« Elles ont vieilli comme leurs clients »… Sur le gril, Flunch, Del Arte et consorts cherchent à se réinventer

RESTAURATION En proie à de grandes difficultés, ces chaînes historiques revoient leur formule pour retrouver des couleurs et attirer une clientèle plus jeune

Si le restaurant Flunch de Rennes a changé de look, les clients peuvent toujours se servir des légumes et des frites à volonté.
Si le restaurant Flunch de Rennes a changé de look, les clients peuvent toujours se servir des légumes et des frites à volonté. — J. Gicquel / 20 Minutes
  • Pendant longtemps, les chaînes de restauration historiques comme Flunch, Del Arte ou Courtepaille ont connu le succès sans rien changer de leur concept.
  • Mais depuis quelques années, et encore plus depuis la crise sanitaire, elles se retrouvent confrontées à de graves difficultés, fermant des restaurants à la pelle.
  • Confrontées à la concurrence de la restauration rapide et boudées par les jeunes, elles n’ont pas d’autre choix que de revoir le modèle et le contenu des assiettes.

L’une a célébré son cinquantième anniversaire en 2021. L’autre soufflera ses quarante bougies l’an prochain. Autant dire que les chaînes Flunch et Del Arte font figure d’ancêtres dans un monde de la restauration en perpétuelle évolution. Parmi ces marques historiques, on n’oublie pas non plus Courtepaille, Buffalo Grill ou Hippopotamus, toutes nées quand la France écoutait encore le yé-yé et dansait le disco. Pendant des années, toutes ces chaînes ont connu une croissance exponentielle, ouvrant des restaurants ou des établissements franchisés à la pelle partout sur le territoire.

C’était alors l’époque où les Français partaient « fluncher » en famille ou entre amis, dévorant une entrecôte et des frites à volonté dans des petites maisons rondes au toit de chaume ou dans un décor peuplé de cow-boys et d’indiens. Avec toujours la promesse de manger à la bonne franquette et sans trop se ruiner. Oui mais voilà, l’âge d’or de ces vieilles gloires de la restauration est désormais révolu et toutes se retrouvent en proie depuis quelques années à de grosses difficultés. « Ces chaînes ont traversé le temps en pensant qu’elles résisteraient à tout, souligne Bernard Boutboul, président de Gira Conseil et expert de la restauration. Mais elles ont vieilli comme leurs clients. »

Des dizaines de restaurants fermés pendant la crise

Vieilli mais aussi perdu beaucoup de plumes. Durant la crise sanitaire, qui a ébranlé le secteur de la restauration, Flunch a fermé une cinquantaine de restaurants et a été placé pendant plusieurs mois en procédure de sauvegarde. « Le Covid nous a fait très mal, on a failli ne pas s’en remettre », reconnaît Hervé Rampal, directeur général de Flunch, propriété de la famille Mulliez (Auchan, Décathlon, Leroy Merlin…). Une saignée à laquelle n’ont pas échappé ses concurrents, à commencer par Courtepaille. Rachetée partiellement en juin par le groupe La Boucherie, la chaîne a perdu près de 130 restaurants et laissé près d’un millier de salariés sur le carreau. « Le Covid a porté un coup fatal à ces chaînes mais cela fait déjà une dizaine d’années qu’elles souffrent, » assure Bernard Boutboul.

Comment expliquer un tel désamour ? Il y a bien sûr le comportement des clients qui a changé avec des Français qui vont moins au restaurant qu’avant et ont modifié le contenu de leur assiette. Mais tout cela, les grandes chaînes n’ont pas su l’anticiper ni même y répondre. « Leur concept n’a pas bougé d’un millimètre et elles en paient aujourd’hui le prix fort », insiste le président de Gira Conseil. Au fil des années, ces chaînes sont ainsi tombées en ringardise avec des restaurants souvent comparés à de vulgaires cantines. Dans une interview accordée en 2022 au Parisien, Baptiste Bayart, nouveau PDG de Flunch, évoquait lui-même « le plateau un peu tristounet, le repas mangé tiède dans un décor vieillot ».

Des chaînes boudées par les jeunes générations

Entre-temps, l’offre de restauration a également explosé, principalement la restauration rapide dont les enseignes ont envahi les rues. Tacos, tenders, salad bowls et autres burgers ont ainsi conquis les cœurs des jeunes générations, qui boudaient déjà de toute façon ces grandes chaînes historiques. « Ces marques ne parlent pas quand on a 20 ou 30 ans », souligne Bernard Boutboul. En plein marasme, Flunch, Del Arte et consorts n’ont donc pas d’autre choix que d’évoluer sous peine d’être définitivement jetées aux oubliettes. « On ne retrouvera jamais de toute façon notre niveau d’avant la crise donc il faut opérer d’urgence cette transformation » précise Philippe Jean, directeur général de Del Arte, qui souhaite faire de ses restaurants « des lieux de destination et non plus de flux ».

Cela passe tout d’abord par un changement de décor. Buffalo Grill a ainsi abandonné son univers Far West tandis que Flunch revoit progressivement l’intérieur de tous ses restaurants. « On n’a plus honte de les montrer désormais », sourit Hervé Rampal, qui a récemment assisté à la transformation du restaurant rennais. C’est aussi dans la capitale bretonne, sur les terres de son propriétaire Louis Le Duff, que Del Arte a inauguré il y a un mois son nouveau concept de bar-restaurant Renata. Un lieu qui cible une clientèle plus jeune avec une formule « happy hour », ou plutôt « aperitivo » dans sa version italienne, avec des planches et des pizzas à partager et la retransmission de rencontres sportives. « On ne délaisse pas notre clientèle historique, assure Philippe Jean. Mais sur certains restaurants, on revoit le modèle pour aller chercher de nouveaux clients. »

Nouveaux plats à la carte et digitalisation

C’est le cas au restaurant de Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire), plus tourné sur le digital et le click and collect. Ou sur celui de Nanterre, qui mise sur le snacking et la vente-à-emporter. Chez Flunch, on a également revu la carte. Il reste bien sûr les grands classiques comme les frites et les légumes à volonté. Mais dans plusieurs restaurants, de nouveaux corners sont apparus ces derniers mois avec désormais des woks, des viandes et poissons à la plancha, des burgers ou des pizzas qui sont servis aux clients. « On se doit de répondre à tous les styles culinaires et à toutes les générations », indique Hervé Rampal, annonçant aussi la digitalisation à marche forcée de tous les restaurants dans les prochains mois.

Cela suffira-t-il à redresser la barre ? « Ces chaînes sont condamnées à évoluer de toute façon et à tester de nouveaux concepts, prévient Bernard Boutboul. Mais je pense que ce concept de restaurant généraliste est foutu. »

Par  Jérôme Gicquel– A retrouver en cliquant sur Source

Source : Sur le gril, Flunch, Del Arte et consorts cherchent à se réinventer