Cola que s’attaque le groupe Ogeu, spécialiste des eaux minérales régionales, en lançant son Coq Cola. L’entreprise s’y était déjà essayée avec une approche régionale et sous la marque Sowest, qui a été arrêtée faute d’intérêt des consommateurs. Avec Coq Cola, l’ambition est d’être présent sur tout le territoire. Cette toute jeune marque a été rachetée par le groupe des Pyrénées-Atlantiques en fin d’année dernière à une jeune entreprise landaise, Truc de Fou, qui s’était d’abord fait connaître avec une boisson énergisante.

Le packaging qui montrait un gallinacé stylisé à tête rouge sur un fond bleu et blanc a été revu, mais l’idée reste la même. « Avec Coq Cola, nous jouons évidemment à fond la carte du produit français tout en faisant aussi un clin d’oeil au numéro un du marché avec sa bouteille rouge », explique Mathieu Lignac, le directeur du développement commercial du groupe Ogeu. Le prix sera aligné sur les produits concurrents avec un goût qui lui sera propre.

L’ampleur du lancement dépendra aussi de la grande distribution. « Il reste deux inconnues. La réponse des enseignes et celle des consommateurs », reconnaît Mathieu Lignac. Avec son Coq Cola, l’entreprise béarnaise compte jouer son atout maître, celui d’« origine France garantie » puisque la boisson sera produite à partir d’eau minérale. « C’est un élément de valeur ajoutée intéressant en termes de naturalité qui constitue une des tendances du moment et une vraie différence positive par rapport à Coca-Cola et ses autres copies régionales », analyse Xavier Terlet.

Article de Stanislas Du Guerny – A retrouver en cliquant sur Source