Chronique Pouvoir, savoir et devoir d’achat structurent les modes alimentaires des consommateurs.

Trois motivations de fond structurent aujourd’hui les modes alimentaires des consommateurs : le pouvoir, le savoir et le devoir d’achat. Parfois dissociés, parfois imbriqués, ces trois éléments sont en tout cas lourds de conséquence sur l’ensemble des filières.

Les qualités nutritionnelles au second plan

Objectivable, le « pouvoir d’achat » dans  l’alimentation opère comme variable d’ajustement au profit d’autres secteurs de consommation. On économisera en achetant moins et/ou moins cher. Et on le fera soit en urgence budgétaire soit en arbitrages obligés et/ou choisis. Les qualités nutritionnelles passeront, dans ce cas, au second plan.

Ici, les promotions sont nécessaires – sous condition de justesse et de concertation des acteurs de l’offre – pour élever l’indice qualité des produits promus. Les supprimer ou les réduire d’une façon drastique interroge l’accès de tous à des produits de marque dont la qualité perçue est plus qu’essentielle, car manger n’est pas seulement ingurgiter des aliments par besoin, c’est aussi manger du rêve, du symbolique, du statutaire.

« Ce qu’il faut » ou « ne faut pas » manger

Le « savoir d’achat » implique la connaissance de « ce qu’il faut » ou « ne faut pas » manger. Il est fragilisé par l’antagonisme qui réfère à des normes et des dogmes évoluant au gré de la recherche scientifique, des discours institutionnels et de l’importance de leur médiatisation. Le savoir d’achat devrait aussi comporter une connaissance interne, quasi intuitive et ressentie des métabolismes de son propre corps, de ce qui est bon ou pas pour soi en fonction de son vécu expérientiel. Il porte aussi sur des capacités de décryptage de l’offre et un savoir sur les influences subies, acceptées ou non.

Manger peu le soir convient moins à certains métabolismes que se coucher repus. De même, manger gras peut conduire à des prouesses sportives, contrairement aux idées reçues. Cette capacité réflexive questionne la fracture socioalimentaire. Pour les uns, les choix sont plus sophistiqués et ajustés afin d’augmenter leur mieux-être, longévité, qualité de vie et autres promesses adossées au lien reconnu entre alimentation et santé. Pour les autres, il s’agit de se tourner vers des produits moins chers et moins qualitatifs.

Guider ses choix alimentaires

Enfin, au pouvoir et au savoir d’achat s’ajoute le « devoir d’achat ».  Entre injonctions nutritionnelles et environnementales, les règles et normes sont cautionnées qui par le corps médical, qui par les politiques de santé publique, qui par les conseils de pairs avisés. Ce devoir d’achat a une fonction de guidage des choix alimentaires. Il fait aussi  rempart aux peurs induites par la récurrence des crises sanitaires.

Les antidotes à ces peurs  sont nombreux. Ils passent par la valorisation du « local » pour le mieux-être des producteurs et la mise en proximité qualitative des aliments. Ce qui contribue à  dédramatiser les inconnues des modes de fabrication. Ils reposent aussi sur la valorisation des actions environnementales et la gestion optimisée des intrants pour une alimentation plus « naturelle ». Et, de son côté, la recherche scientifique sous-tend les allégations nutritionnelles.

Valoriser la simplicité́ rend les savoirs plus accessibles, incite au « faire soi-même » et propage le plaisir de la maîtrise de la fabrication. Une meilleure connaissance de soi tend vers une personnalisation plus rassurante de l’alimentation. La valorisation du plaisir, dont on connait les effets positifs au plan psychophysiologique, redonne aux peurs leur fonction heuristique de protection de soi et de gestion positive du risque, qui comme chacun sait, n’est pas forcément le danger.