
Spiritueux : les géants mondiaux se lancent dans l’alcool sans… alcool
Pernod Ricard lance dans dix pays « Ceder’s », un gin sans alcool après l’avoir expérimenté au Royaume-Uni. Le leader mondial des vins et spiritueux, Diageo a ouvert la voie de l’alcool sans alcool avant le groupe français. Les experts sont unanimes sur la réalité d’une tendance de fond.
Il y avait la bière sans alcool. Il y a désormais les spiritueux sans alcool. Quand les deux géants mondiaux des alcools et spiritueux, une énorme industrie estimée à 878 milliards d’euros, Diageo et Pernod Ricard se lancent sur cette voie, on peut, sans grand risque d’erreur, croire à une nouvelle tendance. Même les producteurs de tonic, comme le plus que séculaire britannique Franklin & Sons, ont adapté leurs gammes aux cocktails réalisés avec cette nouvelle génération de breuvages.
L’alcool sans alcool s’est imposé au monde de la nuit en quête d’expériences originales. Les experts parient tous sur une croissance exponentielle. Le mouvement est parti des Etats-Unis….
Gin, whisky, vodka, bière….
Après avoir remporté un certain succès Outre-Manche auprès des cavistes et dans les bars avec le Ceder’s, un gin sans alcool, Pernod Ricard vient d’en élargir le commerce à dix autres pays, dont la France. Quelques semaines avant, il avait démarré la vente, également sur le marché britannique, de Celtic Soul, un whisky sans alcool. Et en Australie, le groupe français propose Flight, un vin très faiblement alcoolisé (2°) de sa filiale Jacob’s Creek.
De son côté, Diageo a pris le contrôle en août dernier pour un montant non divulgué de Seedlip , le premier spiritueux sans alcool à avoir fait son apparition sur le marché. Un gin inventé en 2015 par Ben Branson, qui voulait répondre à la question « Que boire quand on ne veut pas boire ? ». Le géant britannique s’est très vite intéressé au nouveau venu, en s’offrant dès 2016 une participation minoritaire au capital de la société. Pour Diageo, qui vit de la vente d’alcool depuis plus de 250 ans, le choix n’est pas anodin. La bière sans alcool elle aussi recrute de plus en plus, si bien qu’ AB InBev , le premier brasseur mondial, a en projet d’en tirer 20 % de ses ventes en 2025, contre 8 % en 2019.
La consommation d’alcool chute
Faut-il y voir un changement de cap ? Bien sûr que non, se récrient les industriels. Pas question de tourner le dos à leur métier. En revanche, les faits sont là. La consommation d’alcool recule dans de nombreux pays. La tendance à la modération est incontestable, et le phénomène concerne toutes les tranches d’âge. C’est vrai en Russie, où la consommation d’alcool a chuté de 17 à 14 litres par an ces dix dernières années, selon l’OMS. Cela l’est aussi en France où elle a diminué de 30 % en vingt ans, à moins de 12 litres par an et par personne. Au Royaume-Uni, elle a baissé de 18 % entre 2014 et 2018. Un quart des jeunes des 16-24 ans n’en boit pas.
Le coût de production de ces spiritueux sans alcool est le même. Les techniques d’élaboration sont identiques. Les étapes sont les mêmes sauf pour la dernière, qui consiste à libérer l’éthanol, ramenant ainsi le breuvage à zéro degré. Les flacons, très soignés, sont de la même facture. Le goût n’est pas sensiblement différent. « Les yeux fermés, un gin zéro peut passer pour son jumeau à 40 degrés », affirme-t-on chez Pernod Ricard.
Une manne
Une manne pour l’industrie car le zéro échappe aux taxes qui frappent l’alcool, de 60 à 80 % selon les pays. Le Seedlip de Diageo est proposé à 52 dollars le litre. Le cocktail à 15 dollars. En 2015, il s’en est vendu 1.000 flacons chez Selfridges à Londres. Trois ans plus tard, le leader britannique commercialisait 30.000 bouteilles de son gin zéro dans 25 pays.
Parallèlement à la tendance « zéro », on voit se développer les spiritueux à degré alcoolique moindre. En 2018, le groupe a créé deux « ultra-low » gin & tonic à 0,5 degré d’alcool sous la marque Gordon. Et Diageo vient de lancer une vodka Smirnoff zéro sucre avec essences de vrais fruits, à 23 degrés et 87 calories. « Parfait pour les longues soirées d’été », vante-t-il.
Extrait de l’article de Marie-Josée Cougard– Les Echos. Cliquez sur Source pour lire l’article complet
Source : Spiritueux : les géants mondiaux se lancent dans l’alcool sans… alcool | Les Echos