Titres-restaurant : la grogne monte chez les restaurateurs 

Alors que les clients se raréfient, les restaurants sont nombreux à refuser les titres-restaurant, au vu des commissions prélevées et de la complexité à se faire rembourser. Des décisions sont attendues du côté de Bercy.

L’enquête menée par la start-up Openeat (spécialisée dans les avantages aux salariés liés à l’alimentation) et par la communauté des Toqués de restauration, sur le degré d’acceptation par les commerçants des titres-restaurant, vient chahuter la rentrée du secteur.

Sur 700 restaurateurs sondés, près de 20 % refusent désormais ces moyens de paiement, soit pour cause de commissions trop élevées prélevées par les émetteurs (50 %), soit en raison des retards de remboursement (22 %) ou de contraintes administratives trop lourdes pour ouvrir un compte (23 %). Si l’on zoome sur les seuls titres au format « papier », ceux-ci sont même refusés par un restaurateur sur trois. Au global, que les restaurateurs acceptent ou non ces titres, ils sont 75 % à juger abusif le niveau des commissions.

Commissions jugées abusives

Ce n’est certes qu’une étude qui ne s’appuie pas sur un échantillon représentatif, mais elle en dit long sur l’agacement induit par le sujet. Depuis la dissolution, le 28 février dernier, de la Centrale de règlement des titres – l’organe qui gérait les remboursements de ces moyens de paiement aux commerçants pour le compte des quatre émetteurs principaux (Edenred, Sodexo, Up, Bimpli/Natixis) -, les professionnels doivent créer un compte sur le site Web de chaque enseigne.

Une perte de temps qui s’accompagne d’une augmentation du coût : alors qu’auparavant ils pouvaient opter pour une commission basse (de 1,5 % à 2 %) en contrepartie d’un remboursement lent sous 21 jours, cette option a été supprimée au profit d’un délai unique de 7 jours, mais au taux de 4 à 6 %. Tous supports confondus, le montant de commission jugé acceptable par ces professionnels se situe entre 1 et 2 % : même si cette exigence parait utopique, on est donc loin du compte.

Si l’on se concentre sur le seul format carte, désormais le plus répandu, là encore les commissions coincent pour près de 72 % des répondants.

Rentabilité en péril

Pour Romain Vidal, restaurateur et référent titre-restaurant pour le Groupement des hôtelleries et restaurations de France (GHR), ces problématiques sont cruciales à régler car ces moyens de paiement représentent de 10 à 20 % du chiffre d’affaires des commerçants de bouche, et jusqu’à 30 à 40 % pour ceux situés dans des quartiers d’affaires. « Nous réclamons depuis longtemps le plafonnement des commissions. Avec la dématérialisation des titres, les émetteurs nous avaient laissé entrevoir des baisses, il n’en a rien été », déplore-t-il.

Pour lui, des commissions de 4 à 5 %, comme c’est le cas sur les cartes, « mettent en péril la rentabilité des petits commerces déjà impactés par l’inflation et la hausse du prix de l’énergie ». Et, rappelle-t-il, « c’est dix fois plus que le taux d’environ 0,5 % prélevé pour une carte bancaire ».

Si les émetteurs rétorquent que le service rendu n’est pas le même, que la technologie est chère, et que les Uber Eats et Deliveroo prennent des commissions bien supérieures, de l’ordre de 25%, Romain Vidal déplore que l’essentiel des charges pèse sur les commerçants.

Il réclame également l’arrêt rapide des titres-papier. « J’ai alerté Bercy face à la flambée des refus de ces moyens de paiements par nos adhérents. Mais certains émetteurs veulent des délais de 12 à 24 mois. Bientôt ils commenceront la production des titres 2024 et ce sera trop tard » déplore-t-il.

Bercy sollicité

L’Autorité de la concurrence, qui s’est penchée sur ce marché, devrait remettre prochainement à Bercy ses préconisations quant à la nécessité d’encadrer les commissions, d’en finir avec le papier, et de moderniser la Commission nationale des titres-restaurants, cette instance où les différents protagonistes échangent (employeurs, salariés, restaurateurs et commerçants assimilés, émetteurs).

Alors que les quatre émetteurs historiques se sont vu infliger en 2019 pas moins de 415 millions d’euros d’amendes pour entente , et qu’une décision en appel est attendue autour de novembre, deux cabinets d’avocats, TransAtlantis et Brandeis Fiducie, ont proposé aux commerçants de se constituer en collectif pour réclamer des indemnités aux émetteurs.

« Plusieurs milliers de restaurateurs ont rejoint l’action, ainsi que les principales fédérations des commerces de bouche dont le GHR, la Fédération des épiciers de France, Tendance & Restauration, ou encore la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française. Nous attendons la décision de la cour d’appel concernant la condamnation initiale des émetteurs, avant de déposer le dossier devant le tribunal de commerce », explique TransAtlantis. Le feuilleton n’est pas fini…

Par Martine Robert – A retrouver en cliquant sur Source

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