Tourisme: la France, un leader mondial de plus en plus concurrencé
DÉCRYPTAGE – Le président a réuni une centaine de chefs d’entreprise et décideurs pour les encourager à investir. Si elle conserve sa place de leader, la destination perd des parts de marché.
Pendant le remaniement, les efforts du président de la République pour rendre la France toujours plus attractive continuent. Ce jeudi, Emmanuel Macron a mis les petits plats dans les grands pour recevoir, au château de Chantilly, une centaine de chefs d’entreprise et décideurs de groupes internationaux du tourisme (ADP, SNCF, Accor, Marriott, Airbnb, Compagnie des Alpes, Ryanair, JP Morgan…).
C’était la deuxième édition du sommet Destination France, destiné à valoriser les atouts du pays et à conforter sa place de première destination mondiale du tourisme. Fin 2021, Emmanuel Macron avait déjà joué les «GO» pour impulser une nouvelle ambition au secteur, qui représente 7,5% du PIB et 2 millions d’emplois. Calqué sur le modèle de Choose France, Destination France a l’ambition de séduire les investisseurs. Dans la moisson annoncée jeudi: le lancement d’un nouveau fonds par Montefiore, l’ouverture de deux résidences à la montagne par Belambra et 200 millions d’investissement par Louvre Hôtels…
De bon augure, alors que 2024 s’annonce «exceptionnel» pour le tourisme, avec les JO, les quatre-vingts ans du Débarquement en Normandie et le Sommet de la francophonie. De quoi rayonner partout dans le monde. De nombreux professionnels se frottent les mains. D’autres s’inquiètent de ne pas faire le plein, un certain nombre de visiteurs potentiels préférant éviter la foule des grands jours et remettre à plus tard leur voyage en France.
Un premier signe de déclassement
Malgré l’aura de la destination, l’attractivité touristique de la France a besoin d’être confortée. Depuis des années, la France perd, en effet, des parts de marché. Sans véritable politique nationale, il lui manque un chef d’orchestre. Sa place de première destination mondiale du tourisme est de plus en plus menacée. Il faut améliorer l’accueil, la promotion, mieux valoriser les territoires, en finir avec la surfréquentation de certains sites… On disait les Chinois accros au shopping parisien? Ils ne sont toujours par revenus malgré la fin de la pandémie. Liaisons aériennes réduites, prix des billets en hausse, problèmes de visas, craintes sécuritaires… Olivia Grégoire, alors ministre déléguée au Tourisme, s’est rendue la semaine dernière en Chine pour les convaincre de revenir.
Dépassée par l’Espagne, la France n’est déjà plus leader mondial en termes de recettes touristiques. C’est un premier signe de déclassement. Jusqu’à quand le restera-t-elle en terme de fréquentation? Selon l’Élysée, près de 100 millions de touristes internationaux devraient avoir réalisé un séjour dans le pays en 2023 (estimations Atout France), une performance en croissance par rapport à celle de 2022 (93 millions, source Insee). Un chiffre record qui fait tiquer certains experts. Fixé en 2014 par Laurent Fabius, alors ministre du tourisme, cet objectif avait été maintes fois reporté. Plus personne n’en parlait, à l’heure où la priorité est à la lutte contre le surtourisme et à l’augmentation des dépenses par visiteurs. Fin novembre, Olivia Grégoire tablait sur 80 millions de touristes en 2023. Selon l’Elysée, ils ont été 25 % plus nombreux… «Un tel écart de chiffres est surréaliste, déclare un expert du secteur. On peut s’interroger sur d’éventuels changements de méthode de calcul. Ce chiffre de 100 millions est difficilement crédible, même s’il y a plus d’Anglais qui traversent la France pour aller en Espagne. Comment l’expliquer alors que les Chinois et les Japonais ne sont toujours pas revenus?»
Écart faible avec l’Espagne
Certes, la dépense des touristes est bien plus importante que leur nombre. Mais la position de leader mondial en nombre d’arrivées est un atout que la France n’a pas intérêt à perdre. Depuis des années, l’Espagne se rapproche. Été comme hiver, le pays attire les foules. À moins d’un retournement de tendance, il dépassera bientôt la France. «Dans l’état actuel des dernières estimations, le classement de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) devrait rester inchangé en 2023, selon Michel Durrieu, conseiller spécial du secrétaire général de l’OMT. La France reste la première destination touristique mondiale et l’Espagne son challenger. Mais ce n’est pas un classement définitif. L’écart de fréquentation entre les deux pays est très faible.»
Les arrivées de touristes internationaux sont calculées à partir d’une enquête de la Banque de France, qui échantillonne des points de passage (salles d’embarquement d’aéroports, trains, aires d’autoroutes, ports). «Pour 2022, nous avons eu les résultats de l’enquête tardivement, explique David Lévy, responsable de pôle en charge du tourisme à l’Insee. L’OMT avait estimé que c’était 78 millions.» L’Insee a récemment corrigé ce chiffre à 93 millions, qui marque un retour au précédent pic de 2019. «Pour 2023, nous n’avons pas encore tous les éléments pour finaliser l’estimation», poursuit l’expert.
2023 a été une année exceptionnelle sur le plan touristique mondial. Il n’y a pas de raison que la France n’en ait pas profité. Paris a quasiment retrouvé ses niveaux de fréquentation d’avant Covid (- 4 % par rapport à 2019), malgré l’absence des Chinois et de Russes. «Comme la grande majorité des visiteurs étrangers passent et restent à Paris, on peut penser que la France a elle aussi retrouvé un niveau proche de 2019, qui était de 90 millions de touristes internationaux», avance Jean-François Rial, président de Voyageurs du monde et ex-président de l’office de tourisme de Paris.
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