« Les hôtels seraient un excellent complément pour nous » : comment Airbnb défie Booking

La plateforme américaine Airbnb souhaite élargir son offre en augmentant « considérablement » le nombre d’hôtels qu’elle propose. Une stratégie qui la place en concurrence frontale avec Booking et qui devrait rebattre les cartes du marché de la réservation hôtelière.

La petite bombe a été lâchée en plein coeur de l’été par Brian Chesky, le patron d’Airbnb. « Nous allons nous engager de manière beaucoup plus agressive dans l’hôtellerie. Nous pensons que cette activité va considérablement se développer sur Airbnb », a déclaré le dirigeant, lors d’un échange avec les analystes en marge des résultats trimestriels de l’entreprise. « Sur nos principaux marchés, surtout en haute saison, les gens ne trouvent souvent pas de logement. Nous pensons que les hôtels seraient un excellent complément », a-t-il justifié.

S’il n’a pas livré de détail sur les pays concernés, difficile d’imaginer que la France, deuxième marché au monde pour Airbnb, ne soit pas concernée. D’autant que le durcissement de la réglementation dans de nombreuses villes est susceptible de réduire l’offre de la plateforme.

Commission plus faible

Certains établissements indépendants, qui n’ont pas la capacité financière d’investir dans le marketing et dépendent en grande partie des plateformes comme Booking.com, pourraient se laisser séduire. Car Airbnb dispose d’arguments de poids, à commencer par une commission plus faible que son concurrent : autour de 15 %, alors que Booking demande entre 18 % et 20 % aux hôtels qu’il distribue. « Cela peut aussi leur apporter une autre clientèle, plus jeune et flexible », note Vincent Delaeter, associé au sein du cabinet Advancy.

Soulignant qu’un « pourcentage important d’hôtels en Europe sont indépendants », Brian Chesky a d’ailleurs indiqué que les discussions menées avec ces derniers avaient abouti à un constat : « Ils ont notamment déclaré qu’ils recherchaient vraiment des voyageurs supplémentaires, et souhaitaient un autre canal de réservation. Ils aimeraient attirer de jeunes voyageurs américains à revenus élevés. Nous sommes probablement la plus grande marque de voyage aux Etats-Unis, donc nous sommes vraiment très attractifs. »

Discussions avec les grandes chaînes hôtelières

En réalité, cette offensive dans l’hôtellerie ne devrait pas concerner uniquement les indépendants. Selon nos informations, des discussions commerciales ont lieu depuis plusieurs mois avec de grandes chaînes hôtelières, pour embarquer leurs établissements sur Airbnb. Sans résultat concret pour le moment. « Les négociations portent évidemment sur le taux de commission. Mais Airbnb est assez dur en affaires », sourit un bon connaisseur du dossier.

Il faudra, en outre, vaincre la réticence de certains hôteliers, échaudés par la communication particulièrement offensive d’Airbnb ces dernières années. « Cela fait des mois qu’ils tapent sur les hôtels dans leurs publicités, bonne chance pour les convaincre », grince le dirigeant d’un grand groupe.

Aujourd’hui, la plateforme américaine distribue déjà un petit nombre d’hôtels en France. Après des débuts laborieux d’un point de vue technologique, sa filiale HotelTonight, rachetée en 2017, a pris le relais. « Depuis, ça se passe très bien. C’est un petit canal de distribution, mais qui génère assez de revenus pour qu’on n’ait pas envie de s’en passer », indique un hôtelier présent sur la plateforme.

Concurrence frontale avec Booking

S’il arrive à ses fins, Airbnb pourrait donc réaliser une percée sur un marché que domine outrageusement Booking. « En France, sur le marché de la distribution des hôtels, un tiers des réservations se font par le biais des OTA (« online travel agencies »). Sur cette part, Booking occupe environ les deux tiers », rappelle Vincent Delaeter.

Une place de leader qu’il ne devrait pas abandonner de sitôt mais qui pourrait s’éroder à mesure que son nouveau concurrent avance ses pions. Booking fait d’ailleurs face à plusieurs fronts, puisqu’en parallèle, les efforts des grandes chaînes et réseaux hôteliers pour développer leurs ventes directes commencent à payer.

Reste que la plateforme néerlandaise est bien armée pour défendre sa position. Sa force de frappe financière lui confère un avantage certain. Pour le seul deuxième trimestre, elle a dépensé plus de 2 milliards de dollars en marketing – essentiellement auprès des moteurs de recherche dont Google -, soit une hausse de 10 % sur un an. Elle dispose également d’un outil technologique particulièrement efficace, alors que « de ce point de vue, Airbnb n’est pas encore au niveau pour incorporer un très gros volume d’hôtels », estime un acteur du secteur.

Intérêts convergents

Selon certains observateurs, Booking pourrait également utiliser son algorithme pour « sanctionner » les hôtels qui choisiraient d’être présents sur Airbnb, en les faisant reculer dans les résultats de recherche. « C’est quelque chose qu’on n’a jamais fait et qu’on ne fera jamais. Premièrement, c’est illégal, et deuxièmement ce n’est pas notre manière de faire. Notre souhait est toujours de satisfaire nos partenaires et nos clients », tranche Vanessa Heydorff, directrice générale France de Booking.com.

Tout est donc réuni pour que les cartes du marché de la distribution soient rebattues. « Et c’est une très bonne nouvelle pour les hôteliers », souligne Vincent Delaeter. Ces derniers pourraient en effet voir – enfin – leurs intérêts converger avec leur ennemi juré.

Par Yann Duvert – A retrouver en cliquant sur Source

Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/les-hotels-seraient-un-excellent-complement-pour-nous-comment-airbnb-defie-booking-2184960