![CC](https://www.tcma-conseil.com/wp-content/uploads/2016/10/CC.jpg)
Les géants de la grande consommation se préparent à de nouvelles montagnes russes en 2025
Le pic d’inflation de 2022 et 2023 a entraîné des baisses de ventes en volume qui se sont poursuivies en 2024. Avec la fin de la hausse des prix, les enseignes et leurs fournisseurs ont parié sur le redémarrage de la consommation, avec des leviers différents.
La fin de l’année 2024 a marqué la croisée des chemins. Après le pic d’inflation de 2022 et 2023 – plus de 20 % au total pour l’alimentation -, les professionnels des biens de consommation ont constaté la reprise de l’érosion des prix depuis juin (- 0,2 %) jusqu’en novembre (- 0,8 %). L’inversion de la courbe n’a pas permis la tenue des volumes. De janvier novembre, les super et hypermarchés ont vendu 0,7 % de produits en moins. Leur chiffre d’affaires a stagné (- 0,1 %), selon l’institut Circana.
Pour les Leclerc et autres Carrefour, comme pour les industriels comme Nestlé, Danone ou Coca-Cola, l’année 2025 n’affiche qu’un objectif : la relance des ventes. En août 2023, Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour, avait annoncé « un tsunami de déconsommation ». La vague a déferlé. Les chiffres d’affaires ont baissé en France sous l’effet de la nécessité d’une baisse des prix. Pour 2025, les distributeurs attendent le retour d’une vague de croissance.
L’arme des centrales d’achat
La démographie n’aide cependant pas. Jusqu’à 2020, les naissances portaient la consommation d’environ 2 % par an. En 2023, la population n’a gagné que 0,3 %. L’hiver des naissances s’est poursuivi en 2024 . Le salut viendra de nouveau des prix. Les enseignes refusent les hausses que leur demandent leurs fournisseurs dans le cadre des négociations en cours. Ils ont perçu à Noël une envie de consommation. Les enseignes affûtent les lames de leurs centrales d’achat.
En 2025, Intermarché fera approvisionnement en commun avec Auchan et Casino. Leur structure Aura pèsera 30 % du marché. De son côté, Carrefour donnera la pleine puissance de ses bureaux d’achat de Madrid qui négocient avec plusieurs dizaines d’industriels à l’échelle de l’Europe. Leclerc cultivera son avantage.
Même s’ils poussent leurs marques maison jusqu’à 40 % ou 50 % de leurs ventes, à l’exemple de Carrefour et Intermarché, les distributeurs comptent aussi sur celles des industriels pour attirer les clients et déclencher l’acte d’achat.
Pour autant, et c’est la contradiction, pour relancer les volumes, pas question pour les entreprises de baisser leurs prix. Depuis la réouverture des négociations commerciales, le 18 décembre, les PME et les ETI font de nouveau face à la pression des enseignes pour rogner sur leurs marges. Le dialogue s’annonce rugueux jusqu’au 28 février.
Les marques nationales repartent
« La demande des distributeurs est totalement décorrélée des réalités économiques, s’alarme Jérôme Foucault, le président de Pact’Alim, qui représente 3.000 PME et ETI. Ils sont dans la posture, alors que nos entreprises sont en difficulté, avec le risque d’affaiblir le tissu économique dans les territoires. » Si l’inflation côté matière premières s’est tassée, les fabricants font face à d’autres hausses : salaires, assurances, frais bancaires.
Des coûts qui ne sont pas sanctuarisés, comme ceux des agriculteurs dans le cadre de la loi Egalim. Et dont les distributeurs ne sont donc pas obligés de tenir compte. Mais de nouveaux efforts demandés aux entreprises pourraient cette fois se répercuter sur la qualité des produits, redoutent certains industriels, faute de marge de manoeuvre.
Les entreprises veulent aussi profiter du léger appel d’air ces dernières semaines. Depuis novembre, les ventes des marques nationales semblent repartir, alors que depuis deux ans, elles ont cédé du terrain aux marques de distributeur (MDD). Moins chères, celles-ci ont pris plus de place dans les caddies, et pèsent aujourd’hui 36,5 % du chiffre d’affaires de la distribution. Mais depuis novembre, leurs ventes connaissent un fléchissement (-0,3 %), selon Circana. Alors que celles des grands groupes ou des PME augmentent chacune de 0,1 point.
Du jamais-vu depuis septembre 2021. Une conséquence, selon le cabinet, de « la reprise de la croissance des assortiments des marques nationales ». Un retour encore à confirmer qui pourrait donner plus de poids aux arguments des industriels.
Innovation et promotions
Les entreprises font aussi face à de nouveaux comportements alimentaires. Les Français se sont ainsi mis au snacking et au « take away », les plats à emporter, ce qui pénalise l’offre dans les réseaux traditionnels. Pour relancer la consommation, les industriels estiment qu’il faut réinvestir dans l’innovation. Un moyen de coller aux nouvelles attentes.
Après la vague d’inflation, de nombreux lancements ont été annulés ou retardés. « Le taux d’innovation a chuté de 23 % en France en 2022, et de 12 % dans le monde, on n’avait jamais vu ça, soulignait lors du Salon international de l’alimentation Xavier Terlet, expert des tendances chez ProtéinesXTC. Ça repart, mais nous ne sommes pas encore revenus au niveau de 2021. »
Encore faut-il en avoir les moyens. « Le taux de marge appliqué par les distributeurs sur les nouveautés les condamne en grande partie », déplore un industriel. Autre piste, augmenter les promotions. Ce qui génère des volumes et du trafic dans les magasins, qui se livrent une concurrence acharnée. « Sur les deux derniers mois, octobre et novembre, la part de chiffre d’affaires en promos progresse par rapport à l’année dernière et ce, dans l’ensemble des circuits », note Circana. Des opérations en vogue chez Intermarché et Coopérative U.
A l’aube de 2025, les relations sont donc toujours aussi tendues entre distributeurs et entreprises , un climat alourdi par les incertitudes politiques et économiques, qui compliquent les projets. « Il faut revenir à un dialogue constructif, pour dynamiser l’attractivité des points de vente, et ne pas étrangler des PME parce qu’on pèse entre 25 % et 30 % de son chiffre d’affaires, souligne Jérôme Foucault. Nous avons tous intérêt à réfléchir pour rester au service des consommateurs et voir comment réinventer l’offre et l’expérience client. »
Par Philippe Bertrand et Dominique Chapuis – A retrouver en cliquant sur Source
Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/les-geants-de-la-grande-consommation-se-preparent-a-de-nouvelles-montagnes-russes-en-2025-2140017