Mandarin Oriental s’offre le légendaire palace parisien Lutetia et redouble d’ambitions
Détenu majoritairement par le conglomérat hongkongais Jardine Matheson, le groupe sera le seul à détenir deux palaces des deux côtés de la Seine. Mandarin Oriental
INFO LE FIGARO – Engagé dans une stratégie d’expansion internationale, le groupe asiatique d’hôtellerie de luxe veut doubler son réseau en dix ans.
« L’attractivité parisienne est phénoménale, s’enflamme le directeur général du groupe d’hôtels de luxe Mandarin Oriental, Laurent Kleitman, en poste depuis un an. Quand on observe la séquence des derniers mois, avec les Jeux olympiques et maintenant la réouverture de Notre-Dame, Paris dégage de la magie pour le monde entier. » Loin du climat pesant des derniers mois en France, l’enthousiasme du dirigeant est à l’image de son ambition. Après l’ouverture, en 2011, du Mandarin Oriental, situé rue Saint-Honoré, le groupe asiatique vient de réussir un joli coup. Il met la main sur l’hôtel Lutetia, l’un des plus iconiques palaces parisiens, et l’unique situé rive gauche.
La chaîne asiatique, basée à Hongkong, a conclu un contrat avec le groupe israélien d’immobilier de luxe Alrov, propriétaire des murs depuis 2010, pour exploiter cet établissement centenaire au style Art nouveau et Art déco, situé boulevard Raspail, tout près du Bon Marché. L’opération doit encore être soumise à la consultation du comité d’entreprise, avant une remise des clés au 1er janvier. L’hôtel de luxe sera rebaptisé Mandarin Oriental Lutetia. « C’est une preuve de confiance, assure le directeur général. On éprouve une grande fierté, mais aussi une grande humilité. »
Paris, l’un des marchés du luxe les plus sophistiqués
Détenu majoritairement par le conglomérat hongkongais Jardine Matheson, le groupe sera le seul à détenir deux palaces des deux côtés de la Seine. De quoi raviver la concurrence que se livrent les douze palaces parisiens. Depuis les années 2010, l’arrivée des chaînes asiatiques Mandarin Oriental, Raffles, Shangri-La et Peninsula a rebattu les cartes, poussant les palaces historiques (Ritz, Plaza Athénée, Crillon, Lutetia…) à moderniser leur offre et rénover leurs établissements.
À l’instar de Londres, Tokyo et New York, « Paris fait partie de ces quelques villes dans le monde où les gens ne se lassent jamais de venir et revenir. C’est l’un des marchés les plus sophistiqués qui mélange tous les éléments de l’ultraluxe, estime Laurent Kleitman, ex-PDG de Christian Dior Parfums. On sait que l’année 2025 va être très positive à Paris. »
Avec le Lutetia, Mandarin Oriental vise une clientèle « plus esthète », attachée à la découverte de l’art de vivre à la française dans l’authentique quartier Saint-Germain-des-Prés
Après avoir connu une période difficile durant la crise du coronavirus, le secteur a retrouvé des couleurs. Aujourd’hui, la capitale et ses hôtels de luxe bénéficient d’une forte affluence de visiteurs venus des États-Unis et des pays du Moyen-Orient. Au Mandarin Oriental Rive droite, les clients américains représentaient 37 % du chiffre d’affaires des chambres à fin octobre. Mais le dirigeant en est convaincu : « Les clients chinois vont revenir dans les cinq prochaines années. »
Un symbole de l’histoire et de la culture
Avec cette transaction, le groupe se donne les moyens de proposer une offre diversifiée. « À chaque fois, on a un positionnement différent », précise le dirigeant. La chaîne gère déjà deux établissements de luxe à Hongkong, Londres, Pékin et bientôt Dubaï. Situé non loin d’autres palaces réputés, son hôtel de luxe rive droite attire essentiellement une clientèle intéressée par le shopping de luxe dans les nombreuses boutiques de marques rue Saint-Honoré. Avec le Lutetia, Mandarin Oriental vise une clientèle « plus esthète », attachée à la découverte de l’art de vivre à la française dans l’authentique quartier Saint-Germain-des-Prés. Un lieu emblématique du Paris littéraire avec ses mythiques cafés tel le Café de Flore, et réputé pour sa scène jazz depuis des décennies.
L’hôtel Lutetia. (Paris 6e) Le Figaro
Ouvert en 1910 par la famille Boucicaut (les créateurs du Bon Marché), l’hôtel Lutetia représente un symbole de l’histoire et de la culture françaises avec ses heures de gloire et celles, plus sombres. Lorsque, durant la Seconde Guerre mondiale, le lieu a été réquisitionné par l’occupant nazi, avant de devenir un lieu d’accueil pour les déportés de retour des camps de concentration. Au fil des ans, l’établissement a accueilli d’illustres artistes tels Picasso, Matisse, James Joyce, Serge Gainsbourg ou encore David Lynch.
Entièrement rénové en 2018, le palace de 184 chambres, dont 47 suites, est aujourd’hui flambant neuf. Pas question d’y mener des travaux d’envergure pour le mettre à l’image du groupe. Au contraire, « on va y aller par petites touches. On amènera progressivement notre patte Mandarin Oriental, axée sur le service exceptionnel, explique Laurent Kleitman. On va le mettre en lumière avec beaucoup de respect du lieu et de son histoire. »
Doubler le réseau d’ici les dix prochaines années
Cette opération s’inscrit dans une stratégie d’expansion internationale ambitieuse, avec l’objectif de doubler le réseau (41 hôtels à ce jour) d’ici les dix prochaines années. D’ailleurs, parallèlement au Lutetia, l’hôtelier a conclu un second contrat avec le groupe israélien Alrov pour la reprise en gestion du Conservatorium Hotel, situé à Amsterdam. Cette transaction vise à se renforcer dans les grandes capitales européennes. « Notre stratégie est d’élever la marque, de la rendre plus désirable dans des destinations mondiales prisées », insiste le directeur général.
Le groupe, dont le chiffre d’affaires à fin juin a progressé de 5 % sur un an, reste adepte du modèle « asset light », privilégiant les mandats de gestion et excluant l’achat des murs d’établissements. Une façon de se développer rapidement sans mobiliser de capital. Outre renforcer la présence de ses complexes hôteliers en Asie, en Europe et au Moyen-Orient, Mandarin Oriental mise également sur son essor aux États-Unis et au Mexique.
Par Manon Malhère – A retrouver en cliquant sur Source