
Producteurs et distributeurs jugent les débuts de la loi alimentation
Industriels et distributeurs tirent les leçons des premiers mois d’application du nouveau texte qui régit la filière alimentaire. Ils constatent des avancées mais pointent aussi des manques.
Petits et grands producteurs, distributeurs en tous genres, la famille de l’alimentation en France n’est pas toujours sur la même longueur d’onde. Après plusieurs mois de mise en place de la loi alimentation, « Les Echos » ont demandé aux différents acteurs leur sentiment sur les effets des nouvelles règles.
· Pour les agriculteurs, le combat continue
« On ne va pas changer quarante ans de mauvaises pratiques en un an. Notre combat continue. Notre objectif reste le même : arrêter la guerre des prix pour qu’enfin le travail des agriculteurs soit justement rémunéré », martèle Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA. La loi Egalim avait parmi ses priorités de renverser la construction des prix au profit des producteurs et de leur faire remonter une partie des marges.
· Encore au stade expérimental pour l’industrie agroalimentaire
« La loi Egalim est en cours d’expérimentation, juge Catherine Chapalain, la directrice générale de l’Association nationale des industries agroalimentaires. Son application n’est pas toujours satisfaisante et doit s’améliorer. Mais en aucun cas il ne faut la détricoter. C’est une bonne loi. Il faut continuer de l’appliquer. Elle est là pour mettre un terme à la guerre des prix et redonner de la valeur à l’alimentation. Tous les acteurs concernés, de la production à la distribution sont d’accord sur ce point ».
Parmi les points à corriger, l’organisation pointe « les contournements de l’encadrement des promotions ». En revanche, au global et contrairement aux prévisions que certains avaient pu faire, il n’y a pas eu de flambée des prix alimentaires. « Les hausses de prix sont très contenues », fait valoir Catherine Chapalain. Mais, rappelle l’Ania, exception faite des produits laitiers, les négociations des tarifs avec la distribution se sont conclues sur des baisses.
· Globalement positif pour les distributeurs
« Le bilan est globalement positif, affirme Jacques Creyssel, le délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution. La déflation est terminée et, pour autant, comme le montre Nielsen, le consommateur n’a pas été pénalisé par une hausse des prix puisque l’inflation est quasi nulle », abonde-t-il. « Les promotions ont été limitées, sans report de l’alimentaire vers le non-alimentaire et notamment l’hygiène-beauté alors que certains le craignaient », ajoute le représentant des enseignes. « La DGCCRF (Direction de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, NLDR) a estimé que les négociations commerciales avaient été plus apaisées et que des hausses de prix avaient été accordées aux PME et aux producteurs de produits frais », poursuit-il.
« Ce qui n’est pas abouti, c’est l’inversion de la méthode de négociation. La loi impose de partir, notamment, d’indicateurs de coûts de production. Ce sera l’enjeu de cette année, à condition que les industriels fassent la transparence sur leurs prix d’achat ». Jacques Creyssel rappelle néanmoins les hausses des prix sur le lait. « Les interprofessions mettent en oeuvre les plans stratégiques qui leur ont été demandés. On voit les premiers effets : la filière bovine mise sur le Label rouge, le porc bio se développe, la question des oeufs de poules élevées en plein air ne se pose plus », constate-t-il également.
· Les charcutiers déplorent une bataille quasi quotidienne
Les industriels de la charcuterie se disent « peu touchés par l’encadrement des promotions », mais déplorent en revanche ne pas pouvoir obtenir de la distribution la renégociation des tarifs malgré la flambée de prix de la matière première, explique Bernard Vallat, le président de la Fédération des industriels de la charcuterie.
Les cours du porc ont fait un bond de 46 % entre avril et juillet sur le marché au cadran de Plérin (Côtes d’Armor) qui sert de référence nationale en raison de l’explosion de la demande en Chine, où la peste porcine africaine fait des ravages. « C’est un combat quasi quotidien des entreprises de salaisons et charcuterie auprès des enseignes. Faute d’obtenir gain de cause, certaines vont mettre la clef sous la porte », dit Bernard Vallat
· Champagnes et spiritueux voient leurs ventes dégringoler
Le champagne qui faisait l’objet de très nombreuses promotions en grandes surfaces jusqu’à concerner 58 % des volumes certaines années a vu ses ventes chuter avec l’interdiction de telles pratiques. Les ventes ont reculé de -6 % au premier semestre 2019, selon le Comité interprofessionnel des ventes de champagne. Sur douze mois glissants à fin juin, elles ont diminué de -2,6 %.
Pour le groupe Pernod Ricard, le relèvement du seuil de revente à perte a eu un effet désastreux. Le prix du Ricard est passé au-dessus du seuil psychologique de 20 euros le litre, provoquant un effondrement des ventes. Sur les deux mois d’été, le groupe dit avoir commercialisé « 700.000 litres de moins de Pastis 51 et de Ricard en raison du relèvement du SRP ».
Source : Producteurs et distributeurs jugent les débuts de la loi alimentation | Les Echos