Patrick Soula fait swinguer les Tommy’s Diner
L’ancien rugbyman du Stade toulousain a créé une chaîne de restaurants américains des années 1950. Il chine la décoration aux Etats-Unis.
Si Patrick Soula, cinquante-quatre ans, a pensé à sa reconversion très tôt, ce n’est pas par manque de succès. L’ancien talonneur du Stade Toulousain des années 1990 a remporté six championnats de France et une Coupe d’Europe en quinze ans de carrière ! Mais avant la professionnalisation du rugby en 1995, tous les joueurs avaient un emploi. Avec un simple bac électrotechnique, il entre d’abord à EDF, mais s’ennuie au bureau. Cette boule de muscles préfère ouvrir en 1993, à Toulouse, un bar-restaurant américain de style années 1950, le Tommy’s Café, du nom de son fils, qui travaille avec lui aujourd’hui. Il s’inspire des cafés des sports américains en retransmettant les matchs sur des grands écrans, une nouveauté à l’époque. Les clients affluent. « J’ai surfé sur le succès du Stade Toulousain, se rappelle-t-il. Le Tommy’s est devenu le QG des supporteurs et la cantine des joueurs. »
Pendant six ans, il jongle entre le bar et le rugby, jusqu’à la fin de sa carrière, en 1999, à presque trente-six ans. Il part alors aux Etats-Unis pendant trois mois pour visiter les « diners » de la côte Est. Il y travaille, prend des notes et des photos. « Je suis rentré en France avec plein d’idées et je ne voulais plus être installé au centre-ville pour avoir un parking », raconte-t-il. Il dessine un grand restaurant de 180 places aux façades métalliques et à la décoration typique : néons bleus et roses au plafond, banquettes bleu clair style « Chevy » fabriquées par un sellier américain, photos d’Elvis et de Mohammed Ali aux murs, juke-box et pompe à essence des fifties, burgers maison et plats tex mex au menu. Il l’ouvre en mai 2002 devant le multiplexe Gaumont, à Labège, en périphérie toulousaine, et vend le bar du centre-ville. Devant le succès, il l’agrandit à 250 places.
Marchés aux puces
La réussite est telle qu’il décide, six ans plus tard, de monter une chaîne en ouvrant un Tommy’s Diner par an, près d’Avignon en 2008, un an plus tard à Montauban, puis à Montpellier, Angers, et près de Versailles en 2013. Avec, entre-temps, un franchisé à Saint-Denis de La Réunion. A chaque fois, il recrée l’ambiance américaine des années 1950 en dénichant lui-même le mobilier aux Etats-Unis. « J’achète les accessoires sur les marchés aux puces américains et dans les ventes aux enchères. Les pompes à essence ont été restaurées par un artisan du Minnesota. »
Souhaitant grandir plus vite, il lève 4,6 millions d’euros en juillet 2013 auprès de bpifrance, Midi Capital et Multicroissance). Les ouvertures s’enchaînent. Cinq restaurants en un an et demi, et un autre franchisé. Seul celui de Marseille a fermé fin 2015 et le groupe compte aujourd’hui douze restaurants, dont deux franchisés. Il a réalisé un chiffre d’affaires de 19,5 millions d’euros en 2016 et emploie plus de 300 salariés. Patrick Soula préfère aujourd’hui consolider l’existant. « Nous déciderons à la fin de l’année si nous créons une autre franchise », confie-t-il. Comme autrefois à l’entraînement, l’ancien rugbyman veut aller « au fond des choses ». « Il a fallu que je travaille beaucoup dans le rugby, car il y avait des joueurs plus rapides, confie-t-il. Le sport m’a aidé à oser et m’a apporté le souci du détail. » Il essaie d’insuffler ce perfectionnisme au personnel.
Elvis, James Dean
« Un match se joue jusqu’à la 80e minute. Quand le “diner” de Labège fait 800 couverts le samedi soir, je dis aux employés de ne pas se relâcher en fin de service, car un seul client mécontent peut en parler sur les réseaux sociaux ! » Il s’est entouré de directeurs, mais prépare lui-même la carte des plats. Mais d’où lui vient cette passion pour les Etats-Unis des années 1950 et 1960 ? L’ancien talonneur évoque une période sans chômage, le rock qui allait révolutionner la musique ou la lutte contre la ségrégation raciale, Elvis, James Dean et les grosses voitures… Lui-même n’a pas de belle américaine. Mieux, il roule en Harley Davidson Fat Boy.