
Nicolas Nouchi: « Nous ne pourrons pas échapper à la concentration du marché »
Pour le responsable des études chez CHD Expert, le phénomène de concentration est inéluctable.
Quelle photographie faites-vous de l’année 2022 et des tout premiers mois de cette nouvelle année ?
Le marché se concentre de plus en plus, c’est une évidence. Les chaînes de restauration représentent près de 70% du volume d’activité, alors qu’elles ne rassemblent que 25% des établissements. De son côté, la restauration à table chaînée comptabilise 15% du chiffre d’affaires du secteur avec 9% d’unités. Les indépendants aussi vont devenir de plus en plus gros et posséder plusieurs restaurants. Il faut noter que les sociétés d’investissement s’intéressent fortement au marché de la restauration. En parallèle, la mondialisation, avec notamment l’arrivée de nouvelles chaînes étrangères, encourage ce phénomène inéluctable de concentration.
L’inflation joue-t-elle un rôle dans ce processus de concentration ?
Elle accélère de fait le processus dans la mesure où les chaînes affichent une capacité d’achats conséquente et donc plus avantageuse pour l’ensemble des partenaires d’un même réseau. Les chaînes sont donc tentées de grandir vite, y compris les plus petites en multipliant le nombre d’ouvertures en franchise. Pour autant, elles ne peuvent plus le faire comme avant le Covid dans une course en avant où bien souvent le franchisé était délaissé au profit d’une injonction de rentabilité immédiate. Les relations franchiseurs et franchisés se sont améliorées et il faut le souligner. La nouvelle génération de franchiseurs a bien compris que la relation devait se construire dans la bienveillance et dans un esprit gagnant-gagnant.
Qu’en est-il du client dans ce contexte ?
Lui aussi a besoin de bienveillance et d’attention. Et surtout il a développé une certaine aversion vis-à-vis des chaînes trop « processées », standardisées. Il est devenu anticapitaliste dans la mesure où son restaurant, et j’entends par là son décor aussi, doit lui ressembler. Les chaines de demain seront celles qui ont compris cela en adaptant des recettes aux spécialités locales et au décor typique. Car dans le fond le client est plutôt friand de l‘offre proposée par la plupart des chaines entrainées dans un mouvement de montée en gamme poussé par le fast casual. Dans ce sens, les difficultés actuelles de la Croissanterie prouvent la profonde remise en question par les consommateurs de la standardisation. La mode connaît le même type de phénomène. Le consommateur, s’il a été rassuré un temps, a fini par se lasser de voir les mêmes offres partout, y compris quand il voyage.
Le tableau dressé semble écarter certains concepts « passés de mode » ?
Le client est devenu très exigeant. Il veut de la qualité, des concepts qui racontent des histoires fortes, et des recettes inspirées de toutes les cuisines du monde. Les chaînes spécialisées sur une monothématique autour du sushi, du poké ou du burger ont toute légitimité dans ce paysage. A condition qu’elles répondent à tous les critères précédents : une cuisine de qualité, un décor typique et local, sans oublier un personnel très à l’écoute, qu’il s’agisse de repas pris sur place ou à emporter ou livrés. Il faut encore ajouter une offre adaptée à tous les moments de la journée avec le développement de petites portions.
Et qu’en est-il des grandes chaînes emblématiques ?
Elles suivent le mouvement même s’il a été initié par les challengers. Mc Do, Burger King, Quick sont toutes en train de reformuler leur modèle. Elles ont les capacités de s’adapter même si leur taille, en raison des nombreux niveaux de décisions, ne leur permet pas d’aller aussi vite que les challengers.
La livraison à domicile va-t-elle encore gagner des parts de marché ?
Globalement, la proportion devrait se stabiliser. Il est évident que selon les concepts cette proportion varie, mais un élément est certain, les trois leviers, restauration sur place, à emporter ou livrée doivent être activés avec la même dynamique. Chaque enseigne, chaque restaurant a tout intérêt à trouver le bon équilibre. Il en va de sa capacité à fidéliser sa clientèle et à garantir ainsi sa pérennité.
Par AGNÈS DELCOURT – A retrouver en cliquant sur Source
Source : Nicolas Nouchi: « Nous ne pourrons pas échapper à la concentration du marché »