Pourquoi la consommation des Français ne redémarre toujours pas malgré la baisse de l’inflation

DÉCRYPTAGE – Les prix n’ont progressé que de 0,8 % en février et mars. Un pouvoir d’achat en légère hausse n’incite pourtant pas les ménages à accélérer leurs dépenses.

La courbe descendante de l’inflation est impressionnante. Depuis le pic de février 2023 à 6,3 %, et malgré quelques soubresauts ponctuels, la variation des prix s’est stabilisée à 0,8 % aux mois de février, puis mars 2025, selon l’estimation provisoire publiée par l’Insee ce vendredi. Un résultat qui est la conséquence directe de la politique de hausse des taux de la BCE entre 2022 et 2024. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, affirmait en décembre dernier dans Le Figaro  que cette « maladie aiguë » était « en train d’être vaincue ». Quelques semaines plus tard, il confirmait que la victoire était « assurée en France, et en cours en Europe ». Autour de 1 % actuellement chez nous, l’inflation devrait être ramenée aux alentours de 2 % dans la zone euro cette année, a-t-il assuré.

Dans un contexte de croissance hexagonale atone, de 1,1 % du PIB en 2024, et attendue à 0,7 % en 2025 par la Banque de France, le gouvernement mise plus que jamais sur un retour de la consommation favorisé par cette moindre hausse des prix. Les Français pourtant, toujours aussi fourmis, continuent de rechigner à sortir le portefeuille. D’après l’Insee, le pays n’est pas revenu au niveau de consommation pré-Covid.

Alors qu’elle s’élevait à 48,2 milliards d’euros en février 2019, la consommation totale de biens en volume ne dépassait pas 46,1 milliards en février 2025. La faiblesse de la consommation dure depuis plus de deux ans maintenant. Et cela ne s’arrange pas. Les dépenses des ménages en biens ont diminué de 0,1 % le mois dernier, après avoir déjà baissé de 0,6 % en janvier. Ce recul est surtout porté par le repli de la consommation alimentaire.

Les prix en légère déflation

Les prix des produits dans les grandes surfaces sont même en légère déflation depuis 11 mois, avec un recul de 0,7 % sur un an observé en mars, selon le dernier pointage de l’institut Circana. Certes, il est encore difficile de connaître dans les détails l’évolution des prix dans les rayons cette année, les négociations annuelles entre distributeurs et industriels sur les tarifs des produits pour 2025 ayant été bouclées au 1er mars. Mais l’inflation devrait en moyenne être contenue. Mais alors que les prix de produits comme les pâtes, les huiles et la droguerie devraient baisser, ceux du cacao ou encore du café devraient fortement progresser en raison de la flambée des cours sur les marchés.

Les volumes en baisse s’inscrivent en conformité avec le ressenti des consommateurs. À savoir que les prix ne baissent pas

Emily Mayer, directrice business insights à l’institut Circana

Il reste qu’en dépit de cette détente sur les prix qui se confirme au fil des mois, les ventes en volume dans les grandes surfaces demeurent globalement mal orientées. En février, les achats ont à nouveau reculé de 0,7 % en moyenne. En réalité, la détente sur les prix n’efface pas entièrement le choc inflationniste, avec des prix qui restent toujours plus élevés qu’avant la crise liée à la guerre en Ukraine. Entre mars 2021 et mars 2025, les prix des produits en grande distribution sont en moyenne plus élevés de 20 %, selon les dernières estimations de Circana.

Des ménages en manque de confiance

« Les volumes en baisse s’inscrivent en conformité avec le ressenti des consommateurs. À savoir que les prix ne baissent pas. Nous sommes davantage sur une stabilisation », analysait récemment Emily Mayer, directrice business insights à l’institut. Certains ménages doivent toujours se serrer la ceinture et restent ainsi contraints aux arbitrages lorsqu’ils font leurs courses alimentaires. D’autres ont développé de nouvelles habitudes en limitant leur consommation en grande surface au profit des petits commerçants, des loisirs ou encore des enseignes à petits prix. Les incertitudes économiques pèsent également sur le comportement des ménages.

« Le redémarrage de la consommation est lié à la confiance », confirme l’économiste Philippe Crevel. Or le moral des ménages de l’Insee est ressorti en légère baisse en mars, à 92, sous la moyenne de longue période qui se situe à 100. Depuis 2021, ils n’arrivent pas à retrouver confiance. « Quand on annonce la guerre pour demain ou une crise internationale majeure, ça incite à la prudence et donc à conserver quelques liquidités… », juge celui qui est aussi président du Cercle de l’épargne. Ce qui n’empêche pas l’institut de statistiques de considérer dans sa dernière note de conjoncture que, sous l’effet d’un pouvoir d’achat en hausse, la consommation devrait emprunter le même chemin « malgré des intentions d’épargne  qui se maintiennent à haut niveau ». Même si « cela fait cinq ans que l’Insee espère une telle reprise », s’amuse Philippe Crevel.

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