
Agroalimentaire : les surcoûts inattendus de la crise sanitaire
Plus rompu aux mesures d’hygiène que d’autres secteurs de l’économie, l’industrie agroalimentaire s’est néanmoins retrouvée confrontée aux mêmes problèmes que la plupart des entreprises. Les surcoûts varient notablement selon les sociétés, mais en moyenne il est estimé à 22 %.
Chaque jour avant de regagner son poste de travail, un salarié de l’agroalimentaire s’équipe de pied en cap. Chaussures spéciales ou bottes, charlottes, gants, masques, blouses après s’être lavé les mains et avoir traversé au moins un pédiluve. C’est le quotidien depuis de nombreuses années.
« Lorsque la crise est arrivée, raconte Alexandre Viron, le président des Moulins Viron , 40 salariés, chiffre d’affaires 19 millions d’euros, on était plus que parés en termes sanitaires. Toutes les entreprises qui ont plus de dix ans avaient un plan de continuité depuis le H1N1. Tout était prévu pour travailler avec un tiers des salariés. On avait des stocks de masques, des surblouses, un plan de marche, tout ce qu’il fallait pour garantir la sérénité des salariés. » Sauf que l’histoire en a décidé autrement. Le gouvernement a réquisitionné les masques et les entreprises qui se croyaient parées ont dû faire comme les autres. Se lancer à la chasse au masque , au gel, aux visières, aux parois de Plexiglas. « Des dizaines de milliers d’euros se sont envolés dans toutes ces protections », explique Alexandre Viron.
« Les masques caviar »
Il n’y a pas d’amertume dans les propos du patron des Moulins Viron sur la réquisition des masques. « On les a donnés pour le personnel soignant. » En revanche, tout ce qui a suivi l’a profondément agacé. Les délais pour remplacer ces masques se sont avérés démesurés. « Notre première commande est restée coincée à l’aéroport pendant trois semaines », explique Alexandre Viron. « Les salariés ne comprenaient pas comment nous étions passés d’une situation de stock à une situation de pénurie. » Pas question de s’en passer. Mais tout le monde en cherchait. Résultat, les prix se sont littéralement envolés. « On a payé le prix fort. Il y a six mois, les masques se vendaient de 8 à 15 centimes. Aujourd’hui, on nous les facture 88 centimes à l’unité. »
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Même constat chez Morue France Cuisine, une entreprise de plats préparés frais, qui emploie 35 personnes pour un chiffre d’affaires de 6,4 millions d’euros. Jérôme Jany, son président, parle des masques comme du « nouveau caviar. Il y a quelques mois je n’aurais même pas su dire le prix des masques. Aujourd’hui, je viens d’en commander 2.000, je ne les aurai que dans un mois, mais j’ai dû les payer tout de suite. 1.400 euros ». Le gel hydroalcoolique lui était vendu 20 euros le litre au début de la crise. « C’est honteux ! », s’exclame Jérôme Jany. Le prix est devenu plus raisonnable depuis. A huit euros.
Culture de la protection sanitaire
Du jour au lendemain, il a fallu élargir l’équipement sanitaire à tous les salariés. Le personnel chargé du conditionnement et de la préparation des commandes, ceux qui travaillent dans les bureaux, les chauffeurs, les commerciaux. Tous ont des gants jetables, dont le prix aussi s’est envolé. Les locaux ont dû être réorganisés pour établir des distances. On « désinfecte désormais toutes les pièces, comme on le faisait pour les salles de production ». Il a fallu former tout le personnel et lui donner la culture de la protection sanitaire qui était jusque-là limitée aux salles de production. « Cela ne s’est pas fait sans mal », raconte Jérôme Jany. « J’en suis à la cinquième séance. C’est du temps et de l’énergie qu’on ne consacre pas aux affaires. »
Les moulins Viron comme Morue France Cuisine fonctionnent en mode dégradé. Avec du chômage partiel en raison du problème de garde des enfants. Résultat, il faut engager des intérimaires et… les former. Les deux entreprises font 60 % de leur chiffre d’affaires habituel. Et s’interrogent sur la façon dont faire accepter tous ces surcoûts à la distribution le moment venu. D’autant que la matière première a elle aussi flambé.
Article de Marie-Josée Cougard et à retrouver en cliquant sur source
Source : Agroalimentaire : les surcoûts inattendus de la crise sanitaire | Les Echos