Télétravail, inflation… les Européens vont moins souvent au restaurant, mais dépensent plus

Les dépenses en restauration en Europe ont progressé de 10 % entre 2019 et 2025, atteignant 340 milliards d’euros, selon Circana. Pourtant, les visites ont reculé de 10 %, reflétant des changements structurels liés au télétravail et à l’inflation. La filière française a rendez-vous à l’Elysée ce lundi pour évoquer ses difficultés.

Un peu moins de six ans après les coups d’arrêt à l’activité portés par le Covid et près de quatre ans après le retour de l’inflation, à quoi ressemble le paysage européen de la restauration ?

Côté pile, les comptes sont bons. Dans les cinq grandes économies que sont l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, l’Italie et l’Espagne, les consommateurs mettent plus que jamais la main au portefeuille pour se sustenter hors domicile.

Entre juin 2019, avant la pandémie, et juin 2025, leurs dépenses ont augmenté de 10 %, selon le cabinet Circana. Sur cette période, les revenus annuels du secteur sont passés, dans ces pays, de 309 milliards à 340 milliards d’euros (à change constant). « C’est un record », souligne Jochen Pinsker, expert Europe de Circana dans le domaine de la restauration hors domicile.

« Les habitudes ont évolué »

Mais, côté face, le nombre de visites a baissé. Il est en retrait de 10 % par rapport à la période d’avant Covid, passant de 57,2 milliards en 2019 à 51,2 aujourd’hui. Et 2024 était un peu meilleure que 2025 en la matière.

« Les habitudes des consommateurs ont évolué partout en Europe. L’après Covid a induit des changements structurels pour le secteur, portés par différents facteurs. Le télétravail a ainsi nettement progressé. Tandis que les voyages d’affaires sont devenus moins nombreux », analyse Jochen Pinsker.

A ces raisons poussant à moins aller au restaurant s’ajoutent des arbitrages d’achat. « La confiance des consommateurs joue un rôle clé. En période d’incertitudes internationales, ils ont tendance à épargner plus. Leur comportement dépend moins de la somme qu’ils ont réellement dans leur porte-monnaie que de ce qu’ils sont prêts à dépenser pour sortir », souligne Jochen Pinsker.

L’inflation a aussi joué un rôle non négligeable. La hausse des prix sur les menus, freinant les sorties, pousse à guetter davantage les bons plans. En 2025, 33,7 % des repas dans les cinq principaux pays européens comprennent une promotion ou un menu, contre 29,9 % en 2022, tandis que la consommation d’eau du robinet, gratuite, a augmenté de 5 % au premier semestre de 2025.

De son côté, la plateforme de réservations TheFork note cette année en Europe une croissance à deux chiffres sur les demandes portant sur des offres spéciales et des promotions. Toutes additions confondues, le ticket moyen est globalement stable par rapport à 2024, à environ 30 euros.

L’Europe du Sud sort plus

Reste que la situation peut varier fortement d’un pays à l’autre, montre l’étude Circana. Avec un axe Nord-Sud. Au Royaume-Uni, la fréquentation se révèle, en 2025, inférieure de 21 % à celle de 2019. En Allemagne, où le retour de la TVA sur l’addition à son niveau d’avant Covid (c’est-à-dire 19 % contre 7 %) a eu d’importantes conséquences, elle recule de 13 %. Le gouvernement a d’ailleurs annoncé qu’il allait faire marche arrière l’an prochain et revenir au taux réduit, hors boissons.

La France est plutôt dans la moyenne, avec une baisse de 9 %. Son activité est, en outre, restée à peu près stable au premier semestre 2025. Ce qui n’empêche pas les inquiétudes que la profession fait davantage entendre depuis l’été. Le président de la République, Emmanuel Macron, reçoit d’ailleurs ce lundi à déjeuner des chefs, des restaurateurs emblématiques et des représentants de la profession autour d’un déjeuner pour voir, notamment, comment répondre aux difficultés de la filière.

Finalement, ce sont les établissements du sud de l’Europe qui sont les plus favorisés. En Espagne ou en Italie, par comparaison au niveau de 2019, la baisse de fréquentation n’est que de 4 %.

Dans le cas de l’Espagne, l’une des explications avancées par Circana tient au fait que le pays a un taux assez bas de télétravail par rapport aux autres, ce qui pousse les salariés à manger davantage hors de chez eux à l’heure du déjeuner.

Le repas solo gagne du terrain

Les télétravailleurs, qui ont quand même envie de ne pas rester à leur domicile toute la journée, contribuent cependant à alimenter dans les différents pays un phénomène croissant : le repas solo. Celui-ci gagne du terrain partout en Europe. Dans la restauration à table, 15,4 % des visites aujourd’hui sont le fait d’une personne venue seule, contre seulement 9,4 % en 2016. Des tabous sont tombés.

« En général, les établissements n’apprécient pas beaucoup quelqu’un qui occupe une table à lui tout seul. Mais ils doivent désormais prendre en compte cette tendance et réserver un bon accueil à ces clients », estime Jochen Pinsker.

Parmi les autres changements d’habitudes que la pandémie a induit figure la montée en puissance de la livraison à domicile, avec des croissances à deux chiffres en Allemagne et en France entre l’avant Covid et maintenant. Dans deux cas sur trois, la livraison remplace des plats préparés à la maison.

Plus de livraisons

En Europe, les plateformes représentent désormais, selon Circana, 3,7 % de toutes les « visites » en restauration hors domicile. Quatre fois plus qu’en 2016. Leur place continue à grossir. Au premier trimestre 2025, le cabinet a ainsi constaté que les commandes numériques pour les livraisons et la vente à emporter se sont accrues de 7 %.

« La poursuite de la digitalisation fait partie des pistes porteuses pour les restaurants », souligne Jochen Pinsker. Il estime, en outre, qu’il leur reste « beaucoup d’opportunités », s’ils savent réellement prendre en compte les nouveaux modes de consommation.

Par Clotilde Briard : A retrouver en cliquant sur Source

Source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/teletravail-inflation-les-europeens-vont-moins-souvent-au-restaurant-mais-depensent-plus-2188808