L’essor discret mais constant des bouteilles en papier

Cinq fois plus légère et six fois moins prodigue en CO2 que son homologue en verre, la bouteille en papier attire de plus en plus viticulteurs, distributeurs et géants des boissons.

La réduction de l’empreinte carbone est le nouveau mantra des industriels qui consentent, un peu tard sans doute, des efforts parfois substantiels pour apporter leur écot à la lutte contre le réchauffement. La « verdisation » des emballages figure en bonne place dans l’ordre des priorités. Les grands industriels du secteur des boissons (Coca-Cola, PepsiCo, Danone, Nestlé…) multiplient les initiatives en misant sur le PET recyclé. Mais une autre voie commence à émerger: la bouteille en papier.

Des géants comme Carlsberg ou Coca-Cola se sont lancés dans l’aventure. Le brasseur danois, qui cherche à réduire son empreinte carbone de 30% d’ici 2030, a été le premier sur la balle en produisant dès 2018 une bouteille de bière « en papier » fabriquée à partir de fibre de bois issue de sources durables et entièrement recyclable. C’est la concrétisation d’un projet lancé en 2015 en partenariat avec Paboco (The Paper Bottle Company), un consortium danois associé à BillerudKorsnäs, un producteur suédois d’emballages en carton, et au fabricant autrichien de bouteilles Alpla.

Pas uniquement pour les boissons

Le consortium danois Paboco a aussi attiré l’attention de Procter & Gamble. Le géant américain de l’hygiène (Ariel, Dash, Mr. Propre…), qui cherche à réduire son utilisation de plastiques vierges de 50% d’ici 2030, a lancé en juin, en association avec la société danoise, une bouteille en papier pour ses savons de lessive Lenor. C’est en fait toute la division Entretien des Tissus et de la Maison (Fabric & Home Care) de Procter & Gamble qui cherche à réduire l’utilisation de plastique dans le but de créer – et d’utiliser – une bouteille entièrement biosourcée. Un projet pilote est également annoncé pour l’Europe de l’Ouest en 2022.

Prudence

Plus récemment et plus près de chez nous, Coca-Cola a développé son propre prototype de bouteille en papier. Fruit d’un partenariat entre les scientifiques du centre R&D de Coca-Cola à Anderlecht et Paboco, celui-ci a été testé en Hongrie. Un échantillon de 2.000 bouteilles d’AdeZ, une boisson à base de plantes, a été proposé durant l’été.

« 85% des consommateurs affirment qu’ils préféreraient consommer leur boisson dans une bouteille en papier. »

Laura Brems
Porte-parole de Coca-Cola en Belgique

 

« Les premiers retours sont très positifs. Nonante pour-cent des consommateurs ont apprécié le prototype, et 85% affirment qu’ils préféreraient consommer leur boisson dans une bouteille en papier », précise Laura Brems, porte-parole de Coca-Cola en Belgique. L’étape suivante consistera à reproduire l’expérience à plus grande échelle. À ce stade, ni le lieu ni le moment n’ont encore été déterminés.

Les contraintes de rentabilité économique poussent cependant les multinationales à la plus grande prudence. Ce n’est pas le cas des petits acteurs, qui avancent à marche forcée et commercialisent déjà des bouteilles en carton. L’exemple le plus emblématique est sans doute celui de Frugalpac, une société anglaise spécialisée dans les emballages durables, dont la bouteille en papier « Frugal Bottle » a déjà convaincu plusieurs viticulteurs, mais aussi le géant des spiritueux Diageo (Johnnie Walker) et des distributeurs comme… Delhaize.

83
grammes
L’atout majeur de la bouteille en papier, c’est le poids (83 g), qui la rend cinq fois plus légère qu’une bouteille en verre.

 

Fruit de cinq ans de recherches, la bouteille produite par la société basée à Ipswich (nord-est de Londres) est constituée d’un revêtement en papier recyclé à 94% et d’une doublure alimentaire de 15 grammes de plastique recyclé, facilement séparable de l’enveloppe en carton. Son atout majeur: le poids (83 g), qui la rend cinq fois plus légère qu’une bouteille en verre de même contenance, pour un prix comparable. Son empreinte hydrique est en outre quatre fois inférieure à celle d’un flacon en verre, et son empreinte carbone est six fois plus réduite.

Une « frugal bottle » chez Delhaize

90
millions
Les marques d’intérêt pour la « frugal bottle » se sont multipliées, portant la demande à 90 millions de bouteilles.

 

C’est un viticulteur italien de l’Ombrie, Cantina Goccia, qui a été le premier à mettre la bouteille en papier sur le marché. Depuis lors, les marques d’intérêt se sont multipliées, portant la demande à 90 millions de bouteilles. Frugalpac fournit ainsi des bouteilles de saké au Japon et d’huile d’olive en Grèce. Des viticulteurs américains, anglais et espagnols figurent aussi parmi ses clients.

Le distributeur Delhaize s’est lui aussi laissé convaincre. Depuis le 1er juillet, il propose dans ses rayons un vin rouge bio espagnol, Planet B (70 % de cépage Tempranillo et 30 % de Monastrell), conditionné en « frugal bottle ». Les retours des clients sont jugés positifs, mais les ventes restent marginales. « Nous n’en sommes pas encore à vendre des dizaines de milliers de bouteilles », dit Roel Dekelver, porte-parole de l’enseigne au lion.

Le véritable succès se mesurera, selon lui, à l’extension de l’offre de bouteilles en papier à d’autres fournisseurs. Delhaize, qui met lui-même en bouteille près de la moitié des volumes vendus en magasins, n’envisage pas dans l’immédiat de sauter le pas. « Nous disposerons d’un nouveau chai au printemps 2022, mais pour le moment, l’utilisation de bouteilles en papier n’est pas prévue. Il faut procéder par étapes », précise le porte-parole. « Nous testons d’abord la réaction des clients, mais si les ventes devaient progresser, nous n’excluons aucune option. »

Le résumé

  • Cinq fois plus légère et six fois moins prodigue en CO2 que son homologue en verre, la bouteille en papier attire de plus en plus.
  • Des géants comme Carlsberg, Coca-Cola ou Procter & Gamble se sont lancés dans l’aventure en lançant de premiers échantillons.
  • La société anglaise Frugalpac commercialise déjà des bouteilles en carton et a déjà convaincu des viticulteurs, des producteurs de spiritueux tels Diageo (Johnnie Walker) et des distributeurs comme Delhaize.
  • Article de Luc Van Driessche – A retrouver en cliquant sur Source

Source : L’essor discret mais constant des bouteilles en papier | L’Echo