Les défis de la restauration en 2025, entre saturation et concurrence accrue
Le secteur de la restauration a retrouvé en 2024 son niveau de chiffre d’affaires d’avant-crise, porté par une hausse des prix. Pourtant, la fréquentation des restaurants diminue, et la concurrence des circuits alternatifs s’intensifie, fragilisant de nombreux établissements.
À table ! D’après l’Observatoire de la restauration Fiducial, le secteur de la restauration a retrouvé en 2024 le niveau de chiffre d’affaires d’avant la crise sanitaire. Cette performance est due à l’augmentation du ticket moyen, qui a atteint 30,72 euros contre 28,91 euros l’année précédente. « Ce résultat tient plus à la hausse des prix que celle de la consommation », nuance Florence Berger, directrice associée chez Food Service Vision, cabinet de conseil spécialisé dans le secteur de la restauration et du food service.
Les Français ont espacé leurs sorties au restaurant l’an dernier. Le leader des services pluridisciplinaires aux petites entreprises, Fiducial, relève une baisse du taux de remplissage, aussi bien enrestauration rapide (84 % contre 94 % en 2023) qu’en restauration traditionnelle (58 % contre 60 % en 2023). Et la situation ne s’améliore pas en 2025 : l’été dernier en a donné une preuve tangible.
Un restaurant pour 170 habitants
Dès le mois de juillet, l’UMIH (Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie) s’alarmait d’une baisse de 15 à 20 % de la fréquentation estivale des établissements, en particulier pour ceux du bord de mer. Les restaurants souffrent aussi d’une concurrence accrue des circuits alternatifs comme les boulangeries, les coffee-shops, les food-trucks et la grande distribution qui étoffent leur offre de snacking. D’après le cabinet de conseil Gira spécialisé dans la consommation alimentaire hors domicile, en France la boulangerie-pâtisserie s’est imposée comme leader du déjeuner des actifs, aussi bien en milieu urbain que rural.
La France compte un restaurant pour 170 habitants, contre un pour 340 habitants il y a 20 ans. À titre de comparaison, les Etats-Unis disposent d’un restaurant pour 540 habitants. « On peut en déduire que la France est saturée d’offres. Mais cette saturation a une particularité », écrit Bernard Boutboul, président du cabinet Gira dans un post LinkedIn.
Le pays compte 410.000 endroits où l’on peut se nourrir hors domicile si l’on compte la GMS, les commerces de proximité, les stations-service, les boulangeries, les magasins, etc. « Il y a 220.000 restaurants avec véritable service à table. Ce sont donc ces 190.000 commerces qui ont saturé le marché. Ils ont réalisé 23 milliards d’euros de CA en 2024. Ils n’ont pas créé cette valeur, ils l’ont prise aux circuits classiques de la restauration (fast-food, restaurants, brasseries, cafés-restaurants, restaurants d’hôtels, etc.) », explique l’expert.
Miser sur l’expérientiel
Cette concurrence accrue, une conjoncture en demi-teinte et des remboursements de PGE à solder fragilisent nombre d’entreprises de la restauration. Selon le cabinet Altares, le nombre de défaillances d’entreprises a bondi de 62,6 % entre 2022 et 2024. Et 2025 s’annonce tout aussi compliquée. À la fin du premier semestre, le secteur a enregistré 4.773 défaillances supplémentaires, en hausse de 10 % par rapport à la même période en 2024.
La restauration reste néanmoins très attractive pour nombre d’entrepreneurs, les nombreuses créations en témoignent. « Le solde de restaurants reste légèrement positif », confirme Florence Berger. La restauration rapide tire cette croissance, avec 9 créations sur 10. De son côté, la restauration classique assise mange son pain noir, y compris dans les enseignes sous franchise. « Les dîners à l’américaine souffrent », constate Emmanuel Jury, président du cabinet Progressium, expert de l’organisation et du développement en franchise.
La GenZ préfère la street food, en particulier asiatique, et le « fast good ». « Le segment du healthy a bien travaillé son offre et a, avec la hausse des prix généralisée, une proposition de valeur plus attractive », décrypte Florence Berger. Encore marginal, le halal est également un segment en plein essor, de même que les bouillons, ces restaurants traditionnels à petits prix, qui dépassent désormais les 180 unités dans l’Hexagone.
Pour la directrice associée de Food Service Vision, le concept n’est pas tant la clé qu’un bon rapport qualité, satiété, prix. La restauration traditionnelle a sa carte à jouer en misant sur l’expérientiel, comme les concerts ou les blind tests, leviers d’attractivité pour les moins de 35 ans, toujours prompts à partager leurs soirées sur les réseaux sociaux. « Le trafic naturel ne suffit plus. Il faut le stimuler en renouvelant l’offre et en communiquant », insiste Florence Berger.
L’entrepreneur avant le concept
Mais pour Romain Ablard, cofondateur de l’accélérateur de food entrepreneurs Service Compris, le succès réside plus dans l’entrepreneur que dans le concept : « Qui aurait parié sur le succès de la pizzeria Big Mamma ? Ce qui importe, c’est d’avoir un projet bien ficelé et des compétences dont les chefs n’avaient pas besoin par le passé. » Le nerf de la guerre est aujourd’hui la data, que le chef d’entreprise doit exploiter pour piloter au mieux l’activité. « On a beaucoup laissé faire l’expert-comptable, qui envoie des informations parcellaires et tardives. Résultat : l’entrepreneur ne peut corriger le tir en matière de prix, d’approvisionnement qu’avec des mois de retard. Il faut optimiser l’activité en continu », recommande Romain Ablard.
Les logiciels de caisse fournissent toutes les données nécessaires pour connaître l’évolution des ventes, les best-sellers, les pics de fréquentation. Certaines briques incluent désormais des outils prédictifs pour anticiper la fréquentation de l’établissement en fonction de la météo, des événements sportifs ou des vacances. Ces données permettent d’ajuster les achats, le menu, mais aussi les horaires d’ouverture et la planification des équipes.
Car qui dit clients, dit personnel en cuisine et en salle. De nombreux patrons se retrouvent au service ou derrière les fourneaux faute de salariés. Certains sont même contraints de restreindre les horaires d’ouverture. « Les restaurateurs doivent recruter et manager l’humain différemment », insiste Romain Ablard. Place à l’écoute plutôt qu’au management brutal. Les leviers sont nombreux pour améliorer l’attractivité des métiers de la restauration : suppression de la coupure, rémunération attractive, mutuelle, perspectives de promotion ou encore formation.
Attention, l’entrepreneur doit rester connecté avec l’extérieur. « Il est essentiel d’aller voir ce que font les concurrents, en particulier les nouveaux, pour ne pas se laisser dépasser », conclut Florence Berger, directrice associée chez Food Service Vision.
Par Ophélie Colas des Francs – A retrouver en cliquant sur Source
Source : Les défis de la restauration en 2025, entre saturation et concurrence accrue | Entrepreneurs