Ritter Sport, le petit carré de chocolat l’emporte face au géant Milka
Dans un combat de David contre Goliath, l’entreprise familiale allemande Ritter a remporté contre Milka le droit de protéger comme marque la forme carrée de sa tablette de chocolat.
Ritter Sport est la tablette de chocolat que tous les Allemands connaissent : « carrée, pratique, bonne », selon le slogan inchangé depuis les années soixante-dix. Indémodable et maintenant pour encore longtemps, puisque la Cour de justice fédérale allemande de Karlsruhe a jugé en dernière instance que Ritter Sport avait le droit de protéger sa forme carrée comme marque.
Le combat opposait depuis dix ans la SARL Alfred Ritter au géant Milka et sa maison mère Mondelez, ex « Kraft Foods ». « Pour une entreprise familiale relativement petite comme la nôtre, fait valoir Thomas Seeger, chef du service juridique de Ritter, la forme carrée de notre emballage a la même signification que la couleur violette individuelle de la partie adverse ».
Inventé en 1932 par la grand-mère
Cette forme carrée avait été inventée en 1932 par la grand-mère, Clara Ritter, pour tenir dans la poche d’une chemise de sport. A peine l’Office Européen des Marques ouvrait-il ses portes face aux plages d’Alicante que l’entreprise déposait en 1996 son emballage carré comme « marque tridimensionnelle ».
Rien n’assurait pourtant la petite entreprise familiale de 1.600 employés de remporter le combat face à un géant de l’agroalimentaire. Elle a dû affronter plusieurs allers-retours entre les juridictions, qui avaient mis en doute le bien-fondé de cette « marque ».
identifié par les consommateurs
« Le jugement est très intéressant parce qu’il reconnaît que les consommateurs ne s’orientent pas seulement en fonction d’un nom spécifique mais d’une forme différente, comme ici le carré Ritter Sport », constate Joseph Fesenmaier, avocat spécialisé du cabinet Bird & Bird. Comme pour Louboutin qui a réussi à faire reconnaître ses semelles rouges comme une marque, « le consommateur identifie immédiatement ce qu’il voit ».
Après des cas similaires pour les triangles Toblerone, les bâtons Mikado ou les lapins dorés de Lindt, le jugement Ritter Sport fait partie d’une lame de fond du droit européen, qui reconnaît « de plus en plus comme marque le produit lui-même, une forme, une couleur ou un hologramme par exemple », remarque Marie-Avril Roux-Steinkühler, avocate franco-allemande spécialisée en droit des marques.
Jusqu’à présent, rappelle-t-elle, les marques tridimensionnelles restent pourtant encore limitées, représentant à peine 0,5 % des dépôts, même « si la France est relativement plus ouverte à les accepter que l’Allemagne ».
Monopole contesté sur les formes
En Allemagne, la réticence est forte à l’égard d’une appropriation d’une forme qui « peut nuire aussi bien au consommateur qu’à la concurrence entre les entreprises », pointe Annette Kur, spécialiste du droit de propriété intellectuelle et du droit de la concurrence. L’un des points essentiels pour reconnaître une telle marque « est que cette forme résulte de la nature de la marchandise » ou de conditions techniques. Or, pour elle, « ce qui est intrinsèque au chocolat, c’est son goût pas sa forme ».
Les juges de Karlsruhe ne se sont pas penchés sur cet argument précis pourtant, mais plutôt sur le fait que la forme donne au produit une « valeur essentielle ». Une valeur accordée à Ritter après dix ans de combat. Jeudi dernier, l’entreprise qui fonde depuis trente ans toute sa stratégie marketing sur son seul « carré » a fait « sauter les bouchons » a annoncé Thomas Seeger.
A retrouver en cliquant sur Source – Article de Nathalie Steiwer
Source : Ritter Sport, le petit carré de chocolat l’emporte face au géant Milka | Les Echos