Télétravail : sans pause-café, les distributeurs automatiques souffrent

Entre le développement du télétravail, la hausse du prix des matières premières et l’obligation de passer aux gobelets carton, les distributeurs automatiques de cafés, boissons et produits alimentaires font grise mine. Certaines PME rebondissent toutefois, en attaquant de nouveaux marchés.

Symboles de convivialité sur le lieu de travail, les machines à café sont en difficulté. Les gestionnaires de distributeurs automatiques veulent désormais être traités comme les autres secteurs très touchés par la crise. Dans un communiqué publié jeudi 14 janvier, les professionnels demandent à bénéficier dès janvier de l’activité partielle sans reste à charge.

Autre revendication : l’allongement des échéances de remboursement de leur prêt garanti par l’Etat (PGE) . « Notre activité est autorisée à exercer, mais nous sommes de fait empêchés de travailler. Je préférerais que nos entreprises soient interdites d’exercer. Nous aurions au moins des aides ! », cingle Philippe Albrieux. Le PDG d’Alfragest, une PME basée à Lyon, préside la Navsa (Fédération nationale de vente et services automatiques), qui représente 250 entreprises adhérentes, la plupart étant des TPE-PME réalisant un chiffre d’affaires d’environ 2 millions d’euros.

Depuis le début de la crise sanitaire, les gestionnaires de distributeurs automatiques de cafés disent être devenus la variable d’ajustement des protocoles sanitaires des entreprises. « Beaucoup de machines sont condamnées avec du Scotch noir, on dirait des scènes de crime », se lamente Yoann Chuffart, délégué général de la Navsa.

70 % des 620.000 machines du parc national sont installées en entreprise

« Les spots télévisés de prévention sanitaire face au virus mettant en avant le danger potentiel de prendre un café ensemble, avec un distributeur bien visible, nous ont fait beaucoup de mal », ajoute-t-il. Depuis le début de la crise sanitaire, le chiffre d’affaires de ce secteur, qui emploie 55.000 personnes en France a été amputé, selon les périodes, de 20 % à 90 %.

Prises sous la menace du variant Omicron, les dernières mesures renforçant le télétravail assèchent encore un peu plus les quelque 450.000 machines installées en entreprise – soit plus de 70 % d’un parc national comptant 620.000 machines, par ailleurs déployées dans les hôpitaux, piscines, gares, aéroports, établissements scolaires…

Cessations de paiements

Après avoir chuté de 30 % en décembre par rapport à la même période de 2019, le niveau d’activité moyen devrait encore fondre de 50 % en janvier. « Sur un an, l’activité a baissé d’environ 35 % par rapport à 2019 », complète Xavier Hunot, directeur général du groupement Prodia Plus, qui regroupe 47 adhérents et 2.400 salariés.

La Navsa redoute de nombreuses cessations de paiements dans les prochains mois. « Beaucoup de licenciements sont à déplorer », affirme Yoann Chuffart. Le leader du marché français, le suisse Selecta (50.000 machines sur 10.000 sites clients), avait annoncé fin 2020 un plan de licenciement de 459 salariés, soit 30 % de ses effectifs. En tout, les effectifs du secteur ont diminué d’environ 15 %, soit environ 8.000 salariés en deux ans, selon Yoann Chuffart.

Pierre Albrieux évoque « la pire situation jamais connue », avec une accumulation d’avanies, entre machines neutralisées, augmentation du prix des matières premières, et effets indésirables du télétravail sur le business . L’obligation de passer au gobelet carton, en 2021 , a rajouté aux difficultés. « Sans compter l’augmentation du prix du café, qui a doublé en trois mois », souffle Philippe Bertrand, gérant de Bibal, torréfacteur et gestionnaire de distributeurs automatiques dans le Sud de la France. Or, il est difficile de répercuter les augmentations aux clients, « le prix du café étant contractualisé, la plupart du temps auprès des CSE », explique Yoann Chuffart.

Les gestionnaires rencontrent néanmoins des fortunes diverses en fonction des zones. « On est très touchés dans les grandes métropoles, où se trouvent plus de sièges sociaux et d’activité tertiaire. L’Est de la France, plus industriel, résiste mieux », admet Pierre Albrieux.

Paiement sans contact

Certaines entreprises tentent d’élargir leur rayon d’action. Pour pallier les machines fermées dans le secteur tertiaire, où les effets du télétravail se font particulièrement sentir, Bibal a ainsi prospecté et décroché de nouveaux clients dans d’autres secteurs, comme l’hôpital de Marseille et une base logistique de Carrefour dans les Bouches-du-Rhône. La PME, qui est également torréfacteur de café, a ainsi pu conserver les quelque 100 salariés dédiés à la distribution automatique. Le chiffre d’affaires de cette branche est passé de 15,8 millions d’euros en 2019 – « une excellente année » – à 11,4 millions en 2020, puis 13,5 millions en 2021.

Autre tendance, l’équipement des distributeurs en paiement CB et sans contact. Bibal est passé de 20 % de paiement en Carte Bleue en 2020 à 35 % l’an dernier. Les machines qui tournent le plus sont équipées, pour rentabiliser le coût de l’installation (entre 300 et 400 euros par machine). A ce jour, environ 1.500 de ses 4.300 distributeurs sont équipées de paiement CB et sans contact, et « représentent 70 % du chiffre d’affaires », souligne Philippe Bertrand.

Parmi les pistes de diversification, Selecta envisage pour sa part des magasins autonomes, offrant différents types de plats cuisinés, à récupérer en scannant les produits. Ce qui suppose « d’adapter le parc machine », précise Antoine Namand, le directeur général Selecta France.

Par Hubert Vialatte – A retrouver en cliquant sur Source

Source : Télétravail : sans pause-café, les distributeurs automatiques souffrent | Les Echos