Nestlé réfléchit à l’avenir de ses marques Perrier et Vittel

Pour relancer sa croissance, le géant de Vevey envisage des partenariats sur sa division Eaux (Perrier, Vittel…), comme il l’a fait déjà sur les glaces ou les pizzas. Il va aussi relancer les investissements dans ses marques, et doper de 2,6 milliards d’euros ses économies de coûts d’ici 2027.

Dans un marché agroalimentaire bousculé, Nestlé tente de trouver un nouvel élan. Et pour ce faire, Laurent Freixe, le troisième Français à diriger le mastodonte suisse, numéro un mondial de l’alimentaire, prend les grands moyens. Arrivé le 1er septembre aux manettes du propriétaire de KitKat, Purina, Nespresso, Nescafé, Maggi, Nesquik, Perrier ou Vittel, le nouvel homme fort dévoile ce mardi dans le fief du groupe à Vevey, ses recettes pour tenter de relancer un groupe ayant accumulé les remous ces derniers mois. Jusqu’à mener à l’éviction à la fin de l’été de son administrateur délégué depuis 8 ans, Mark Schneider.

Après avoir déjà revu et allégé son organisation il y a un mois, le dirigeant pousse le curseur un peu plus loin en séparant les activités «eaux et boissons haut de gamme» (Nestlé Waters) en une entité à part. Secouées par des scandales autour des conditions d’embouteillage de ses eaux minérales naturelles, celles-ci (Perrier, Vittel, San Pellegrino, Maison Perrier…) seront ainsi détachées des zones géographiques «pour devenir une entité commerciale mondiale distincte à partir du 1er janvier prochain». Celle-ci sera confiée à Muriel Lienau, actuelle patronne de la filiale française de Nestlé et des activités eaux du groupe en Europe.

Plusieurs coentreprises

«La nouvelle direction évaluera sa stratégie pour cette activité. Il s’agira notamment d’explorer les possibilités de partenariat pour permettre aux marques et aux piliers de croissance emblématiques de Nestlé d’atteindre leur plein potentiel». En clair: le groupe n’exclut pas de se désengager d’un métier perturbé par les polémiques autour du plastique, et par la qualité sanitaire des sources qu’il exploite. Nestlé n’est pas novice sur ce sujet, pour avoir déjà créé une coentreprise sur les glaces (Froneri) avec R&R en 2016. Plus récemment, il a adopté la même stratégie sur ses pizzas surgelées en Europe, bousculées par le scandale Buitoni, en créant une coentreprise avec le fonds français PAI Partners.

Pour tenter de renouer avec une croissance plus dynamique, Laurent Freixe compte aussi intensifier le soutien dans ses marques, un des points faibles reproché à son prédécesseur.  Les investissements dans la publicité et le marketing seront ainsi portés de 8 à 9% du chiffre d’affaires Nestlé (100 milliards d’euros). Pour financer cet effort, le groupe va doper de 2,5 milliards de francs suisses (2,6 milliards d’euros) ses économies de coûts, d’ici fin 2027. Le but: renouer avec une croissance organique de 4% «à moyen terme», et stabiliser sa marge opérationnelle courante récurrente à 17%, «voire plus».

Jusqu’en 2022, le groupe figurait parmi les champions de la croissance et de la rentabilité, sur un marché de la grande consommation en plein bouleversement. Mais depuis un an, la progression du chiffre d’affaires s’est nettement tassée, dans un contexte où la consommation est en berne en Europe et où l’inflation s’est grandement assagie (ce qui pénalise les entreprises qui ne relèvent plus leurs prix). Ces derniers mois, le groupe a revu à la baisse à deux reprises ses prévisions, désormais attendues à 2% pour 2024, contre 4% en début d’année. Tout comme ses objectifs de rentabilité : sa marge opérationnelle courante récurrente (17,1% en 2023), annoncée en hausse pour l’exercice 2024, devrait finalement stagner à 17%.

Baisse de 40% de la capitalisation boursière

Pour expliquer ce coup de frein, les observateurs pointaient un manque d’investissement du groupe dans ses marques, en faveur d’une focalisation sur les marges. Mais aussi des résultats assez décevants dans la branche de nutrition spécialisée (Nestlé Health Science). Relais de croissance majeur identifié par Mark Schneider, cette activité affichait en 2023 la plus faible marge de toutes les divisions de Nestlé (12%). Elle a été pénalisée par des problèmes d’approvisionnements, ainsi que des acquisitions plus ou moins réussies (vitamines…). Ces contre-performances cumulées ont inquiété les investisseurs, pesant sur la performance boursière. Depuis janvier 2022, le groupe a vu sa capitalisation fondre de 40%.

Et pour cause. En parallèle de performances opérationnelles en berne, la confiance des consommateurs envers le géant aux 2000 marques a été bousculée par des sujets sanitaires. Certes, Nestlé affiche le taux d’incidents sanitaires parmi les plus bas de son histoire. Mais des scandales récents ont entaché son image. En premier lieu celui des pizzas Buitoni contaminées à la salmonelle en 2022, ayant entraîné des dizaines de contaminations, ainsi que le décès de deux enfants. La filiale française du groupe a été mise en examen à ce sujet.

Cette année, Nestlé a dû aussi affronter, aux côtés d’autres embouteilleurs, des remises en cause concernant les conditions d’embouteillage de ses eaux minérales naturelles (Perrier, Vittel…). De quoi mener à la réflexion actuelle sur le devenir de cette activité au sein du groupe.

Enfin, le groupe a fait l’objet d’attaques sur le profil nutritionnel de son portefeuille de produits. Certes depuis son arrivée en 2017, le précédent capitaine de Nestlé avait déjà impulsé un vaste chantier sur le sujet, en renouvelant l’équivalent de 20 % du chiffre d’affaires. Mais certaines voix appellent à pousser plus loin le travail, en questionnant le devenir des glaces, des pizzas surgelées ou plats préparés au sein de Nestlé.

Source : Nestlé réfléchit à l’avenir de ses marques Perrier et Vittel