Agroalimentaire : pourquoi les industriels étrangers boudent la France
Le premier baromètre sur les investissements étrangers dans le secteur des produits de grande consommation montre la perte d’attractivité de la France. Les mauvaises relations avec la grande distribution en sont une des causes.
Si la France se targue depuis quatre ans d’être numéro un en Europe pour les investissements étrangers, ce n’est pas le cas dans tous les secteurs industriels. Pour l’agroalimentaire et les produits de grande consommation (hygiène, droguerie, parfumerie), l’Hexagone est moins attractif que les autres pays européens.
C’est l’amer constat que vient de faire l’Ilec, le club des grands groupes de l’alimentaire. A sa demande, le cabinet EY vient de publier la première étude dédiée à ce secteur de la grande consommation qui pèse 254 milliards d’euros pour une valeur ajoutée de 52 milliards. C’est ce même cabinet EY qui chaque année réalise le baromètre de l’attractivité du pays.
Une rentabilité plus faible
Ses conclusions sont sans appel. « Cette industrie est à rebours du reste des secteurs » , constate Marc Lhermitte, senior partenaire EY. Au moment de choisir entre plusieurs filiales, les investissements de ces géants mondiaux partent dans les pays voisins.
Ainsi, 42 % des groupes internationaux interrogés (60 % des grandes marques nationales) dans cette enquête prévoient de réduire leur présence en France. Dans les trois ans, une entreprise sur six se dit prête à fermer des usines. Et les projets ne se bousculent pas au portillon, puisque 4 filiales sur 10 se sont vu refuser une implantation en France ces dernières années par leurs maisons mères.
Nestlé, le géant mondial de l’agroalimentaire, a ainsi fermé ou cédé 16 usines en France en vingt ans, dont mi-novembre son usine Buitoni à Caudry (Nord). Depuis 2014, Unilever s’est séparé de 4 sites, comme celui de Knorr de Duppigheim (Bas-Rhin) il y a deux ans, pas suffisamment compétitif.
Un retrait inquiétant, car ces groupes, comme Mars (Bounty, Freedent, Sheba…), qui a 8 usines sur le territoire, sont un débouché pour les agriculteurs. « Plus de 60 % de la viande que nous utilisons dans nos aliments pour chiens et chats vient des abattoirs français », indique le dirigeant du groupe en France, Romain Dumas.
De mauvaises relations commerciales
Les causes de cette perte d’attractivité, selon les dirigeants interrogés, sont le niveau des marges plus faibles qu’ailleurs, et la qualité des relations commerciales. Alors que les négociations commerciales viennent de commencer entre industriels et grande distribution, cette défiance vis-à-vis des grands commerçants est pointée du doigt.
« Cette mauvaise relation est un des plus gros handicaps, c’est une exception française qui empêche d’arbitrer en faveur de la France, car avec le coût du travail cela conduit à un déficit de compétitivité », poursuit Marc Lhermitte. Selon l’Ilec, la rentabilité en France serait trois fois plus faible en moyenne qu’au niveau mondial.
« Le niveau de marge de l’excèdent brut d’exploitation de ces filiales parmi nos membres a été inférieur à 5 % en 2022 contre 21 % à 22 % au niveau de leur groupe », souligne Richard Panquiault, président-directeur général de l’Ilec. « Il faut réinstaurer la confiance, juge Philippe Duriez, PDG du groupe Aoste, connu pour les saucissons Cochonou et Justin Bridou. C’est une perte d’énergie alors que nous devons continuer d’innover. »
Par Dominique Chapuis – A retrouver en cliquant sur Source
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