Les grandes marques de l’agroalimentaire se ressaisissent dans les grandes surfaces
« La domination des MDD sur les marques nationales est derrière nous », estime Emily Mayer, directrice business insights chez Circana. monticellllo / stock.adobe.com
Les marques de distributeur, qui ont connu une forte croissance avec l’inflation, poursuivent néanmoins leur offensive.
Danette, Tropicana, Nutella, Lu ou encore Barilla… Les consommateurs semblent bel et bien décidés à se faire un peu plus plaisir dans leurs achats en grandes surfaces. Souvent délaissées durant la crise inflationniste (2021-2023) au profit des MDD (marques de distributeur), moins chères, les marques nationales de l’agroalimentaire reprennent du poil de la bête. En mai, leurs ventes en volume ont progressé de 1,3 % contre 0,9 % pour les MDD, selon le dernier pointage de l’institut. Déjà, en mars, elles avaient enregistré une meilleure performance que les MDD, en recul. Certes, l’important rebond des achats de produits d’hygiène et de beauté (DPH), qui sont essentiellement des produits de marque, comme Ariel et Skip pour la lessive, y avait contribué. Mais « ce rapport de force n’avait pas été vu depuis novembre 2021, soit depuis trente-neuf mois ! », rappelait Circana.
« L’écart de performance se resserre beaucoup entre les deux sur les derniers mois », confirme Emily Mayer, directrice business insights chez Circana. De quoi contraster avec l’année 2023 chahutée par la flambée des étiquettes : les ventes de produits de marque avaient alors chuté de 6,2 % contre une progression de 0,8 % pour les MDD, très prisées par les consommateurs. En 2024, année charnière marquée par une consommation très morose en dépit de la fin de l’inflation, l’écart s’était légèrement resserré. Désormais, « la domination des MDD sur les marques nationales est derrière nous », poursuit Emily Mayer.
De fait, les consommateurs ont digéré l’inflation et commencent à intégrer que les prix resteront plus élevés qu’avant la crise. Résultat : les ménages consomment un peu plus dans les grandes surfaces depuis le début de l’année, avec des ventes en volume qui ont progressé de 1,5 % (marques nationales et MDD) entre janvier et mai après de nombreux mois de recul. Et ils seraient plus enclins à desserrer les cordons de la bourse, se tournant davantage vers des produits un peu plus onéreux. Ce n’est pas surprenant.
Marques nationales et MDD ne s’opposent pas
Contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne, les consommateurs français sont très attachés aux marques dans les grandes surfaces, en particulier dans les catégories des boissons, des sucreries (bonbons, pâtes à tartiner) ou encore de la beauté et de l’entretien ménager. Ce regain d’intérêt explique d’ailleurs la légère montée en gamme dans leurs choix, observée ces derniers mois. Les ménages avaient été nombreux à se tourner vers des produits moins chers et de premier prix durant la crise.
C’est un rééquilibrage. Ce sont les marques nationales qui remontent. Les Français ne se détournent pas des MDD, qui représentent 36 % de leurs achats (en valeur) en grande surface
Emily Mayer, directrice business insights chez Circana
De quoi rebattre les cartes dans les rayons au détriment des MDD ? « C’est un rééquilibrage. Ce sont les marques nationales qui remontent. Les Français ne se détournent pas des MDD, qui représentent 36 % de leurs achats (en valeur) en grande surface », insiste Emily Mayer, rappelant que le pouvoir d’achat reste contraint pour une partie des ménages. Durant la crise inflationniste, les marques de distributeur ont en effet conquis de nombreux ménages, passant de 33,1 % de part de marché en 2021 à 36,1 % au premier semestre 2024. Et, aujourd’hui, la plupart des enseignes sont bien déterminées à maintenir leur positionnement, continuant l’offensive pour séduire les consommateurs avec leurs propres produits. Elles sont armées.
Longtemps perçues comme des produits de second choix par rapport aux marques nationales, les MDD, tout en restant moins chères que les marques nationales, se sont diversifiées et leur image a été travaillée au fil des années. Outre le créneau des premiers prix, elles ont investi les rayons bio, gourmet ou encore sans gluten, suivant ainsi les grandes tendances de consommation. « Oui, les MDD sont des concurrentes », même si « elles emboîtent le pas aux grandes marques et ne jouent pas un rôle moteur sur l’innovation », estime le représentant d’un grand groupe industriel.
La guerre des prix continue de faire rage
En réalité, dans un secteur de la distribution très concurrentiel où la guerre des prix continue de faire rage, la MDD se veut aussi un moyen stratégique pour une enseigne de se démarquer face à ses rivales. « Les volumes augmentent à nouveau, c’est une bonne nouvelle. Nos ambitions de différenciation sont très fortes avec les MDD », explique-t-on chez Intermarché. Le distributeur s’est fixé comme objectif de réaliser 40 % de son chiffre d’affaires avec ses produits à marque propre d’ici l’an prochain, contre 35,3 % en 2024.
« Les deux, marques nationales et MDD, ne s’opposent pas, insiste de son côté un représentant du groupe Carrefour. On garde notre objectif que les MDD représentent 40 % de notre chiffre d’affaires (en 2026, NDLR) et on innove. Mais on ne renoncera jamais au choix et à la promotion des marques nationales. » Et encore plus en cette période post-crise inflationniste marquée par une timide reprise des ventes en volume : l’enjeu est désormais de trouver le bon équilibre dans les rayons entre des MDD toujours plus diversifiées et les marques nationales, à nouveau clés pour attirer les clients dans les magasins. Un exercice délicat.
Par Manon Malhère – A retrouver en cliquant sur Source