Plastiques à usage unique : pourquoi les interdire n’est pas si simple

L’échéance lointaine d’une interdiction du plastique à usage unique en 2040, votée par l’Assemblée nationale, a été très critiquée. Mais dans un monde où les emballages plastiques sont omniprésents, leur remplacement n’est pas si évident. Explications en 5 questions.

L’interdiction du plastique à usage unique d’ici 2040 a reçu mardi l’ultime feu vert de l’Assemblée nationale. Mais le choix d’une échéance si lointaine a suscité une avalanche de réactions atterrées sur les réseaux sociaux. D’autant qu’en début de semaine, la Chine s’est fixée comme objectif, de réduire de 30 % l’utilisation du plastique en seulement 5 ans et de bannir nombre de plastiques à usage unique des grandes villes, en seulement un an.

Il y a urgence sur le plan environnemental. Des millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, dont environ un tiers se retrouve dans la nature, d’après les données de WWF. Au rythme de pollution actuel, il y aura plus de plastiques que de poissons dans les océans d’ici 2050, selon une étude du Forum économique mondial et de la fondation Ellen McArthur. Et pourtant, la question de la fin du plastique à usage unique n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Explications.

Qu’est-ce qu’un plastique à usage unique ?

Mais de quoi parle-t-on exactement, lorsque l’on parle de plastiques à usage unique ? Cela ne concerne pas que les touillettes à café, les cotons-tiges et les couverts jetables, qui seront de toute façon bannis à compter de 2021, conformément à une directive européenne.

« Un plastique à usage unique, c’est un emballage conçu pour être utilisé une fois, puis jeté », explique Laurence Maillart-Méhaignerie, députée et chef de file du groupe LREM, qui a présenté l’amendement. Bouteilles de soda, flacons de shampoing, sachets de gâteaux, bidons de lessive, pots de yaourts, barquettes de viande, tubes de dentifrice, emballages de sandwich… Le plastique est partout dans les produits du quotidien.

« La date de 2040 peut sembler lointaine, mais cette mesure sous-entend un changement très profond des habitudes des Français et un changement radical de production industrielle », justifie la députée d’Ille-et-Vilaine. « Clairement, on ne peut pas l’envisager en un claquement de doigts. Il faut trouver des solutions de remplacement à chaque fois », conclut-elle.

Quels sont les avantages du plastique ?

De fait, vu l’usage que l’on fait actuellement du plastique, certains spécialistes s’interrogent sur la mise en place d’une interdiction aussi large. « On n’utilise pas le plastique seulement parce qu’il n’est pas cher, mais pour ses caractéristiques : étanchéité, résistance, légèreté, flexibilité, facile à stériliser… », souligne Kako Naït Ali, ingénieure matériaux dans le génie civil et docteure en chimie des matériaux.

Dans le cas des bouteilles en plastique, un remplacement par des bouteilles en verre ne paraît pas poser problème. Idem pour les produits secs, qui peuvent être emballés dans du carton ou proposés en vrac. Mais dans d’autres cas, le plastique s’avère difficilement substituable, juge l’ingénieure.

Elle cite notamment l’eau de Javel, « produit dangereux qui ne doit pas être exposé à la lumière » ou les emballages de produits frais. « J’attends de voir comment on va fonctionner sans le film plastique sur la viande. On peut aller chez le boucher, mais la viande ne dure pas longtemps comme ça », note-t-elle.

Par quoi peut-on remplacer le plastique ?

La chimiste craint qu’en interdisant le plastique, le gouvernement ne fasse que réagir à la « grande émotion » suscitée par cet emballage et ne se « trompe de combat ». « Je m’attendais plutôt à une réorganisation de la gestion des déchets, que l’on améliore le tri pour éviter le jetable », dit-elle. « Dans le jetable, on a autour de 20 % de plastique. Donc si on interdit le plastique, il risque d’être remplacé par d’autres jetables ».

Or le verre, l’aluminium ou le carton ne sont pas neutres en termes d’impact environnemental. « De plus, on accroît les gaz à effet de serre parce qu’on augmente le poids des produits lors du transport », pointe-t-elle.

Elipso, l’association professionnelle qui représente les producteurs d’emballages plastiques, défend la même position. « S’il n’y a plus de bouteille plastique, il y aura davantage de canettes en alu », assure Emmanuel Guichard, délégué général d’Elipso. « Ce n’est pas parce que l’on interdit le plastique à usage unique que l’on va développer le réemploi. Il n’y a pas moins de paille depuis la fin des pailles en plastique », ajoute-t-il.

Pourquoi ne pas recycler le plastique ?

Avec son interdiction des plastiques à usage unique d’ici 2040, le projet de loi ne satisfait ainsi aucun parti. Ne s’accompagnant d’aucune étude d’impact publique ou de précisions techniques, le texte paraît « flou » et « irréaliste » aux industriels.

Le projet de loi envoie également des signaux contradictoires à l’industrie, estime Elipso. « L’objectif que l’on poursuit tous dans l’industrie et qui nous a été donné par le président Macron, c’est 100 % de plastique recyclé en 2025. Depuis deux ans et demi, on a des groupes de travail avec le ministère et énormément d’investissements ont été faits dans ce sens. Et là, on nous annonce l’interdiction du plastique ? », s’étonne Emmanuel Guichard.

De leur côté, les militants écologistes regrettent un objectif tardif et n’imposant aucune contrainte aux entreprises. « Les industriels ont besoin d’un signal politique fort pour changer. C’est pour cela qu’il faut des quotas d’emballages réutilisables et des incitations financières », défend Laura Chatel, chargée de plaidoyer à Zéro Waste.

A cette critique, la députée Laurence Maillart-Méhaignerie assure qu’une « feuille de route pour parvenir à l’objectif 2040 sera définie par le gouvernement dans un décret pris au plus tard en 2022 ».

Les consommateurs sont-ils prêts ?

La fin du plastique à usage unique est au fond un bouleversement sociétal. Les consommateurs sont-ils prêts à bouleverser leurs habitudes ? A réemployer leurs emballages plutôt que de les jeter ? Toute la question est là.

A titre de comparaison, les sacs plastiques « à usage unique » ont disparu des caisses il y a déjà quatre ans, mais, même si beaucoup de clients ont pris l’habitude d’apporter les leurs, la grande distribution continue de mettre en circulation environ un milliard de sacs réutilisables chaque année. Ces sacs en plastique épais ne sont utilisés qu’une dizaine de fois.

La fin des emballages plastique représente un chamboulement bien plus grand. En plus d’alléger nos sacs de course, « ces emballages nous permettent de passer moins de temps à la maison et à la cuisine, à fabriquer nos yaourts, notre savon, nos biscuits », souligne Kako Naït Ali. « Pour avoir du frais sans plastique, il faut faire des courses tous les jours. Et se trimballer avec des bidons pour recharger sa lessive par exemple », confirme Emmanuel Guichard. « Il faudra s’adapter à des nouveaux produits, car la disparition du plastique amènera souvent la disparition du produit, comme le dentifrice liquide ».

Le vrac semble en tout cas déjà séduire les consommateurs. La vente de produits alimentaires au poids et sans emballage est en plein essor, avec plus d’un tiers des Français qui les achète déjà, selon de récentes données de Nielsen. Il faut maintenant passer à la vitesse supérieure.

Article de Leïla Marchand Les Echos à retrouver en cliquant sur Source

Source : Plastiques à usage unique : pourquoi les interdire n’est pas si simple | Les Echos