Les hôtels français changent de mains comme jamais

Le montant total des transactions sur les murs d’hôtels a atteint 4,4 milliards d’euros, à comparer à 1,8 milliard en 2018, selon JLL Hotels & Hospitality. Le précédent record hexagonal remontait à 2005.

A l’heure où le coronavirus met sous pression l’hôtellerie , l’information peut paraître décalée : le marché immobilier hôtelier français a atteint l’an dernier un montant sans précédent, pour un total de transactions de 4,4 milliards d’euros, à comparer à 1,8 milliard en 2018. Pour JLL Hotels & Hospitality, la branche hôtelière du géant américain des services à l’immobilier JLL qui publie ces chiffres, le marché français a capté 20 % de la valeur globale, en légère augmentation, des opérations réalisées dans la zone Europe – Moyen-Orient – Afrique en 2019, à 22,2 milliards d’euros. Il est vrai qu’il avait atteint un quasi-plancher deux ans auparavant.

Le précédent record national, à 3,7 milliards d’euros, remontait à 2005, une année notamment marquée par les prises de contrôle de Groupe Taittinger/Société du Louvre (Première Classe, Campanile, Kyriad…) par Starwood Capital et, déjà, de B & B Hotels.

Effet B & B

Car, quatorze ans plus tard, ce dernier a encore contribué à ce nouveau pic du marché. Il a été repris par Goldman Sachs auprès de PAI Partners pour une valeur de 1,9 milliard d’euros. En outre, Covivio Hotels a cédé deux portefeuilles d’hôtels B & B, soit 88 établissements, pour 378 millions d’euros à Primonial REIM, l’un des principaux gérants d’actifs immobiliers en France et en Europe.

Cette dernière transaction met en relief l’arrivée de nouveaux investisseurs. Primonial REIM est d’abord un spécialiste de l’immobilier de bureau. « Dans un univers de taux d’intérêt bas, il y a encore une prime sur cette classe d’actifs [les murs d’hôtels, NDLR] », explique le président de son directoire, Grégory Frapet.

Nouveaux investisseurs

Autre illustration de cette tendance, à l’échelle européenne : le gérant d’actifs britannique Schroders vient de lancer un fonds sectoriel , en s’appuyant sur une équipe de spécialistes, Algonquin Management Partners, qui l’a rejoint en 2018. « Les investisseurs immobiliers ont tous envie de diversifier leurs actifs. Et la première classe qui leur paraît lisible, c’est l’hôtellerie. Il y a assez peu d’activité immobilière assise sur un chiffre d’affaires », commente le patron Europe du Sud de JLL Hotels & Hospitality, Yves Marchal.

Les acteurs traditionnels n’en sont pas moins à la manoeuvre, et plus que jamais. Covivio Hotels, entre autres, a ainsi acquis l’an dernier une participation de 32 % dans un portefeuille de 32 hôtels Accor (30 en France, 2 en Belgique) pour 176 millions d’euros. Valorisé 550 millions, ce portefeuille est codétenu avec la Caisse des Dépôts et Société Générale Assurances.

De son côté, la société de gestion Atream a, notamment, financé l’hôtel Mama Shelter de Lille, ouvert à la fin de l’été dernier, et piloté la reprise par un groupe d’investisseurs du nouveau village de Club Med aux Arcs. Cette opération, de plus de 100 millions d’euros, est, comme vente d’un actif « individuel », l’une des plus importantes de l’année.

Vision de long terme

Atream a aussi lancé l’automne dernier une nouvelle SCPI (Société civile de placement immobilier) consacrée à l’hôtellerie tricolore de bord de mer , et son premier FPCI (fonds professionnel de capital investissement), pour des actifs en France aussi. AEW Ciloger, autre acteur de l’épargne immobilière, a, lui, acheté les murs du Club Med de La Plagne pour le compte de l’un de ses OPCI (organisme de placement collectif en immobilier).

Si l’épidémie de Covid-19 plonge le tourisme dans la difficulté et trouble la visibilité à court terme, les investisseurs regardent bien au-delà de 2020. Pour le président du directoire de Primonial REIM, sa diversification est « un choix d’allocation sur le long terme ». Et Grégory Frapet d’ajouter : « quand on regarde les fondamentaux de l’hôtellerie, il y a une tendance de fond extrêmement favorable ».

Pour Yves Marchal, chez JLL, s’« il est encore un peu tôt pour se prononcer sur l’évolution du marché, où régnait jusqu’à présent un certain optimisme, on sait en revanche que les résultats d’exploitation des hôteliers ne seront pas bons cette année. » Mais, rappelle-t-il, « il faut plusieurs mois aux investisseurs pour mener à bien une négociation. »

Christophe Palierse

Source : Les hôtels français changent de mains comme jamais | Les Echos